Cimetières écologiques : la forêt du dernier repos

Plantation d’arbres, protection forestière à perpétuité, recours innovant à la réalité augmentée : la Forêt de la seconde vie se veut le nec plus ultra des cimetières écologiques au Québec, voire en Amérique du Nord. Cette démarche ambitieuse s’inscrit dans une tendance qui vise à réduire l’empreinte environnementale de l’industrie de la mort.

Il y a près de quatre ans, deux entrepreneurs en immobilier ont acquis un terrain de golf désaffecté à Sainte-Sophie, dans les Laurentides. Leur objectif : « Prendre un milieu artificiel et le renaturaliser le plus rapidement possible ».

« On cherchait aussi à permettre au plus grand nombre de Québécois de diminuer leur empreinte écologique », explique Guillaume Marcoux, en compagnie de Ritchie Deraîche, son partenaire d’affaires.

Leur stratégie : créer un cimetière dans lequel les cendres des défunts se mêleraient aux racines de milliers d’arbres, menant par le fait même à la renaissance d’une forêt.

Sur le vaste site, les lots sont vendus comme des concessions dans un cimetière classique, mais il n’y a ni pierre tombale ni plaque commémorative. Les cendres sont inhumées – ou « enracinées », terme privilégié à la Forêt de la seconde vie – un jeune plant d’arbre, dans une urne biodégradable ou directement dans le sol.

À terme, si tous les lots trouvent preneurs, le projet permettra de planter 7 000 arbres, et de les protéger à perpétuité grâce à une servitude de conservation forestière. Ce sont ainsi près de 175 tonnes de carbone qui seront captées annuellement, selon les calculs des deux entrepreneurs.

Une tendance écologique

Qu’ils soient appelés « verts », « écologiques » ou « naturels », les cimetières alternatifs poussent ici et là au Québec, comme l’explique Mélanie Huneault dans un essai de maîtrise rédigé lors de ses études à l’Université de Sherbrooke.

Le premier « cimetière naturel à faible impact écologique » de la province, Les Sentiers, a été créé en 2009, à Prévost, dans les Laurentides. D’autres ont emboîté le pas, comme le cimetière naturel en milieu urbain de la Coopérative funéraire de l’Estrie et le Boisé du souvenir du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, inauguré récemment sur le mont Royal.

Chacun a ses propres spécificités, mais en général, ils misent sur des pratiques qui favorisent la préservation de la biodiversité, la réduction des produits toxiques, la minimisation des monuments, le recours aux matériaux écologiques et l’aménagement de sites en harmonie avec la nature. Le tout offert à des prix comparables à ceux de l’ensemble du marché.

Selon France Denis, directrice des communications à la Fédération des coopératives funéraires du Québec, il y a un intérêt croissant pour des pratiques plus écologiques, bien qu’on ne puisse pas encore parler de vague.  « Tout le monde est pour l’environnement – on reçoit beaucoup de questions – mais quand vient le temps de choisir, les gens optent encore souvent pour quelque chose de plus traditionnel ».  N’empêche, la conscientisation fait son chemin.  « Le fait qu’il y ait des cimetières écologiques parle quand même beaucoup », souligne-t-elle, ajoutant qu’il est important de s’assurer que des options durables sont offertes à ceux et celles qui le désirent. 

Les arbres sous le nuage (numérique)

Ritchie Deraîche et Guillaume Marcoux estiment que leur projet cultive comme nul autre le concept du cimetière écologique, soulignant qu’il est le seul ayant été accrédité comme producteur forestier en Amérique du Nord.

Les entrepreneurs ont d’ailleurs sollicité l’appui d’un organisme à but non lucratif spécialisé dans le développement durable pour créer le plan d’aménagement. Ses ingénieurs ont élaboré un concept de cinq zones forestières, chacune ayant une thématique et cinq essences d’arbres qui lui sont propres.

Et pour diminuer au maximum l’impact environnemental, les deux partenaires ont choisi de proscrire les panneaux signalétiques et les objets commémoratifs. Pour trouver l’arbre sous lequel repose l’être cher, le visiteur doit utiliser une application interactive basée sur la réalité augmentée. L’outil permet aussi d’accéder à un coffre virtuel contenant une banque de souvenirs de la personne qui y repose.

S’enraciner ailleurs au Québec

Selon les projections démographiques, le Québec franchira le cap des 100 000 décès par année en 2043. Ajoutons à cela la crise climatique et il y a fort à parier que la demande pour des cimetières écologiques n’ira qu’en augmentant. D’autant plus que les gens sont actuellement en quête de sens, particulièrement lorsqu’il est question de la mort et du deuil, ajoutent Ritchie Deraîche et Guillaume Marcoux. Selon eux, le don de soi à la Terre, la communion avec la nature et le legs laissé aux générations futures peuvent aider à combler ce vide.

Dans ce contexte, les entrepreneurs travaillent déjà afin que leur concept puisse prendre racine dans plusieurs autres régions de la province.

La mort écologique

Les rites funéraires laissent une empreinte environnementale indéniable, mais il existe plusieurs options écologiques que vous pouvez choisir au moment de célébrer la vie de vos proches disparus ou de planifier vos propres funérailles.

Les produits toxiques utilisés lors de l’embaumement se dispersent dans la nature, contaminant notamment le sol et les eaux souterraines. Pour contourner cet enjeu, vous pouvez tout simplement dire non à l’embaumement. La période d’exposition de la dépouille sera restreinte, mais ce choix vous permettra aussi de réduire la facture.

L’inhumation a aussi un impact sur l’environnement. D’une part, la fabrication du cercueil, en plus de sa décomposition (et celle du corps), engendrent une production de CO₂. D’autre part, des contaminants présents dans la dépouille (mercure, plomb) se répandent dans le sol.

Vous pouvez limiter cela en choisissant un cercueil fabriqué à partir de matériaux durables (bois, bambou, carton, etc.), sans métal ni plastique, ainsi qu’une doublure biodégradable. Les prix sont comparables à ceux des cercueils habituels.

Lors de la crémation, la combustion du corps et du gaz naturel libérerait jusqu’à 730 kg de CO₂, selon une étude commandée par la FCFQ. Certaines maisons funéraires ont donc investi pour améliorer l’efficacité énergétique de leur four crématoire. D’autres plantent des arbres pour compenser leurs émissions (par l’entremise du programme Héritage du réseau des coopératives funéraires du Québec, par exemple). Informez-vous avant de faire votre choix.

Vous pouvez aussi choisir l’aquamation. Ce processus combine chaleur et alcalinité à une eau en mouvement pour dissoudre les tissus. Les os sont ensuite séchés et réduits en poudre. Il n’y a pas de combustion et pratiquement aucune émission de CO₂. Au Québec, seul le Complexe funéraire Le Sieur, à Granby, offre cette option (mais couvre l’ensemble du territoire).

Pour inhumer les cendres, vous pouvez choisir une urne écologique fabriquée localement. Biodégradable, biologique, compostable, botanique… Le choix est vaste.