S’adapter… au retour à la normale

Depuis 15 mois, à cause de vous savez quoi, on nous demande continuellement de nous adapter. Ainsi faudra-t-il bientôt – on l’espère ! – refaire graduellement l’apprentissage de la normalité. Une psychologue et une travailleuse sociale se prononcent sur les interactions sociales post-COVID-19.

D’emblée, la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier ne croit pas que nos relations avec les autres vont être nécessairement différentes à long terme. Toutefois, elle estime que chacun apprivoisera par étapes, et à son propre rythme, le nouvel art de la proximité. Cela dépendra du niveau d’anxiété de chacun et de la clarté du message gouvernemental sur l’état de la situation.

« Depuis longtemps, c’est anxiogène d’être proches les uns des autres. Lorsque les consignes sanitaires le permettront, il faudra réapprendre que ce n’est plus risqué d’aller au restaurant ou au cinéma », explique la psychologue.

Des craintifs et des… boulimiques !

Lorsqu’on aura le feu vert pour côtoyer des gens, est-ce qu’on va se garder une petite gêne ou au contraire se coller de façon boulimique sur les êtres chers ?

« Il y a deux scénarios. Il y en a qui vont rester plus craintifs, surtout si un certain risque plane, même lointain. Ces personnes pourraient mettre un certain temps à revenir aux manifestations d’affection et aux gestes de salutation d’avant la pandémie. À l’inverse, lorsque ce sera possible, plusieurs ressentiront un élan irrésistible vers l’autre, une avidité de proximité, de fêtes, de rencontres », prévoit Mme Beaulieu-Pelletier.

Travailleuse sociale spécialisée en gérontologie sociale, Diane Baignée abonde dans le même sens. « Ce sera le rôle du gouvernement de rassurer et de guider la population. Puis, chacun à leur rythme, lorsqu’ils se sentiront à l’aise de le faire, les gens vont combler les manques qui les ont le plus fait souffrir. » En d’autres mots, les petits-enfants doivent se tenir prêts à se faire cajoler comme jamais par leurs grands-parents !

Tout indique que les consignes sanitaires s’assoupliront lentement au fil des semaines. La travailleuse sociale considère que c’est une très bonne chose puisque les gens pourront prendre tout leur temps pour apprivoiser leur nouvelle réalité.

L’accompagnement est la clé

Diane Baignée ne cache pas son inquiétude face à l’état de santé mentale, au sortir de la crise, des personnes plus âgées, moins mobiles et plus difficiles à joindre. Pour le bien-être de ces personnes, elle souhaiterait l’émergence de solutions émanant de la communauté afin de les soutenir et de leur procurer un sentiment d’appartenance.

« Du troc, du pairage, des contacts intergénérationnels, des appels d’amitié peuvent être mis en place par les municipalités, les organismes communautaires, les voisins, afin de créer des liens sociaux et d’amener ces personnes à sortir davantage de chez elles. L’avenir est à l’entraide et au partage, peu importe l’âge », fait valoir Mme Baignée, autrice du livre Les vieux… c’est les autres ! (Moichel Lafon Canada).

À l’écoute de l’autre

Pour sa part, Geneviève Beaulieu-Pelletier rappelle que chacun vit les restrictions sanitaires à sa propre manière. « Certaines personnes sont à l’aise avec des interactions sociales réduites au minimum, et ce, pour toutes sortes de raisons, dont des relations familiales difficiles. Pour elles, le déconfinement va être particulièrement anxiogène parce qu’il faudra recommencer à voir des gens en personne, à interagir, à être intéressant, etc. »

De façon générale, la psychologue suggère qu’on continue à faire preuve de bienveillance et d’écoute envers les autres au cours des prochains mois, comme nous l’avons fait au gré des vagues. « Il y a des gens qui ont connu des épisodes dépressifs ou un trouble anxieux au cours de la dernière année. D’autres ont vécu des séparations, des conflits, de la maltraitance. Ça ne va pas se résorber comme par magie avec le déconfinement. Ces blessures-là laissent des marques. Le retour à la normale ne signifie pas que tout le monde sera heureux. Il faut en être conscient », conclut Mme Beaulieu-Pelletier.

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Des stratégies gagnantes

Vous êtes un peu, beaucoup, énormément craintif à l’idée de futurs assouplissements sanitaires ? Voici quelques stratégies à essayer, le moment venu :

  • Les petits pas : si l’idée d’une salle à manger de restaurant vous angoisse, allez d’abord marcher avec une ou deux personnes, puis avec un groupe plus grand. Puis, au moment d’aller au resto, commencez par la terrasse.
  • Les autres d’abord : vous craignez des éclosions lorsque les gens se retrouveront à pleine capacité dans une salle de spectacle ? Laissez d’autres personnes en faire l’expérience avant vous. Si ça ne génère pas d’éclosions, vous serez rassuré.
  • Des liens à redéfinir : les prochains mois sont une belle occasion de redéfinir comment on veut vivre nos liens sociaux à l’avenir et le temps qu’on souhaite leur consacrer.
  • À chacun son rythme : il faut aborder l’étape du déconfinement sans se juger et avec indulgence, autant envers soi qu’envers nos proches.
  • De belles leçons à garder en tête : la pandémie nous a appris à apprécier les petites choses. Il ne faut pas les perdre de vue, ni créer une forme d’anxiété de performance en se gavant tout d’un coup de fêtes, de voyages et de repas au restaurant, qui devront être magiques à tout prix.
  • Savoir gérer l’incertitude : la pandémie a démontré que la vie est remplie d’incertitudes. Il faut conserver cette aptitude à gérer cette incertitude.