Jaser jazz avec Stanley Péan

Écrivain, essayiste, parolier, journaliste, traducteur, chroniqueur et homme de radio, Stanley Péan connaît une carrière prolifique. Virage a rencontré ce passionné de littérature et de musique jazz alors qu’il vient tout juste de signer un 30e ouvrage en 35 ans de carrière.

« Ma passion pour le jazz, je la dois d’abord à ma mère, Irène-François Péan, se rappelle-t-il. Elle est une descendante directe du poète haïtien Oswald Durand, l’auteur de Choucoune, un succès mondial chipé et trafiqué par les Américains pour devenir Yellow Bird, un succès mondial. »

Né à Port-au-Prince en 1966, Stanley Péan n’avait même pas fêté son premier anniversaire lorsque sa famille décide de fuir les dérives autoritaires de François Duvalier, dit « Papa Doc ».

« Accueilli au Québec pour pourvoir à un des nombreux postes d’enseignant ouverts depuis la sortie du rapport Parent, mon père s’est vu offrir soit l’Abitibi, soit le Saguenay, raconte Stanley Péan. Il a choisi Jonquière en toute ignorance de cause parce que pour lui, ce n’étaient que des noms sur une carte. »

Quand le jazz est là

Son enfance a été bercée par la musique. En famille, ils pouvaient écouter de tout, du classique aux Beatles, en passant par la musique haïtienne. Il y avait aussi le son des trompettes — celles de Louis Armstrong et de Miles Davis, entre autres — et les grandes voix de Nat King Cole, Ella Fitzgerald, Ray Charles…

« Jeune, j’adorais Diana Ross, se souvient-il. J’avais 13 ans quand ma mère et moi avons visionné ensemble Billie Holiday chante le blues (Lady Sings the Blues), un drame biographique. La soliste des Supremes y tenait le rôle de la chanteuse de jazz. Au bout de 20 minutes, ma mère me dit : “Ça va, ce que Diana Ross fait avec les chansons, mais elle n’est pas de calibre si on compare sa façon de chanter avec celle de Billie Holiday!”. J’ai été heurté dans mon cœur de fan, puis je me suis mis à écouter plus attentivement les disques que ma mère avait d’elle. Ça ne m’a pas plu au départ : ton nasillard, voix traînante, ça ne marchait pas pour moi. Mais en vieillissant, j’ai compris l’intérêt, notamment pour ce qui est de sa qualité d’émotion. »

Cet amour de la note bleue, semé en bas âge, Stanley Péan le cultive et le transmet aux mélomanes sur les ondes de Radio-Canada depuis maintenant près de 20 ans. En effet, sa première émission musicale a été lancée à l’été 2004, en marge du 25e anniversaire du Festival international de jazz de Montréal. Depuis, il est devenu une référence pour les amateurs de John Coltrane et Dizzy Gillespie. Aujourd’hui, l’homme de radio anime trois émissions à l’antenne d’ICI Musique, soit Quand le jazz est là, Soul la nuit et La boîte de jazz

Le communicateur hors pair a d’ailleurs été plusieurs fois honoré pour sa généreuse contribution au rayonnement du jazz. Il a notamment reçu le Prix Bruce-Lundvall en 2022, remis par le Festival international de jazz de Montréal à une personnalité non-musicienne. Il a aussi été nommé au Conseil des arts de Montréal.

Les oubliées de l’histoire

Sa passion pour le jazz ne se limite pas à ses activités radiophoniques. Son plus récent livre, Noir satin (Boréal), regroupe les passionnants récits de vie de quinze musiciennes de jazz qui ont connu la gloire avant de tomber — bien injustement — dans l’oubli.

Ses lecteurs et lectrices découvriront ainsi l’histoire fascinante de Lillian Beatrice Hardin, première pianiste et épouse de Louis Armstrong. Certaines compositions attribuées à tort à ce dernier sont d’ailleurs les siennes, comme Struttin Some Barbecue.

« Une des histoires fascinantes que j’ai eu le plaisir de découvrir au fil de mes recherches a été celle de la première cheffe d’un orchestre entièrement féminin, Ina Ray Hutton, surnommée The Blond Bombshell of Rythm (la bombe blonde du rythme). Des années après sa mort, on a découvert que cette plantureuse blonde en robe de soirée, une mégastar qui devait animer des émissions télé, avait caché toute sa vie un grand secret : elle avait une ascendance noire. »

Noir satin
Boréal
208 pages
26,95 $

Auteur prolifique

Attiré d’abord par la scène et l’impro — il a d’ailleurs participé à la fondation de la troupe le Groupe sanguin avec Dany Turcotte — Stanley Péan choisit de se consacrer à la littérature. Son premier ouvrage, La Plage des songes et autres récits d’exil, a été publié en 1988. Il venait d’avoir 22 ans.

Depuis, il a signé une trentaine d’ouvrages : romans, essais, recueils de nouvelles, livres pour la jeunesse…

C’est poussé par les encouragements de son père, Maurice Péan, qu’il est devenu un lecteur boulimique, d’abord de bandes dessinées et ensuite de romans. « Quand j’ai lu L’étranger d’Albert Camus, à 14 ans, j’ai su ce dont mon père parlait. Tout d’un coup, j’avais une très bonne idée de ce qu’était la littérature », a-t-il déjà expliqué en entrevue à Radio-Canada.

Pour souligner ses 35 ans de carrière, les Éditions Mains libres ont publié un recueil de nouvelles, Cartes postales d’outre-tombe, et une biographie, Michel Donato : Bleu sur le vif. Cette maison d’édition a de plus réédité en format de poche le tout premier ouvrage à vie de M. Péan.

Stanley Péan anime trois émissions sur les ondes d’Ici Musique
Quand le jazz est là, du lundi au jeudi, à 22 h
Soul la nuit, du mardi au vendredi, à minuit
La boîte de jazz, le dimanche, à 19 h

Photo de Stanley Péan : François Couture