L’Amour, selon Louise Portal

Écrivaine, chanteuse, comédienne et conférencière, Louise Portal œuvre dans le milieu culturel québécois depuis plus de 50 ans. Elle signe le premier d’une série de quatre textes exclusifs à Virage.

L’Amourj’en ai rêvé longtemps. Je l’ai cherché, traqué partout. Pendant mes années romantiques, je l’inventais dans chaque rencontre intime, comme la promesse d’un amour éternel. Que d’illusions ! Le plus souvent, ces hasards de nuits n’accueillaient que des brigands du cœur, de passage, insouciants de ma naïveté et de ma jeunesse. Je me laissais séduire facilement.

L’Amour n’était qu’une attente sans fin. Attendre de l’autre tendresse, attention, confirmation, étreinte. Éperdue, je ne faisais que me perdre dans des bras inconnus à la recherche du grand amour qui viendrait combler la quête de l’amoureuse.

En quête de quelle révélation étais-je ?

Le « prince charmant »

L’Amour ne peut éclore avant que l’on puisse d’abord se connaître; sinon comment offrir le meilleur de soi dans la liberté et la confiance ? Après bien des aventures passagères, déceptions garanties, quelques chagrins d’amour divers dans l’enlisement d’engagements non réciproques, une longue relation nouée, de part et d’autre, dans la dépendance affective et une lancinante peine d’amour, j’ai rencontré mon Prince !

L’Amour nous révèle à nous-mêmes. Il déploie en nous des ressources insoupçonnées

Louise Portal

Je sais, je sais, cette référence au prince charmant peut en faire sourciller plusieurs, avec raison. Je l’admets ! Cette quête du chevalier ou du coureur des bois, du survenant, toutes ces figures de prétendants qui viennent nous délivrer ou nous emporter vers le bonheur sont aujourd’hui des images désuètes. J’ai tout de même grandi dans les années 1950 avec les contes de fées !   

Mais cela fera bientôt 30 ans que nous avançons côte à côte sur ce chemin d’aimer, et j’aime le reconnaître et le nommer : Jacques est tout de même mon homme de cœur. Mon chevalier ! Bien des années sont là pour en certifier l’authenticité.

Une vaste contrée à défricher

L’Amour nous révèle à nous-mêmes. Il déploie en nous des ressources insoupçonnées. Il est de nature douce, tendre et attentionnée. Au quotidien, il nécessite une communication franche pour s’épanouir. Dieu sait que nous avons maintes occasions de nous y atteler à cette caravane d’évènements que nous présente la vie à deux.

Vivre ensemble, c’est tout partager : l’intimité amoureuse qui, au fil des changements du corps et du désir, se transforme. Toutes ces décisions à prendre en regard des lieux de vie, des enfants à élever, que l’on voit s’envoler, revenir, et repartir… ceux qu’on échappe aussi… il y en a et c’est une lourde épreuve à traverser pour des parents.

Le territoire de l’Amour est une vaste contrée à défricher, en perpétuelle évolution et transformation.

À 43 ans, j’ai eu le privilège de rencontrer celui qui possédait la délicatesse de cœur et l’autonomie, pour s’arrimer à la femme que j’étais. Dans la vie personnelle tout comme dans la vie publique. Pas facile pour un homme, de ma génération, d’accepter d’être dans l’ombre, demeurer humble, et à la fois s’affirmer aux côtés de sa compagne. Et moi, j’étais la femme tout indiquée pour l’aimer tel qu’il était, dans ce qu’il avait à m’offrir : sa vie ! Sans trahison, sans mensonge. Dans une générosité incarnée dans tous ces petits gestes du quotidien qui sont autant de témoignages d’amour.

Il est mon homme de cœur. Je suis sa beauté, comme il me l’a écrit dans les premiers jours de notre rencontre. Devant sa courtoisie, je lui avais envoyé de manière un peu sarcastique : « Vas-tu être encore comme ça dans 10 ans ? ». Il m’avait alors répondu : « Si tu n’essaies pas de me changer, je suis qui je suis ». J’avais beaucoup aimé. Cela me ramenait à toutes ces années où j’avais tenté de changer l’autre pour le faire correspondre à mes attentes. Ici, pas de manipulation, ni coercition ni négociation. What you see is what you get !

Alors que nous avançons toujours ensemble, après toutes ces années, il est touchant de se regarder dans les yeux, comme ce matin, de nous serrer dans nos bras et d’entendre nos « je t’aime » comme au premier printemps de notre amour.

Vivre à deux c’est fusionner vers le même horizon, tout en restant libres. La synergie de notre duo chante en harmonie. Autrement dit, nous ne sommes pas nécessairement sur la même note, mais nous chantons à l’unisson.

Ensemble, nous diffusons l’Amour en nous et autour de nous.