Des résidences qui cassent le moule

Depuis des années, l’offre en habitation pour les personnes aînées tend à s’uniformiser autour des résidences privées pour aînés (RPA), souvent de grande taille et inaccessibles à bien des bourses. Or, certains modèles alternatifs ont fait leur apparition dans le paysage québécois. Visite guidée d’exemples inspirants.

En plein cœur de l’Estrie, dans le village de Racine, une poignée d’irréductibles ont fondé la Brunante, soit la première coopérative de solidarité en habitation destinée aux personnes de 75 ans et plus. Leur objectif ? Vieillir dans leur communauté.

« C’était particulièrement important pour nous de créer une résidence ancrée dans notre milieu, car on ne transplante pas un vieil arbre », rappelle Gaston Michaud, président et fondateur de la coopérative.

La formule coopérative

Cette coopérative compte 20 logements destinés aux personnes autonomes ou semi-autonomes. Il faut débourser 750 $ par mois pour un trois et demi. S’ajoutent à cela les frais pour la formule trois repas par jour. Un montant bien en deçà du prix moyen des places standards (sans soins assidus) en RPA au Québec, qui frôlait les 1 900 $ en 2022, selon les plus récentes données de la plateforme Web Bonjour résidences.

« En plus d’être sans but lucratif, les coopératives reçoivent des subventions pour offrir des logements à moindre coût », ajoute Christyne Lavoie, conseillère en développement des communautés à l’Observatoire estrien du développement des communautés (OEDC).  

Les membres de la coopérative de solidarité sont composés à la fois de locataires, mais aussi de personnes issues de la communauté qui agissent comme membres de soutien. Chaque individu est ainsi invité à mettre ses talents au service des autres, que ce soit pour décorer, déneiger ou faire de la plomberie, donne en exemple Gaston Michaud, ce qui diminue la facture.

Des valeurs d’entraide qui améliorent aussi la qualité de vie des résidents. « En fait, c’est un outil formidable de maintien à domicile collectif. Cela permet de briser l’isolement et la maltraitance, tout en diminuant les inquiétudes des personnes aînées », fait valoir le fondateur. Il souligne que selon des études, maintenir une vie sociale active a un impact très positif sur la longévité. Gaston Michaud a d’ailleurs été invité à présenter son modèle à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à plusieurs reprises.  

Ce dernier espère donc que la formule, déjà implantée ailleurs au Québec, fera boule de neige. Toutefois, la recherche de partenaires, d’un terrain ou de financement, peut freiner les élans de communautés qui souhaitent faire émerger des coopératives du genre. Certaines organisations comme l’OEDC leur offrent de l’accompagnement, mais ce n’est pas suffisant. Le gouvernement devrait soutenir la création de ce type de solutions collectives, plaide Gaston Michaud, plutôt que de se concentrer sur le soutien à domicile.

En mode cohabitation

D’autres formes d’habitat collectif ont aussi pris forme au Québec, observe Christyne Lavoie. Elle cite en exemple Cohabitat Québec, un complexe résidentiel regroupant 42 logements en copropriété dans le quartier Saint-Sacrement, à Québec. Premier projet du genre dans la province, l’ensemble inauguré en 2013 compte autant de petites unités, parfaites pour des personnes à la retraite, que d’habitations destinées aux familles. Une composition qui favorise naturellement la diversité.

Importé du Danemark, ce concept lancé dans les années 1960 a rapidement fait sa marque en Europe, puis aux États-Unis. « Même l’architecture et le design de ces projets sont conçus pour favoriser l’interaction », explique Christyne Lavoie. Par exemple, les résidents de Cohabitat Québec bénéficient d’une cour partagée et d’une maison commune avec cuisine, salle à manger, salle de réunion et autres espaces collectifs contribuant à la vie en communauté.

Celles et ceux qui y résident se partagent aussi différentes tâches et s’entraident pour pelleter ou changer une poignée de porte, donne en exemple la conseillère. « Tu apprends à connaître tes voisins, à les apprécier, à prendre soin d’eux, souligne-t-elle. D’ailleurs, une étude menée au Danemark montre que les personnes aînées qui vivent en cohabitation recourent à des services d’aide à domicile en moyenne de six à huit ans plus tard que celles qui vivent en domicile privé régulier. »

Une formule qui gagne en popularité, selon elle, alors que plusieurs nouveaux projets sont en train de voir le jour, notamment à Neuville, près de Québec. Toutefois, c’est encore difficile de concrétiser ce modèle, puisque tout est très normé et que les bailleurs de fonds sont souvent frileux, rapportait Le Devoir.

Et la colocation ?

Autre possibilité intéressante : les habitats partagés. « Plusieurs personnes aînées sont propriétaires d’une maison devenue trop grande pour leurs besoins et ont une chambre libre. Elles vont donc louer cet espace à prix modique en échange de certains services, comme faire ses courses ou cuisiner quelques repas », explique Christyne Lavoie.

« Cela permet de briser l’isolement, en plus d’aider certaines personnes à conserver leur maison plus longtemps », explique Pierre Gendron, directeur général de l’organisme Les habitations partagées de l’Outaouais. Depuis 1987, cet organisme gère un service de jumelage de ce type. Selon l’espace partagé et les services requis, les prix varient en général entre 400 $ et 1 000 $ par mois, précise Aude Flora Malouangou, agente de développement et service à la clientèle de cet organisme.

Dans certains cas, il est même possible de recevoir une aide financière pour la proche aidance, si bien que la location est gratuite, ajoute-t-elle. Très répandu en France, ce genre de services de jumelage existe aussi ailleurs au Québec, notamment au Saguenay et à Montréal.

Autant de pistes pour varier les types d’habitations disponibles pour les personnes plus âgées et, du coup, leur offrir des options plus abordables. « Il y a plein de gens qui ont des idées vraiment intéressantes, mais ce n’est pas toujours facile d’obtenir du financement public pour développer des projets d’habitation communautaire et sociale, résume Christyne Lavoie. Certains programmes adoptés récemment semblent plus flexibles, mais c’est encore difficile de laisser émerger des projets innovants. »

Trouver un logement alternatif
Quelques ressources pour connaître les projets sur son territoire :
Le réseau québécois des OSBL d’habitation et les fédérations régionales (rqoh.com, 1 866 846-0163);
La Confédération québécoise des coopératives d’habitation et les fédérations régionales (cooperativehabitation.coop, 1 800 667-9386);
Le site Munitoit.org, qui présente différents modèles, comme les habitations multigénérationnelles.