Le blues de la retraite, non merci !

Après la période de lune de miel qui suit souvent la prise de la retraite, vient parfois le désenchantement, le fameux blues de la retraite. Ce phénomène guette même les aînés bardés de REER car l’argent n’est que l’un des éléments de l’équation du bonheur à la retraite.

Après quelques années, plusieurs personnes se rendent compte que la retraite n’est pas synonyme de vacances sur le long terme et que les voyages ne peuvent occuper tout le temps que la retraite rend disponible. Le défi est de s’inventer un nouveau mode de vie qui ait du sens pour les années et même les décennies à venir.

Des attentes à revoir

« Le premier facteur de désenchantement est de ne pas avoir suffisamment préparé sa retraite, autant financièrement qu’au niveau des intérêts et des projets. Le second est d’avoir idéalisé sa retraite. Toute la vie, on fait le deuil de l’idéal : de l’enfance idéale, du couple idéal, de la carrière idéale. À la retraite, on peut être déçu de ne pas tout faire ce qu’on avait imaginé », résume Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.

Des événements incontrôlables et des situations qui surviennent à l’âge de la retraite peuvent aussi assombrir cette transition. « Il peut y avoir une mésentente avec les enfants, leur éloignement et celui des petits-enfants, la perte du conjoint, la maladie ou celle du conjoint. Ultimement, la retraite nous confronte au fait qu’on est dans le dernier tiers de notre vie », note Mme Grou.

Partant de là, la façon de voir les choses est très importante. « Par exemple, on peut considérer comme une perte le fait de déménager dans un logement plus petit, mais on peut aussi y voir un gain de liberté », illustre la psychologue. Perte ou occasion de se réaliser autrement, c’est aux futurs retraités de choisir !

Une question d’équilibre

Il est naturel de perdre ses repères au moment de la retraite, comme lors des autres moments charnières du cycle de la vie. La plupart du temps, les gens retrouvent graduellement leur joie de vivre, si l’argent, la santé et les liens sociaux ne font pas défaut.

« Souvent, les gens négligent l’aspect psychosocial de la retraite, ce qui crée un déséquilibre. Par exemple, on s’imagine que nos collègues de travail ne vont pas nous manquer puisqu’ils ne sont pas des amis proches. Il s’agit néanmoins de personnes qu’on côtoie cinq jours par semaine. Aussi, les gens ne réalisent pas tous qu’ils auront uniquement une poignée d’amis retraités partageant les mêmes intérêts qu’eux. Dans les faits, de nombreux retraités s’ennuient et manquent d’échanges sociaux », indique Maryse Villiard, formatrice lors des sessions de préparation à la retraite grand public offertes par le Collège Marie-Victorin et de nombreux collèges partenaires à travers la province.

Elle ajoute qu’il faudra combler les 2 000 heures par année consacrées au travail et trouver ailleurs la valorisation, les défis, le sentiment d’utilité et les contacts humains que le travail apporte. Une retraite progressive, du bénévolat, un retour aux études, une deuxième carrière ou un rôle de soutien accru auprès des enfants et petits-enfants feront souvent le travail. À ce sujet, Mme Grou et Mme Villiard voient d’un bon œil la retraite progressive, car elle permet une transition en douceur.

Toutefois, les nouveaux retraités doivent prendre garde de ne pas s’étourdir dans des heures et des heures de bénévolat ni de s’oublier complètement en gardant les petits-enfants 40 heures par semaine. « C’est très important de bloquer à l’agenda du temps pour soi, du temps non structuré, du temps pour se reposer, se réénergiser, se ressourcer », rappelle Maryse Villiard.

Une deuxième vie à préparer

La psychologue Christine Grou invite les futurs retraités à cultiver dès maintenant des intérêts diversifiés et à repérer ce qui leur procure du plaisir, met leurs talents à profit et donne du sens à leur vie.

Car si l’on tombe à la retraite sans l’avoir planifié ni y avoir réfléchi, ça risque de faire mal. D’où la pertinence de suivre un cours de préparation à la retraite qui fait le tour du sujet et non seulement de l’aspect financier.

« Je suggère aux gens de suivre un tel cours de trois à cinq ans avant la retraite et de commencer à ce moment-là à prendre du temps pour eux afin d’entamer ce processus », indique Mme Villard.

Elle note l’importance pour les couples de discuter franchement, longtemps à l’avance, des projets individuels et de couple qui meubleront leur retraite. « Si le projet est de construire un chalet, est-ce qu’on va le construire seul ou à deux, est-ce que l’un souhaite y passer la majorité du temps et l’autre, y aller seulement de façon occasionnelle ? Il faut en parler car ces projets peuvent être une sérieuse source de discorde au moment de la retraite », prévient Mme Villiard.

Par ailleurs, chaque fois qu’elle se retrouve devant un groupe de futurs retraités, la question qui tue revient : « Est-il préférable que les deux conjoints prennent leur retraite en même temps ou l’un après l’autre ? » Chaque fois, elle sert la même réponse : « Ça dépend. » Du modus operandi du couple, de la nature des projets de retraite, etc.

Quand le blues devient détresse

Si le blues est souvent passager, il arrive qu’il se transforme en détresse psychologique. « Comme toute transition, la retraite est un motif de consultation fréquent et légitime. Si un retraité ne se sent pas bien dans sa vie, fait de l’autodépréciation, ressent une perte de plaisir, est triste et irritable, et ce, depuis quelques semaines, il est temps de voir un psychologue », conclut Mme Grou.

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D’infirmière-chef à livreuse de popote

Infirmière pendant 38 ans, dont 15 ans comme infirmière-chef, Nicole Béfort a pris sa retraite il y a quatre ans. La broue dans le toupet, c’était fini pour elle ! En devenant livreuse pour la popote roulante, elle a fait la sourde oreille au blues de la retraite.

« C’était dans mes valeurs de redonner, de rendre service, de montrer de la gratitude envers la vie qui m’a gâtée et de me sentir utile. Toutefois, je ne souhaitais plus être très impliquée émotivement. Puisque j’avais fait un certificat en maintien à domicile sur la popote roulante, je savais que ce serait mon bénévolat à la retraite », indique la Montréalaise, qui avait suivi un cours de planification de la retraite quelques années avant de dire bye-bye à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Deux avant-midi par semaine, seule ou avec un chauffeur, elle livre le repas à une dizaine d’aînés. « Je suis fidèle au poste car j’aime échanger avec ces aînés souriants et accueillants. Ils s’informent de la météo et demandent des nouvelles de mon petit-fils », résume-t-elle.

Madame Béfort fait aussi de la natation trois fois par semaine. C’est un autre élément de son équilibre de vie à la retraite, tout comme les trous dans son agenda pour penser à elle.