Oui, vous pouvez apaiser votre anxiété

Peu importe l’âge, l’anxiété est normale… sous un certain seuil. Lorsqu’elle devient généralisée, elle peut entraîner de lourdes conséquences. « Virage » en a discuté avec Ariane Arpin-Delorme, auteure de « Tenir debout » (Béliveau Éditeur), un ouvrage de référence qui aborde une panoplie de sujets liés à la santé mentale, dont l’anxiété.

Ariane Arpin-Delorme revêt plusieurs chapeaux : auteure, journaliste, conférencière, recherchiste, grande voyageuse, coach certifiée en neurolinguistique… Au fil de ses expériences personnelles et professionnelles, cette spécialiste du tourisme et des communications s’intéresse de plus en plus aux questions liées à la santé mentale. Au point où elle se lance le défi de rédiger « Tenir debout », un livre de 474 pages « à mi-chemin entre un recueil de témoignages touchants et un guide pratique ». Endossé par l’Ordre des psychologues du Québec, cet ouvrage de référence propose de nombreux outils originaux pour aider à apaiser le stress à court et long termes.

Virage : Vous avez parlé à une soixantaine de personnes dans le cadre de la rédaction de votre livre. À la suite de vos recherches, pouvez-vous d’abord définir ce qu’est l’anxiété ?

Ariane Arpin-Delorme : C’est une question importante et intéressante, car de nos jours, je pense qu’on entend tout le monde dire qu’il est anxieux, surtout depuis la pandémie. C’est un terme qui est peut-être galvaudé. Dans mon livre, le psychologue Camillio Zacchia fait la distinction entre l’anxiété et le trouble anxieux. Les gens se disent stressés et anxieux, mais c’est normal de ressentir une certaine anxiété. Ça nous oblige à faire attention, à passer à l’action. Par exemple, si on conduit l’hiver, on va s’assurer d’avoir des pneus de saison et de conduire prudemment, ou même de ne pas sortir le soir… Comme le dit le Dr Zacchia, « l’anxiété est là pour une raison, soit assurer la survie ! ». Il faut donc accepter un certain niveau de stress tout en utilisant des trucs pour l’apaiser.

Le psychologue poursuit en soulignant que le trouble anxieux se situe à un tout autre niveau. C’est plutôt un problème avec le mécanisme même de l’anxiété. Cette dernière peut devenir malsaine au quotidien lorsqu’on met l’accent sur des scénarios catastrophes qui ne se sont pas avérés ou qui ne risquent pas forcément d’arriver. On vit alors dans l’appréhension.

Dans un autre passage de mon livre, l’un des intervenants explique qu’une personne qui souffre d’anxiété généralisée s’inquiète de « façon chronique et exagérée » au sujet de plusieurs aspects de la vie de tous les jours, comme la santé ou les relations interpersonnelles. Ces soucis « sont difficilement contrôlables et disproportionnés par rapport à la réalité ».

Vivre un trouble anxieux, c’est vraiment souffrant.

Virage : Quelles sont les conséquences potentielles d’une anxiété généralisée ?

A. A.-D. : Je reprends mon exemple de la conduite hivernale. La personne qui va développer un trouble anxieux s’enfermera peut-être chez elle, ne sortant pas de l’hiver.

Cette crainte constante peut finir par créer des problèmes de santé physique, comme une pression sanguine élevée, des palpitations cardiaques, des douleurs à la poitrine… Elle peut aussi se transformer en diverses phobies, comme la phobie sociale ou l’agoraphobie. Les gens ont tendance à ne pas comprendre ces concepts. La phobie (ou l’anxiété) sociale, ce n’est pas le fait de ne pas être social, ou de ne pas aimer les gens. C’est vraiment la peur que les gens nous observent, nous jugent négativement. L’agoraphobie, c’est la peur d’être coincé dans une situation, de ne pas pouvoir en sortir.

En participant à des groupes d’entraide, je vois que les gens ont souvent recours aux mêmes mécanismes de défense, soit l’automédication ou l’isolement. Les gens vont s’automédicamenter pour se sentir moins anxieux, souvent par l’alcool, avec toutes les conséquences qui en découlent. Ou les gens vont s’isoler de plus en plus, au point de ne plus être capables de sortir. Ça peut être difficile de comprendre pour les proches, surtout s’ils sont émotionnellement impliqués, à quel point l’anxiété généralisée peut être handicapante.

Virage : En vieillissant, on traverse une période charnière faite de plusieurs transitions. Pensons à la retraite, au déclin physique ou au déménagement dans un nouveau domicile. Dans ces moments, sommes-nous plus vulnérables à l’anxiété ?

A. A.-D. : En nous plongeant dans l’appréhension de l’inconnu, ces périodes de transition peuvent nous mener à différents niveaux de crise. C’est vrai à tout âge, le changement peut être source d’angoisse.

Comme l’explique dans mon livre Guillaume Leroutier, directeur du Centre québécois de programmation neurolinguistique, une crise, c’est une croisée des chemins. Elle peut nous aider à changer, à cheminer, à progresser. Elle peut apporter du détachement aussi, du lâcher-prise.

Mais dans l’instant où on la vit, la crise est difficile à vivre, physiquement et mentalement. D’où l’importance d’apaiser l’anxiété.

Virage : Environ le quart des personnes de 65 ans et plus présentent des symptômes anxieux d’intensité variée. Selon vos recherches, quels moyens peuvent-ils prendre pour apaiser l’anxiété ?

A. A.-D. : Il faut d’abord préciser qu’on peut bien vivre avec l’anxiété ou les troubles anxieux. Ça peut même se régler. Mais comment ? La psychothérapie et la médication, ça fonctionne pour certains troubles de santé mentale. Mais si vous n’êtes pas diagnostiqué ou que vous n’êtes pas prêt à entamer cette démarche, ou que vous n’y avez pas accès, quelles approches thérapeutiques s’offrent à vous ? À travers les réseaux sociaux, nous sommes tous sollicités par différents types de thérapies. J’ai parlé à des médecins, psychologues, psychiatres, travailleurs sociaux, intervenants en dépendances, mais aussi à des spécialistes en méditation, yoga, théâtre, hypnose, nutrition… Dans mon livre, j’avais envie d’aborder toutes les approches.

J’ai interviewé des travailleurs sociaux qui m’ont parlé des effets positifs de l’intervention par la nature. On l’a d’ailleurs vu pendant la pandémie. Prendre un « bain de forêt » a un impact sur votre cerveau. Si vous le faites régulièrement, les bénéfices sont nombreux. Le contact avec la nature peut diminuer le niveau de stress, le rythme cardiaque et la pression artérielle. Concrètement, vous devez vous promener dans les bois en prenant le temps de vous connecter à l’environnement en utilisant vos sens. Ça veut dire regarder la mousse sur les roches, écouter le souffle du vent, toucher aux arbres, fermer les yeux pour sentir la chaleur du soleil sur votre peau… Tout ça sans distractions technologiques !

Il n’y a pas que la nature qui peut servir à apaiser votre anxiété. Bouger tout court peut être bénéfique. L’activité physique aide à gérer votre stress et à augmenter votre niveau d’énergie. Après avoir bougé, on se sent mieux mentalement ! Comme l’explique Sylvain Guimond, docteur en psychologie du sport, lorsqu’on dépasse légèrement le seuil de nos capacités, on ressent quelque chose qui ressemble à l’effet d’une méditation. Cela ne veut pas forcément dire que vous devez pratiquer un sport, mais bien vous activer. Vous pouvez tout simplement marcher, par exemple. Mais il faut le faire régulièrement.

Dans mon livre, j’aborde aussi les bénéfices d’apprendre à respirer. Comme l’explique Marie-Ève Thivierge, professeure de yoga holistique, quand on traverse un défi, s’arrêter et prendre une respiration profonde peut faire toute la différence. Cette respiration consciente peut offrir un temps de pause essentiel, « une distance face aux circonstances pour se connecter à des sensations plus douces et retrouver un certain pouvoir sur nos réactions ». Lorsqu’on se sent anxieux, il peut être avantageux de s’ancrer ainsi dans l’instant présent.

Vous pouvez aussi écrire un journal. Ça n’a pas besoin d’être compliqué; seulement quelques lignes le matin. Ça aide à laisser aller la rage ou la peine qui mènent à l’anxiété, surtout dans des périodes de transition.

Vous pouvez aussi réorganiser votre espace de vie, le changer en fonction des saisons, par exemple. Il n’est pas nécessaire d’investir. Changer les couleurs d’une pièce, déplacer les meubles, ajouter des plantes, optimiser la luminosité… Ça peut avoir un impact sur le cerveau.

Il y a plusieurs autres méthodes que vous pouvez mettre en pratique pour vous calmer, comme la visualisation et la méditation pleine conscience. Ce sont toutes des idées qui se complètent et qui, en combinaison, peuvent vous aider.

Virage : Le 10 octobre est la Journée mondiale de la santé mentale. Est-ce que c’est un sujet encore tabou au Québec ?

A. A.-D. : On parle beaucoup plus de santé mentale depuis la pandémie, mais je pense qu’il y a encore beaucoup d’incompréhension. On juge encore la médicamentation, la qualifiant de « béquille », par exemple, ou on associe un trouble dépressif à de la paresse. Il me semble que les gens ne comprennent pas tant qu’ils ne l’ont pas vécu.

Il faut faire preuve de compassion envers les autres… et envers soi-même. L’anxiété, ce n’est pas un signe de faiblesse. L’important c’est de continuer d’essayer d’aller mieux et d’accepter que ce soit un processus à long terme.