Nouvel album : la jeunesse revisitée de Gilles Valiquette

Articulé et sage comme on peut l’être à 71 ans, Gilles Valiquette réalise ces jours-ci un ambitieux projet personnel, celui de lancer l’album Retour à Chansons pour un café, une redécouverte du 33 tours qui a propulsé sa prolifique carrière d’auteur-compositeur et interprète il y a déjà un demi-siècle.

« L’album original est sorti en 1973, raconte-t-il en sirotant tranquillement un café, attablé à la cafétéria de Radio-Canada, mais je l’ai enregistré à l’automne 1972, tout de suite après avoir joué en studio dans Pas besoin de frapper, de Jacques Michel. À cette époque, il ne se passait pas grand-chose l’été pour un chanteur. On en profitait pour faire des disques, juste avant le début des spectacles d’automne. »

Cet été-là, le talentueux guitariste s’est payé deux soirs de studio pour endisquer des maquettes de nouvelles compositions qui, souhaitait-il, intéresseraient peut-être un chanteur ou une chanteuse. C’est ainsi qu’est né ce qui devait devenir un disque marquant de notre patrimoine québécois, Chansons pour un café.

L’album « Retour à Chansons pour un café » est une redécouverte du 33 tours qui a propulsé la carrière de Gilles Valiquette.

À cause des Beatles

Gilles revisite les titres de son premier disque, dont Quelle belle journée, Dis-lui bonjour, Tout est mieux là-haut. Pour marquer l’occasion, il s’est entouré de plusieurs collaborateurs, comme Richard et Marie-Claire Séguin, Patrick Norman, Jacques Michel, Daniel Lavoie, Normand Brathwaite, François Pérusse et Louis Valois.

« C’était pour moi comme lancer une bouteille à la mer. Puis voilà que 50 ans plus tard, je suis en quelque sorte celui qui trouve la bouteille sur le bord de l’eau. Par la force des choses, je deviens l’interprète de qui j’étais quand j’avais 20 ans, quand je sentais tout par instinct. Aujourd’hui, je comprends mieux mes émotions. Je suis davantage intégré dans ma chanson. »

Gilles Valiquette avec Richard et Marie-Claire Séguin.

Gilles sourit lorsqu’il rappelle comment lui est venue sa passion pour la musique, son premier harmonica à l’âge de six ans, sa première guitare acoustique Harmony Archtone en 1964, l’année de ses 12 ans.

C’est cette année-là qu’il a découvert les fameux Beatles lors de leur première apparition au Ed Sullivan Show.

« Ç’a été une révélation : les Beatles m’ont prouvé que la chanson était probablement l’outil idéal pour s’exprimer. Ç’a été pour moi comme si ma vie qui jusque-là se déroulait en noir et blanc passait soudainement à la couleur. »

Sa carrière a démarré sur les chapeaux de roue, de sorte qu’à l’été 1972, sur les 40 chansons en tête au fameux palmarès Radio-Mutuel, la bible des succès de l’époque, Gilles jouait de la guitare sur plus de la moitié de ces disques !

Pandémie et confinement

C’est à l’arrivée de la COVID-19 qu’est né le projet de revisiter Chansons pour un café. Gilles Valiquette a su profiter du long confinement auquel tout le Québec a été contraint par la terrible pandémie.

« L’inspiration vient plus aisément aux créateurs pendant un moment d’arrêt, dans l’isolement et la solitude, explique-t-il. Et en plus, la pandémie m’a fait réaliser que j’avais raison de me considérer chanceux de m’être intéressé à la musique au moment où je l’ai fait. Beaucoup de nouvelles chansons du temps sont aujourd’hui des classiques et des artistes considérés à ce moment-là comme des membres de la relève sont devenus de véritables légendes vivantes ! »

Gilles Valiquette

Sa fille Dominique

Il a certes été une vedette dans le sens de « populaire ». Mais Gilles Valiquette n’a pourtant jamais fait énormément parler de lui dans les médias tout au long de ces 50 années. Un peu beaucoup à l’image de George Harrison, le Beatle le plus tranquille de l’illustre quatuor britannique.

« Je suis et j’ai toujours été plutôt discret sur ma vie privée. Ce que moi j’ai choisi de faire dans mon quotidien n’est pas nécessairement ce que ma famille a choisi. Et je ne voudrais pas le leur imposer. »

Sa fille Dominique, une architecte de profession, prête sa voix sur son album. Même s’il l’a toujours sue talentueuse, Gilles n’a jamais voulu la pousser à suivre ses traces.

« Je ne l’ai pas fait parce que c’est trop difficile. Quand je me suis lancé dans la musique, j’ai bien compris que j’aurais probablement un lien privilégié avec le Kraft Dinner et le beurre d’arachide », avoue-t-il. « C’était dur à mes débuts. C’est pire aujourd’hui… Le domaine du disque québécois est présentement assez fragile. Certains diront qu’il n’existe plus, surtout depuis l’apparition de la première bête noire de l’industrie, le logiciel de piratage Napster. Quand les gens se procurent un disque d’ici, ils posent un geste apprécié. C’est beaucoup plus important qu’ils ne le croient. » 

Retour à Chansons pour un café est en vente depuis le 6 octobre. Dans la foulée de cette sortie, Gilles Valiquette part en tournée. Son nouveau spectacle survolera l’ensemble de son vaste répertoire, dont Mets un peu de soleil dans notre vie, La vie en rose, Je suis cool et Samedi soir.

Photos : Jean-Charles Labarre et Archives personnelles