Marc Chatelle : de la plume au pinceau

Dans une ancienne vie, Marc Chatelle était directeur de l’hebdomadaire artistique Échos Vedettes. Aujourd’hui, ce retraité longueuillois reproduit sur toile des scènes typiques de chez nous. Des tableaux d’art naïf dont la peinture a à peine le temps de sécher avant que les acheteurs sonnent à sa porte ou qu’un galeriste l’invite à un vernissage. Récit d’un parcours inspirant.

Né Max Chastellas il y a près de 90 ans à Cuers (France), une petite municipalité près de Toulon, à mi-chemin entre Marseille et Saint-Tropez, Marc raconte comment il en est venu à se bâtir une nouvelle carrière à sa retraite du journalisme, à l’âge de 63 ans.

Marc Chatelle s’inspire du Québec des années 50, 60 et 70 pour produire ses tableaux.

Dès ses premières années à l’école, le fils de Denise et Fernand Chastellas, un chirurgien-dentiste, présente plusieurs signes d’un trouble de déficit de l’attention prononcé. C’est la principale cause de son peu d’intérêt pour les études. 

« Le seul cours que j’aimais était le français. J’ai donc décroché à la fin de mon secondaire. Ç’a rendu mon père très inquiet pour mon avenir parce qu’en France, sans diplôme, tu es cuit! Puis, un jour, il nous a dit : “Et si on changeait d’air ?” »

Tout a commencé par un rapport d’accident

En 1955, les Chastellas traversent l’océan pour rejoindre quelques membres de la famille établis à Tétreaultville, dans l’est de Montréal.

Âgé de 21 ans, Marc devient pompiste dans une station-service, rue Hochelaga. Le hasard a voulu qu’un jour de 1965, un de ses clients lui demande de taper à la machine à écrire un constat pour un petit accrochage qu’il venait d’avoir avec un autre automobiliste. Cet homme, Berthold Brisebois, était patron de plusieurs journaux chez Publications Éclair. Il est si impressionné par son résumé écrit sans faute qu’il offre au jeune homme de travailler dorénavant comme journaliste à tout faire.  

Marc porte plusieurs pseudonymes à ses débuts en journalisme, signant ses textes tantôt « Lechaste » ou « Lechat ». Le nom qu’il adopte finalement, Chatelle, lui est venu d’un ami et client à la pompe, Yoland Guérard, célèbre baryton. Il venait d’interpréter dans un opéra à Marseille le rôle de Jean Châtel, un jeune homme qui avait tenté sans succès d’assassiner le roi Henri IV.

C’est le début d’une carrière qui le mènera à travailler dans plusieurs salles de rédaction, dont celles de La Patrie, du Petit Journal et du Samedi. Puis, en 1980, il est nommé à la direction d’Échos Vedettes, où il travaillera pendant 17 ans.

« Ç’a changé ma vie! »

Et sa carrière de peintre professionnel amorcée à l’âge de la retraite?

« J’ai toujours aimé dessiner, enchaîne l’ancien journaliste. Je travaillais à la station-service quand j’ai envoyé à un journal de fin de semaine, Le Petit Journal, un truc que j’avais dessiné pour m’amuser et qui montrait une scène d’automne, des gens en train de poser leurs fenêtres doubles. Mon dessin avait été publié et le directeur Roland Côté m’avait appelé pour que je lui fournisse chaque mois une petite caricature. »

Marc Chatelle s’inspire du Québec des années 50, 60 et 70 pour produire ses tableaux.

En 1998, au terme de sa carrière à la barre d’Échos Vedettes, des amis de longue date à qui il avait promis de faire un tableau lui font cadeau d’une boîte de peinture.

Une scène tournée dans une épicerie d’époque dans la minisérie d’Arlette Cousture, Ces enfants d’ailleurs, l’a inspiré au point d’en faire un tableau. « Ces images captées dans l’épicerie Favreau ont changé ma vie », s’exclame-t-il.

« De passage à une galerie d’art à Deux-Montagnes, j’y ai laissé à tout hasard cette peinture. Hervé Doucet, son galeriste, l’a installée au mur, au cas où… Deux semaines plus tard, coup de téléphone d’Hervé qui m’apprend que le tableau a été acheté par l’acteur Rémy Girard! J’ai cru qu’il plaisantait. »

Les plus belles voitures

Ç’a été pour Marc une révélation. Un nouveau tableau suit, celui-là confié à une autre galerie d’art. Vendu lui aussi. Puis un premier prix remporté dans la catégorie Réalisme urbain à un concours tenu à la Place des Arts lui fait réaliser que sa nouvelle carrière était vraiment bien partie.

« J’ai vendu depuis près de 300 tableaux », souligne M. Chatelle, à qui il faut une moyenne de six à huit semaines pour achever une œuvre.

La culture québécoise l’inspire bien davantage que sa jeunesse sur la côte méditerranéenne.

Outre l’accueil et la gentillesse des Québécois, Marc Chatelle confie enfin que ce qui l’a le plus marqué à son arrivée au Canada a été le plaisir de travailler dans les garages, ses rencontres avec les artistes qui s’y arrêtaient pour faire le plein, mais surtout les autos du temps.

« Jamais de ma vie je n’avais vu de telles bagnoles, termine-t-il. C’est d’ailleurs pour cette raison que dans mes tableaux, toutes les voitures datent de 1956, en particulier de 1957, année qui, à mon avis, nous a fourni les plus beaux modèles. »

Marc Chatelle expose ses tableaux depuis 25 ans au Balcon d’art de Saint-Lambert, sur la Rive-Sud de Montréal.