Maintenant ou jamais : le rêve réalisé de Louise Latraverse

Même s’il lui fallait parfois en payer le prix, elle a toujours choisi la liberté. À 83 ans, Louise Latraverse peut se vanter de ne pas avoir trahi sa quête. Cet automne, elle réalise un vieux rêve et monte sur scène pour nous présenter son premier spectacle solo, consciente que pour elle, c’est le moment ou jamais.

« L’amour crisse ! » C’était la réponse offerte spontanément par Louise à l’émission En direct de l’univers du jour de l’An 2021, lorsque France Beaudoin lui avait demandé de quoi la COVID-19 ne viendrait pas à bout. « C’est sorti tout seul ! s’amuse-t-elle. J’ai eu un “crisse” plutôt long et imprévu. Cela avait suscité une traînée de messages sur les réseaux sociaux. On en avait fait un cas, probablement parce qu’on n’a pas l’habitude d’entendre une femme aux cheveux blancs sacrer, encore moins à la télévision. J’étais ravie. Pour moi les sacres, ce n’est pas du tout sacrilège, c’est de la poésie. C’était osé, mais sincère. »

L’expression a fait bien du chemin depuis. À la suggestion de Monique Giroux, des tee-shirts affichant la fameuse expression ont été mis en marché au profit d’une bonne cause. Finalement, des dizaines de milliers de dollars ont été remis à la Maison d’hébergement Simonne-Monet-Chartrand, qui vient en aide aux femmes victimes de violence conjugale.

Mais cette sortie audacieuse a aussi créé une occasion pour Louise Latraverse de réaliser un vieux rêve : monter un one-woman-show. « Ça faisait longtemps que j’y songeais, dit-elle. Je n’avais jamais osé le faire. Je me suis dit que c’était now or never !, comme disent les Espagnols… (rires) J’ai décidé que j’allais le faire cette année. C’est devenu L’amour crisse ! L’expression me colle à la peau et j’en suis ravie ! »

Comme un grand livre ouvert

L’idée d’un spectacle autobiographique a germé pendant la pandémie, période qui a imposé à l’artiste, comme à plusieurs, une solitude obligée. « Je n’ai vu personne, se souvient-elle. Personne ne voulait me donner la COVID. Personne ne venait me voir. On ne voulait pas courir le risque de tuer la vieille actrice… (rires) Vieille, mais sympathique ! C’est du moins ce qu’on disait. » Elle s’est alors évadée dans ses souvenirs.

Sur scène, l’artiste multidisciplinaire se livrera comme jamais en racontant les choses qu’elle estime intéressantes. Il y aura bien sûr des tranches de sa vie new-yorkaise avec son mari, Emmett Grogan, et des anecdotes sur Janis Joplin (divulgâcheur : elles ne s’aimaient pas !) et Elizabeth Taylor. Mais pas que ça. Il y aura de tout, promet-elle au sujet du spectacle qu’elle présentera dès septembre.

« Dans une vie, il n’y a pas que de l’humour, il y a aussi des tristesses, des peines. Au final, nous vivons tous la même chose. Les circonstances sont différentes, nous avons nos différences, mais nous sommes des êtres humains qui avons à traverser une vie avec tout ce que cela comporte. Je veux essayer d’être sincère, comme un grand livre ouvert. Je n’ai rien à cacher. Si j’ai des choses à cacher, je les cache : vous ne les saurez jamais ! (rires) C’est un privilège. J’ai toujours aimé les gens. J’ai toujours voulu faire ça. J’aurais dû le faire à 30 ans, mais je n’en ai pas eu le courage… »

Une femme libre

Un mot revient souvent dans sa bouche : liberté. Cette liberté qui vient généralement avec l’âge, Louise Latraverse n’a pas attendu la maturité pour se l’offrir : elle l’a conquise sous différentes formes.

« Ç’a été ma grande quête dans la vie. Depuis que je suis jeune, je veux être libre. J’ai choisi un métier dans lequel je pouvais être libre. Je n’avais aucune envie d’être dans un travail où je serais encadrée. J’étais incapable d’imaginer que ma vie professionnelle se vivrait de 9 à 5. Devenir une artiste, ça représentait aussi une liberté, avec tout ce que ça comporte. Ça coûte cher, être libre. Il y a un prix à payer pour la liberté, mais c’est la vie qui me convient et je me suis toujours battue pour la garder. »

Questionnée sur ce qui la rend le plus fière, Louise Latraverse admet ne jamais aborder les choses sous cet angle. « Je suis contente d’avoir élevé mon enfant. C’est ce que j’ai de plus précieux. Élever un enfant, seule, quand on est actrice… Il a 49 ans aujourd’hui. »

Elle ajoute néanmoins être fière de s’être tenue debout devant l’adversité. « J’ai touché à tout. J’ai été chroniqueuse, j’ai écrit, j’ai été actrice, j’ai fait de la mise en scène, j’ai dirigé un théâtre. C’était la seule façon de survivre. J’aurais aimé produire, mais il fallait s’en remettre à un producteur. Maintenant, les filles produisent. C’est dans l’ordre des choses. »

« C’est merveilleux d’être vieux »

À l’aube de son premier spectacle solo, elle affirme être contente d’avoir 83 ans, d’avoir tout simplement passé à travers la vie.

« J’ai fait des choses, je suis en santé. Tout est possible… Je ne me bats pas contre la vieillesse. C’est pour ça que je garde mes cheveux blancs, mes rides, que je ne rentre pas dans cette barbarie qui voudrait nous convaincre de gommer notre vieillesse. Ça serait m’enlever tout ce que j’ai vécu. Mes joies et mes peines sont inscrites sur mon visage. Je ne sais pas ce qu’on a à trouver ça laid. Moi, j’aime voir des gens qui vieillissent, ça me rassure. Nul besoin d’avoir une face lisse pour être intéressante… J’ai choisi d’oser, d’essayer, d’être créative. Je n’ai pas de grands diplômes, mais j’ai osé. Je n’avais jamais dessiné, je me suis mise à le faire parce que j’en avais envie. Il faut profiter de la vie. Elle est brève. On sait qu’on va mourir. Il faut en profiter et espérer aller jusqu’au bout. C’est beau de vieillir, de pouvoir transmettre, d’avoir été témoins… C’est merveilleux d’être vieux. »