La longue route de Pierre Flynn

À la veille de ses 70 ans et dans le cadre de ses 50 ans de carrière, Pierre Flynn sillonne le Québec pour nous offrir son spectacle Sur ma route. L’auteur-compositeur-interprète, dont la flamme pour son métier reste intacte, nous convie à une rencontre en « tête à tête et en cœur à cœur ».

« J’ai toujours voulu faire ça de ma vie », lance Pierre Flynn, en parlant de sa riche carrière amorcée au début des années 70. Depuis la fondation d’Octobre, groupe mythique qu’il a créé avec des camarades d’enfance, il s’est écoulé cinq décennies. Tenir aussi longtemps dans un domaine aussi précaire, ce n’est pas rien!

Seul sur scène, l’artiste nous offre justement un spectacle qui revisite ce parcours entamé il y a un demi-siècle. « Une fois de temps en temps, un diffuseur m’invitait à faire un show solo, raconte-t-il au sujet de la genèse de ce projet. Et à l’occasion, je me laissais tenter. Lors d’un spectacle à Petite-Vallée, je me suis senti visité par un état de grâce. » À la suite de cela, un ami lui a suggéré de faire ce show « pour vrai », c’est-à-dire de manière officielle. « On s’est servi du prétexte du cinquantenaire comme moteur premier. Un chiffre ne veut rien dire, mais ça mérite quand même d’être souligné. »

« Je pense que la carrière d’un auteur-compositeur ou d’une autrice-compositrice qui s’inscrit dans la durée, c’est un peu la chronique de sa vie, poursuit-il. Quand je pense à des idoles, que ce soit Dylan, Cohen, Ferré ou Brel, c’est touchant de les suivre sur 10, 20 ou 50 ans, de les voir avancer dans la vie et traverser certaines étapes. Je ne me trouve pas plus intéressant que le voisin, mais je trouve passionnant de suivre le récit d’une vie à travers des chansons. »

Si Pierre Flynn s’offre en ce moment une relecture de ses propres chapitres, il demeure clair que son récit n’est pas terminé.

« J’ai envie de poursuivre ce témoignage. Non seulement on atteint 50 ans de carrière une seule fois dans la vie, mais normalement, on passe sur la Terre une seule fois. Nous sommes tous des mortels. Il y a quelque chose d’émouvant dans la condition humaine : on nait, on vit, on va mourir. Et durant le temps de ce passage sur Terre, nous avons des choses à raconter. »

Un métier thérapeutique

Celui qui n’a jamais eu de plan B semble avoir avancé au rythme de la vie, porté par son instinct. « Je suis un gars très désordonné : je ne réfléchis pas à mon avenir, confie-t-il. Il n’y a pas de prises de décisions : j’éteins les feux et j’essaie d’avancer! (rires) Heureusement, je suis tombé sur quelque chose qui me convenait et me permettait d’entrer en contact avec les autres. Comme bien des artistes, j’étais un enfant timide, un peu renfermé. Le rock’n’roll m’a permis d’entrer dans la vie et d’entrer en contact avec les gens. Je suis encore solitaire, mais je ressens un grand plaisir à pouvoir croiser des gens en faisant des spectacles. »

Le métier aurait-il été thérapeutique pour l’homme et l’artiste? « Je pense que oui, convient-il. Ce métier a été bon pour moi. »

En réfléchissant à son parcours, Pierre Flynn se dit rempli de gratitude.

« Je suis content d’être encore dans un métier qui nous amène autant de joies que de tourments… Il faut trouver l’équilibre entre les deux. Je dois avouer que j’ai un tempérament un peu anxieux. Avec des petits problèmes, je peux faire des montagnes! Mon hypersensibilité fait en sorte que je suis toujours un peu dramatique. En même temps, je suis vraiment content de pouvoir faire encore mon métier. Si je n’avais pas ces tourments, je m’en inventerais d’autres! (rires) Aussi bien composer avec ceux qui font partie de ce que j’aime profondément. »

Être dans la vie

L’homme, qui sera bientôt septuagénaire, ne s’embarrasse pas des chiffres. « Je n’ai même pas commencé à assimiler la notion des 70 ans, soutient-il, mais je trouve que c’est un chiffre intimidant. Avant de déclarer que seventy is the new forty… je vais me garder une petite gêne, comme on dit. Cela étant dit, on vit à une époque où les gens sont dans la vie et pendant longtemps. J’ai des amis qui ont 60 ans de carrière et qui sont en forme; je pense à Robert Charlebois, entre autres. On peut aussi penser à Gilles Vigneault, qui est encore actif. Pour moi, ce sont des modèles inspirants qui me rappellent qu’il faut essayer de se garder en forme pour profiter de la vie. Il faut entretenir la machine un peu. »

Pour y parvenir, Pierre Flynn s’accorde du temps, mais pas suffisamment, selon ses dires. « J’aimerais en faire plus, admet-il. Je faisais du yoga, mais j’ai arrêté avec la pandémie. » Au-delà de l’exercice, la forme, c’est aussi de pouvoir poursuivre son métier à 70 ans et prendre la route pour offrir son spectacle. Ça garde jeune. « Et en général, nous sommes entourés par des gens plus jeunes, fait-il remarquer. On finit par oublier notre âge et c’est agréable de pouvoir le faire. Pouvoir fréquenter toutes sortes de monde et de générations, c’est l’une des joies du métier. »

Qu’est-ce qui motive l’homme à poursuivre? « Je ne sais pas… Je constate que c’est une drogue dure. Dans les métiers de scène ou de communication, la plupart des gens ne veulent pas arrêter. Arrêter, c’est difficile. C’est un deuil énorme. Mais pour poursuivre, il faut quand même avoir quelque chose à dire sur le plan artistique. J’ai l’impression que j’ai tout essayé, expérimenté, et que je commence à peine à comprendre comment ça marche… Alors j’ai le goût de continuer. Si je sentais que le réservoir est épuisé, je ne pense pas que je continuerais à faire des disques… »

On s’informe sur les spectacles de Pierre Flynn en visitant son site Web.

Photo : Camille Gladu-Drouin