Louise Lapierre, pas à pas

L’école Louise Lapierre Danse célèbre cette année son 50e anniversaire. Le chemin emprunté par sa fondatrice, qui fut professeure, danseuse, chorégraphe et femme d’affaires, est aussi impressionnant que sa destination. 

C’est une époque où le téléviseur trône au salon comme un symbole de progrès. Et sur le petit, tout petit écran, des ballerines font des arabesques et des pas d e deux. Louise Lapierre en a des picotements dans les jambes, mais elle doit être patiente : son père ne l’autorise à danser que durant les pauses publicitaires. Et là, celle qui rêve déjà à six ans d’être une grande danseuse aux longs cheveux, se donne une allure de diva en s’improvisant une crinière avec un pantalon de pyjama. On lui aurait dit qu’une école de danse portant son nom formerait des milliers de danseuses et de danseurs, qu’elle-même comme professeure, permettrait aux corps de se délier, se cabrer, s’éclater, l’aurait-elle cru ? 

Enfant hyperactive dont le rêve avoué est de devenir une vedette, Louise appelle un jour à la station de télévision Télé-Métropole et offre d’aller danser gratuitement à l’une de ses émissions. Autre idée empreinte d’une belle naïveté : en short et en gougounes, elle se rend à l’école de la fondatrice des Grands Ballets canadiens, Ludmilla Chiriaeff, pour lui demander en vain de la prendre sous son aile. Elle a dix ans.

Louise Lapierre dans un studio de l'école Louise Lapierre Danse.

Un petit local, puis un grand

En attendant d’être enfin reconnue à sa juste valeur, l’adolescente s’initie à la danse folklorique et à la gymnastique rythmique, et plus tard, au ballet jazz, sans trop savoir que s’y cache la clé de ses succès en devenir. À l’université, un baccalauréat en éducation physique, avec une spécialisation danse, l’éveille à la science du corps et du mouvement. Révélation ! Si elle enseigne le jour dans une école secondaire, elle s’éclate le soir en donnant des cours de mouvement expressif, ou encore en performant pour plusieurs compagnies de danse.

Le ballet jazz était le hip-hop de l’époque et on se ruait par centaines au studio de la rue Mont-Royal pour en apprendre les rudiments 

Louise Lapierre

À la suggestion de ses élèves, Louise loue un petit local à l’extérieur de l’école et de bouche à oreille, ou plutôt de bras en bras et de jambe en jambe, le mot circule et résonne très fort. C’est ainsi qu’en 1973 naît tout naturellement l’École de danse Louise Lapierre.

Coup de foudre

De petit, son local devient… trop petit. Un plus grand espace, situé au 1460, rue Mont-Royal, retient maintenant son attention. Le lieu se remet à peine d’un incendie et de nombreuses colonnes, mises à nu, s’avéreraient pour quiconque un frein à la location. Mais c’est mal connaître Louise Lapierre. Elle a le coup de foudre et en un coup d’œil, voit l’utilité des fameuses colonnes : elles seront les divisions de ses futurs studios.

Aussi clairement qu’à l’âge de six ans, Louise Lapierre sait que la danse sera sa vie et que ce local en sera le théâtre. La jeune femme de 24 ans voudrait bien signer un bail là, tout de suite, mais le propriétaire a une exigence envers la jeune locataire : que son père soit là. Pas de problème ! Si papa accepte volontiers, maman n’est pas en reste : pendant les travaux d’aménagement, les inscriptions aux cours se font dans le salon familial.

Il y a de ces histoires qui ont le sens du punch : Louise Lapierre paie son premier loyer avec sa dernière paye d’enseignante : 86 $ ! Au jour un, son école de danse compte déjà 52 inscriptions et un seul professeur : elle. Au travail !

Des styles émergents

Aussi danseuse au sein des Ballets Jazz contemporains, Louise Lapierre va faire de cette danse son pain et son beurre. Le ballet jazz est le hip-hop de l’époque et on se rue par centaines au studio de la rue Mont-Royal pour en apprendre les rudiments. Louise Lapierre est aux premières loges de cette tendance grâce à sa professeure invitée Eva Von Gencsy, pionnière de la discipline. Elle va aussi à New York, berceau de cette danse emblématique des années 1970.

Durant les années qui suivent, Louise Lapierre sera la papesse de la danse-loisirs. Pour plusieurs, son studio deviendra une deuxième maison, un antidote à la monotonie du quotidien par la rencontre d’une vibration énergisante. Sa mission pédagogique, Louise la résume ainsi : créativité et plaisir. 

De nombreuses initiatives

Au fil des 50 dernières années, Louise Lapierre Danse est devenue synonyme de belles initiatives. Elle a proposé des cours parents-enfants, un programme de sport-études pendant dix ans et des spectacles récréatifs pour ses élèves et ses troupes. En périphérie de son école, Louise Lapierre a aussi figuré au générique de nombreuses émissions de variétés comme danseuse ou chorégraphe.

Aujourd’hui, alors que son studio accueille toujours quelques milliers de danseurs par an, et que 50 employés sont bien formés pour en prendre soin, Louise Lapierre fait quelques pas en retrait, histoire de bien chorégraphier sa vie de conjointe, de mère et de grand-mère.

Louise Lapierre Danse en cinq mouvements
1976 – Création, pour enfants et adolescents, de programmes Multi-Danses incluant six styles de danses dans le même cours.

1980 – Louise Lapierre devient la professeure et la chorégraphe de René Simard. Le monde de la scène et de la télévision s’ouvre à elle.

2000 – Le passage de 52 élèves à plus de 3 000 par année nécessite des équipes stables et la diversification d’activités artistiques : cours, stages, camps de jour, spectacles et programmes spéciaux.

2021 – À plusieurs prix et honneurs s’ajoute le prix Ethel-Bruneau, soulignant sa contribution au développement de la danse au Québec.

2023 – La célébration du 50e anniversaire se déroule dans le bonheur de la continuité grâce à la qualité de la relève.