Faire le tour de l’île de Montréal… à la marche

En 2019, l’auteur Rodolphe Lasnes se lance un défi inusité : faire le tour de l’île de Montréal au rythme de la marche. Son aventure de cinq jours lui a inspiré un très beau récit de voyage, J’habite une île (Leméac Éditeur), une invitation à voyager autrement dans la métropole québécoise.

Baignée par les rivières des Prairies et des Outaouais ainsi que par le fleuve Saint-Laurent, l’île de Montréal possède 160 km de rivage. Pourtant, les Montréalais en connaissent peu les rives et prennent peu conscience de leur insularité. Ils tournent même le dos à l’eau, a constaté Rodolphe Lasnes, un auteur de guides de voyage qui habite justement à Montréal.

En quête d’un voyage exotique à faible empreinte carbone, Rodolphe Lasnes part en septembre 2019 en totale liberté, sans aucune réservation, faire son propre tour de l’île de Montréal. Un 160 km de choses tranquilles, pour paraphraser Félix Leclerc, qu’il raconte en 160 fragments poétiques.

« Mon but était de voir des choses qu’on ne remarque pas en voiture. Je voulais dénicher les petits sentiers, sentir les odeurs, découvrir des choses pas importantes », dit-il en entrevue au magazine Virage. Bref, de porter attention aux choses que les Montréalais ne perçoivent plus.

Son itinéraire, entrepris dans le sens antihoraire à partir du Vieux-Montréal, le mène de surprise en surprise. Son parcours se déroulera presque à moitié en nature ou sur des sentiers en poussière de roche. « J’ai traversé de nombreux parcs qui sont vraiment méconnus des Montréalais, comme le parc du Bout-de-l’Île, à Pointe-aux-Trembles, ou l’écoterritoire des Rapides-du-Cheval-Blanc, à Pierrefonds-Roxboro », dit-il.

Au cours de ses journées de déambulation de 25 à 45 km, l’écrivain-marcheur fait la découverte de plusieurs chemins de campagne à faible circulation automobile, comme le chemin de Senneville, à l’extrémité ouest, où se cachent des manoirs majestueux qui feraient de l’ombre aux résidences de Westmount. « J’ai même marché en longeant des champs où l’on pratique encore l’agriculture », s’étonne-t-il encore.

À travers son périple, un élément le surprend plus que d’autres : l’absence de services sur le littoral montréalais. « C’était compliqué de trouver des restaurants, des dépanneurs et des hôtels. J’ai noté la présence, sur ma boucle de 160 km, de cinq établissements qui font commerce au bord de l’eau, en excluant le secteur de Sainte-Anne-de-Bellevue et le Vieux-Montréal », remarque-t-il.

Faute d’endroit où dormir en chemin et de disponibilité, Rodolphe Lasnes s’est résigné à coucher à deux reprises sur un banc de parc. Des nuits de sommeil perturbées non pas par des fêtards, mais par des moufettes. Aucun incident nauséabond n’est à signaler, fort heureusement.

Charmé par les lieux, il refera cet itinéraire, cette fois-ci avec un hamac dans sa besace. « J’ai complètement déconnecté lors de ce voyage, autant que si j’étais parti à l’autre bout du monde », affirme-t-il.

***

3 randos d’un jour dans la métropole

Envie de tenter l’expérience, du moins en partie ? Rodolphe Lasnes propose trois segments de sa circumnavigation de l’île de Montréal, facilement accessibles en transport en commun. Les distances sont pour l’aller seulement.

  1. Du parc du Bout-de-l’Île à l’ancien village de Rivière-des-Prairies

Dans ce secteur, le boulevard Gouin Est se transforme en une route de campagne longeant la rivière des Prairies. « Au point de départ, on profite d’une fenêtre sur le fleuve et sur ses îles inhabitées au large. Puis, on découvre de nombreuses maisons patrimoniales avec panneaux racontant leur histoire et on arpente les sentiers du parc-nature de la Pointe-aux-Prairies. Ça se termine par l’exploration de l’ancien village de Rivière-des-Prairies, datant du XVIIe siècle », raconte l’auteur. Une balade linéaire d’une dizaine de km peu ou prou, selon les chemins de traverse choisis.

  1. Du parc-nature de Cap-Saint-Jacques à Sainte-Anne-de-Bellevue

Le trait d’union entre ces deux territoires, c’est le chemin Senneville, une route de campagne, sans trottoir, mais peu fréquentée, qui lève le voile sur les demeures les plus luxueuses de l’île de Montréal. Cet itinéraire borde le lac des Deux Montagnes et un immense espace vert comprenant le parc-nature de l’Anse-à-l’Orme et le parc agricole du Bois-de-la-Roche. La balade aboutit à Sainte-Anne-de-Bellevue, l’un des rares endroits montréalais où foisonne une vie commerciale au bord de l’eau. Un trajet d’une douzaine de km.

  1. Du Vieux-Lachine jusqu’au pont Samuel-de-Champlain

Cette portion d’une douzaine de km donne un accès direct et presque sans interruption au fleuve Saint-Laurent. On peut quitter les sentiers riverains à plusieurs endroits afin de marcher sur des pistes qui nous transportent presque les pieds dans l’eau. En vedette : les oiseaux aquatiques, les rapides de Lachine et les adeptes de surf sur la fameuse Vague à Guy, une vague éternelle située à la hauteur du parc des Rapides. On se baigne à la plage urbaine de Verdun, à deux pas de la station de métro De l’Église.

Photo : Belvédère au parc-nature du Bois-de-Liesse.

Photo : Simon Diotte

***

Découvrir, autrement

Dans ce passage de J’habite une île, Rodolphe Lasnes évoque le guide de voyage idéal, nous incitant du même coup à voir autrement la découverte d’un territoire.

« Ceci n’est pas un guide de voyage, mais pourrait ressembler à l’ébauche de mon guide idéal. Pour réaliser ce dernier, il suffirait de répertorier les principaux guides touristiques traitant d’une destination, puis de noircir sur une carte routière tous les lieux mentionnés pour ne plus s’intéresser qu’aux espaces laissés en blanc, comme les régions inexplorées de jadis. Ce guide en négatif ne comporterait aucune recommandation, aucune adresse, juste une carte aux indications vagues et quelques feuilles vierges pour noter les conseils glanés au fil des rencontres. »