Pénurie de main-d’œuvre : la solution passe par les travailleurs d’expérience

La pénurie de main-d’œuvre, en partie due au vieillissement de la population, est sur toutes les lèvres. Or, les travailleurs d’expérience constituent justement un élément important de la solution.

« Ce que les travailleurs d’expérience recherchent pour demeurer en emploi ou pour y revenir après quelques années à la retraite, est semblable à ce que les autres employés demandent : un climat de travail agréable, un horaire flexible, la possibilité de faire du télétravail, de se limiter à quatre jours par semaine, etc. La pénurie de main-d’œuvre vient en partie du fait que beaucoup d’entreprises n’ont pas mis en place des pratiques de gestion et d’aménagement du temps de travail pour attirer et retenir les employés », indique Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’École des sciences de l’administration de la TÉLUQ.

En effet, la pénurie serait moins aiguë si, d’une part, les travailleurs âgés restaient plus longtemps sur le marché du travail, plutôt que de dire « bye-bye boss » dès le tournant de la soixantaine, comme le font massivement les Québécois. D’autre part, des horaires plus flexibles auraient pour effet de convaincre davantage de retraités de reprendre du service. Il faut savoir que plus de la moitié d’entre eux y songent, en premier lieu pour continuer à contribuer à la société, puis pour des raisons financières.

Une révision de la fiscalité s’impose également pour conserver ou ramener les travailleurs d’expérience au sein de la population active.

Une pénurie sans précédent

Pour l’instant, dans un contexte de vigueur économique qui donne lieu à un taux de chômage historiquement bas, le Québec fait face à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent, que l’immigration n’arrive pas à endiguer. Les derniers chiffres de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante font état de 109 600 postes vacants au Québec, un record battu de trimestre en trimestre. Le Québec est d’ailleurs la province la plus touchée à ce chapitre au pays.

Au même moment, des dizaines de milliers de 50+ se cherchent un emploi. Alors, pourquoi ne pas leur offrir tout simplement les postes vacants ?

D’abord, parce que ces travailleurs ne possèdent pas toujours les compétences requises. Aussi, bien des postes disponibles proposent des salaires faibles, des conditions de travail pénibles et aucune flexibilité dans les horaires, trois contraintes qui, conjuguées, rebutent les travailleurs souhaitant à juste titre une reconnaissance de leurs années d’expérience ainsi qu’une conciliation plus aisée entre vie professionnelle et vie personnelle.

À bas les préjugés !

Autre obstacle : beaucoup d’employeurs sont réticents à embaucher des travailleurs de plus de 50 ans ou encore n’y songent tout simplement pas.

« L’un des préjugés les plus persistants est que les travailleurs expérimentés seraient technophobes. Ça ne tient plus la route puisque les gens qui ont 50 ans aujourd’hui sont pour la plupart suffisamment à l’aise devant un ordinateur pour accomplir les tâches requises dans un contexte de travail », fait valoir Mme Tremblay.

Dans les faits, ceux qui ont des décennies de travail à leur actif se démarquent souvent par leur loyauté, leur fidélité, leur ponctualité, leur motivation, leur disponibilité et leur culture du service à la clientèle.

« Aux deux extrémités de la pyramide des âges, les employeurs excluent d’emblée des gens, poursuit la professeure à la Télé-université de l’université du Québec. Au sujet des plus âgés, les employeurs se disent qu’ils vont quitter bientôt, qu’ils coûteraient trop cher, etc. Pourtant, bien des travailleurs d’expérience veulent occuper un emploi pendant de nombreuses années encore et certains accepteraient une baisse de salaire en échange d’une plus grande souplesse dans l’aménagement du temps de travail. »

Tous au maindoeuvre50plus.com !

Employeurs et candidats expérimentés peuvent trouver leur point de jonction au maindoeuvre50plus.com, une initiative du Réseau FADOQ. Cette plateforme entièrement gratuite compte plus de 5 000 utilisateurs.

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« Jeunesse et expérience sont une richesse, pas un obstacle »

– Mario Bourassa, dg du Centre de ski Le Relais

Tout l’hiver, 350 employés s’activent au Centre de ski Le Relais, à Lac-Beauport. De ce nombre, 30 % ont 50 ans et plus, dont des couples et même des grands-parents qui se retrouvent sur la même liste de paie que leurs petits-enfants. Et tout le monde y gagne !

« L’expérience et l’expertise des plus vieux complètent les connaissances actuelles et la vision des jeunes. Cette diversité est un bonus pour notre organisation, notamment grâce à l’apport des uns et des autres à la qualité du service à la clientèle », résume Mario Bourassa, directeur général de la station de ski.

Visiblement convaincu des bienfaits des interactions multigénérationnelles en milieu de travail, il note également une autre complémentarité : les plages horaires convoitées par les travailleurs d’expérience, en semaine, sont celles au cours desquelles les étudiants sont les moins disponibles. « De plus, ces travailleurs ont longuement mûri leur décision de venir œuvrer chez nous et ils s’engagent souvent pour plusieurs saisons, un net avantage pour nous. »

Tous adeptes de ski ou de plein air, ces employés voient dans leurs fonctions l’occasion de se faire un revenu selon leurs disponibilités, de transmettre leur passion et de rester actifs, tout en ayant l’été pour voyager, jouer au golf ou occuper un autre emploi saisonnier.

Un mariage parfait

De façon générale, l’industrie touristique et les travailleurs d’expérience ont tout pour se plaire mutuellement. « 58 % de l’emploi total en tourisme se classe dans divers emplois saisonniers ou à temps partiel et ceux-ci se déroulent bien souvent dans des cadres enchanteurs », souligne le Comité sectoriel de main-d’œuvre en tourisme.

Les semi-retraités ou ex-retraités y trouvent une façon de concilier les avantages de la vie professionnelle et ceux de la retraite, et ce, dans un environnement agréable, à l’abri des grosses responsabilités et du stress qui ont souvent caractérisé leur première carrière.

Avis aux intéressés, la pénurie de main-d’œuvre est particulièrement criante dans l’industrie touristique…