Au fil du temps : de la maltraitance à la bienveillance

Balados, vidéos, site Web: l’Ordre des psychologues du Québec lance Au fil du temps, un projet multimédia pour sensibiliser la population aux impacts du vieillissement du cerveau. L’objectif est de favoriser la bienveillance auprès des personnes aînées, en s’attaquant à la maltraitance psychologique qui découle trop souvent du manque de connaissances chez le personnel soignant et les proches aidants.

« L’idée maîtresse, c’est d’aider la compréhension du grand public de ce que c’est vieillir. Vieillir en santé, comme vieillir pas en santé. Démystifier aussi la réalité des gens qui entourent les personnes vieillissantes », explique à Virage Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, au sujet de l’initiative.

Dans les cinq sous-sections qui le composent, le site Web propose plusieurs vidéos de témoignages, d’entrevues et de tables rondes. Les visiteurs peuvent s’informer sur le vieillissement normal du cerveau et les troubles neurocognitifs, ainsi que s’outiller pour aider les personnes vieillissantes et les proches aidants.

 Une « culture d’empathie »

Au fil du temps prend notamment racine en 2021, lors de la consultation sur l’élaboration du 3e plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées. La crise de la COVID-19, et l’embauche de nouveaux employés dans le réseau public, ont rendu nécessaire le développement d’un projet éducatif, plaide l’Ordre.

Ce dernier recommande alors de s’assurer que le « personnel soignant et les aidants naturels reçoivent les informations nécessaires pour comprendre le fonctionnement psychologique et mental des personnes aînées », en plus de créer une « culture d’empathie ».

Celle-ci se veut un remède à ce que la Dre Grou nomme la « maltraitance qui s’ignore ».

« Quand le cerveau vieillit de façon pathologique, qu’on a des troubles neurodégénératifs, des démences, le cerveau fonctionne de façon très particulière. Si on ne comprend pas ce qu’il se passe sur les plans affectif et cognitif, on ne peut pas bien traiter. »

Prenons le cas fictif d’un patient atteint d’aphasie. En raison de ce dysfonctionnement du langage, il ne répond pas à la question que lui pose son nouvel intervenant. Le croyant malentendant, ce dernier répète la demande, de plus en plus fort, au point de lui crier au visage. Sans surprise, le patient a une réaction défensive de peur et bouscule l’intervenant.

« L’intervenant ne connaissait pas l’existence de cette maladie: il n’a peut-être pas eu accès à l’explication d’un professionnel concernant la définition de l’aphasie et son impact sur le comportement. Il y a donc eu maltraitance, et ce, sans mauvaise intention ni surcharge de travail du côté de l’intervenant », explique l’Ordre dans un mémoire déposé au gouvernement provincial en 2020.

L’incompréhension ouvre la porte à une mauvaise interprétation des intentions et des comportements de la personne hébergée. Résultat: des réactions « inadéquates, voire négatives, des gens qui l’entourent ou en prennent soin », prévient l’Ordre dans son mémoire. « Ce qui peut s’ensuivre, c’est la médication, même la contention ou l’isolement, ajoute la Dre Grou. Dans les CHSLD, il y a énormément de médication qui se donne. Peut-être que si on comprenait mieux ce qu’il se passe dans le cerveau de la personne et qu’on intervenait mieux, on diminuerait le recours à la médication. »

Aider les proches

Certains troubles, comme la démence fronto-temporale, causent des changements santé comportementaux dramatiques. Des changements qui peuvent heurter la famille et les proches aidants.

« Ils sont eux-mêmes déchirés émotionnellement. Parce que leurs proches ont des réactions qu’ils prennent très personnellement, alors que ce ne sont plus des réactions raisonnables ou raisonnées. »

D’où l’importance de démystifier, d’éduquer et de sensibiliser.

« À partir du moment où les proches comprennent que ce n’est plus l’expression de la personne, mais bien d’un problème de santé, la perspective change. Ça fait mal, ça demeure difficile à vivre, mais on le prend moins personnellement. » Même en l’absence de pathologie, les effets du vieillissement peuvent mener à des incompréhensions et des tensions.

« Même quand on vieillit en santé, il y a des deuils à faire, prévient Christine Grou. Il faut comprendre ce qu’il se passe sur le plan affectif. Pourquoi les personnes vieillissantes sont plus anxieuses? Pourquoi les personnes vieillissantes présentent beaucoup d’éléments dépressifs? Tant qu’on n’est pas là, on a de la misère à se représenter le vécu d’une personne. »

Le projet se veut évolutif et devrait se bonifier dans les prochaines années. Les visiteurs pourront y trouver de plus en plus de renseignements pour aider leurs proches atteints d’un trouble neurocognitif ou qui vivent avec de l’anxiété.