Le devoir de mémoire de Michel Jean

En tant que journaliste, Michel Jean a traversé les frontières pour nous raconter les grands bouleversements de notre époque. Mais par le biais de ses livres, c’est l’Histoire d’ici, celle des nations autochtones du Québec, qu’il met en lumière pour le monde entier.

Après les succès de Kukum et Tiohtià:ke, Michel Jean vient de nous proposer Qimmik, un ouvrage qui se déroule dans le Grand Nord et qui relate la sédentarisation forcée des Inuits, le massacre des chiens et ses conséquences.

Qimmik (Éditions Libre expression)

Désormais traduit dans plusieurs langues, l’écrivain d’origine innue est devenu une voix littéraire incontournable, exposant la réalité autochtone au pays, mais sans jamais faire la morale. « Moi-même, j’ignorais plein de choses », admet-il. Pour le reporter qui a lorgné l’actualité internationale, écrire aura été un moyen de mieux connaître sa propre culture et de comprendre d’où il vient.

« Mon père est québécois, ma mère est autochtone. Je fais partie de ceux qui ont grandi à l’extérieur de la communauté à cause de la Loi sur les Indiens. Je n’ai pas appris la langue, raconte l’homme de 63 ans. J’ai été élevé par des parents qui ont vécu le racisme. Quand tu es la seule famille autochtone dans Alma, tu te fais montrer du doigt. Ma mère se faisait traiter de sauvage. Être autochtone n’était pas valorisé. Le réflexe a été de passer inaperçu. »

Mon histoire, c’est celle de toutes les familles autochtones        

Michel Jean

Une reconnaissance croissante

Si sa carrière d’auteur a démarré lentement, on peut dire de Michel Jean que la reconnaissance dont il jouit est plus que méritée ! « Initialement, mes livres se vendaient bien, mais sans plus, admet-il. Personne n’avait parlé de Kukum à sa sortie. Le bouche-à-oreille a fait en sorte qu’après un an, on avait vendu 5 500 exemplaires. Grâce au prix France-Québec, on en a plus parlé. Conséquemment, il est sur les palmarès des meilleurs vendeurs depuis 2020 et il a remporté le prix du Meilleur Roman des lecteurs et libraires Points 2023. Ces lecteurs ont voulu découvrir mes autres livres, notamment Atuk, elle et nous, au sujet de ma grand-mère, et Le vent en parle encore, sur les pensionnats autochtones. Il y a deux ans, j’ai publié Tiohtià:ke. Je me disais que l’itinérance autochtone n’est pas très sexy, mais nous sommes rendus à 70 000 exemplaires vendus. Le livre vient de paraître en France et en Allemagne. »

Une autre perspective

Partager son récit a permis à l’auteur de confirmer l’ouverture de la population québécoise à la question autochtone. « Ils découvrent une partie de leur histoire, dit-il. Chaque semaine, je reçois des messages de gens qui me disent : “Monsieur Jean, j’ai lu votre livre. J’ai honte. Qu’est-ce que je peux faire ?” Je leur réponds toujours qu’ils n’ont pas à avoir honte, qu’ils n’ont rien fait, et que la meilleure chose à faire, c’est ce qu’ils font déjà : lire et se renseigner. Que Kukum, Le vent en parle encore et Tiohtià:ke soient maintenant utilisés dans les écoles donne une autre perspective… »

L’homme se réjouit aussi de cette plus grande visibilité des nations autochtones dans l’espace public. « Je me sens reconnaissant et admiratif qu’on intègre des Autochtones. Nous prévoyons faire une série avec Kukum. Nous allons trouver des acteurs autochtones. On est rendus là. Aujourd’hui, on n’a plus le choix d’agir : le reste du monde regarde », laisse-t-il tomber. 

Un journaliste chevronné

Enfant, Michel Jean souhaitait déjà devenir journaliste. Il a commencé sa carrière à la radio, d’abord à Sorel, alors qu’il faisait une maîtrise, puis en Abitibi-Témiscamingue. Pour le compte de Radio-Canada, il a ensuite œuvré en Saskatchewan, à Toronto, à Montréal et à Québec. Par la suite, il a été reporter à l’émission Le Point.

« Lorsque j’étais jeune, je rêvais de couvrir des événements à l’international. Je suis heureux d’avoir pu le faire. J’ai couvert la guerre en Irak, le tsunami au Sri Lanka, la guerre au Liban, le départ d’Aristide en Haïti. J’avais développé une spécialité : je me rendais dans des endroits où ça brassait. Ça correspondait à ma personnalité. Je voulais couvrir la plus grosse nouvelle possible. J’aimais les défis que ça représentait. »

Par la force des choses, l’homme a vécu mille et une tribulations qu’il a relatées dans un livre intitulé Envoyé spécial. « En Haïti, on a tiré au-dessus de nos têtes. Cette fois-là, j’ai eu peur. J’étais convaincu qu’on avait tiré sur mon cameraman… Malgré le danger, il n’y a rien que je ne referais pas. J’ai toujours agi en ayant en tête ma sécurité et celle des gens avec qui je travaillais. Je n’ai jamais été une tête brûlée. »

Chef d’antenne

À TVA depuis 2005, Michel a animé l’émission JE pendant huit ans avant d’occuper un fauteuil de chef d’antenne. « Le TVA midi rassemble tout ce que j’aime en information : l’actualité brûlante, mais avec la possibilité de couvrir sous un autre angle et de mener des entrevues plus longues lorsque nécessaire. À l’âge que j’ai, c’est une émission qui me ressemble. Chaque midi, nous rejoignons près d’un demi-million de personnes. En 37 ans de carrière, je ne me suis jamais laissé prendre au piège de la routine. J’ai toujours continué d’apprendre et de me remettre en question. »

Pour découvrir ses ouvrages, allez au kwahiatonhk.com/auteurs/michel-jean

Michel Jean est en ondes en semaine de midi à 13 h à TVA et LCN et à 13 h à LCN.

Photo: Bruno Petrozza