Le jeu pathologique. Les 50+ sont particulièrement vulnérables à cette dépendance frappée de tabous et d’incompréhension, qui mène parfois les joueurs aux portes du suicide tout en écorchant à vif l’entourage sur son passage. Heureusement, des programmes d’aide gratuits peuvent changer la donne.
« Comme toutes les périodes de transition, la retraite rend les gens plus à risque de voir le jeu prendre trop de place dans leur vie. Certains nouveaux retraités sont plus isolés, ont plus de temps libres, ont une mobilité réduite qui diminue les activités accessibles, etc. De plus, ils peuvent être tentés de jouer une partie de leur prime de départ », résume Magali Dufour, professeure agrégée à l’UQÀM et à l’Université de Sherbrooke.
La docteure en psychologie ajoute que la spirale des problèmes de jeu a également tendance à être légèrement accélérée pour les aînés : « Les conséquences financières font mal plus vite parce que leurs revenus sont limités et qu’ils ont moins de possibilités de se refaire. »
Dépendance… et honte
Qu’on soit accro au casino, aux gratteux, aux appareils de loterie vidéo, au poker ou au bingo, le jeu pathologique est particulièrement complexe. Cette dépendance fait appel à des croyances irrationnelles telles que la chance, le mérite, le pouvoir de battre la machine, etc. Aussi, le problème – le jeu – est plutôt perçu par les joueurs comme une solution pour se renflouer financièrement. De plus, les joueurs peuvent cacher longtemps ce problème à leurs proches, et ainsi s’enliser profondément.
« Qui plus est, les gens ont un regard sévère envers les joueurs. Ils croient à tort que c’est une dépendance facile à régler, qu’il suffit de cesser de se rendre jouer. Cela crée un sentiment de honte chez les joueurs, qui tardent encore plus à demander de l’aide, d’où un risque accru d’idées suicidaires », explique Mme Dufour.
De l’aide gratuite, rapidement
Lorsque les problèmes de jeu ont brouillé les cartes de leur vie, les joueurs peuvent se tourner vers différentes ressources pour demander de l’aide. Il y a des services tels que Jeu : aide et référence (jeu-aidereference.qc.ca, 1 800 461-0140), des centres tels que la Maison Jean-Lapointe, des groupes de soutien tels que Gamblers anonymes, etc.
Les gens peuvent aussi se tourner vers le Centre de réadaptation en dépendance (CRD) public de leur région, où ils seront vus rapidement. Pas question ici d’un délai de six mois ou un an comme c’est parfois le cas dans notre système de santé et de services sociaux !
« Dans un premier temps, il y aura une évaluation spécialisée dans le but d’orienter la personne selon ses besoins prioritaires. Des rencontres individuelles hebdomadaires peuvent être de mise, des rencontres de groupe, ou les deux. Parfois, des rencontres de couple ou familiales peuvent aussi faire partie de la solution, les proches étant de bons leviers de changement. Pour d’autres, un séjour en interne, en partenariat avec d’autres ressources, sera envisagé », résume Martine Vallée, agente de relations humaines en dépendance au CRD du CISSS de la Montérégie-Ouest.
Fait à noter, il n’est pas nécessaire au départ de vouloir cesser complètement de jouer avant de cogner à la porte de ces ressources. « Nous accompagnons la personne dans son processus de changement et nous prônons une approche par étapes. Souvent, un choix d’abstinence est fait en bout de ligne, parce que le jeu est difficile à contrôler, en particulier quand le casino ou les appareils de loterie vidéo sont en cause », dit Mme Vallée. Elle souligne que l’entourage peut également bénéficier de services individuels et de groupes de soutien auprès des CRD.
Le conseil de cette intervenante aux personnes ayant des problèmes de jeu : ne pas attendre avant de demander de l’aide. « Il arrive que des personnes sortent tous leurs REER, tous leurs placements et fassent de la fraude pour jouer. Parfois, elles doivent ensuite rembourser un montant important chaque mois, jusqu’à la fin de leurs jours, ce qui les place en situation de grande pauvreté. »
Joueur pathologique, moi ?
En terminant, comment savoir si le chapeau de joueur pathologique peut nous faire ? « Si chaque fois qu’on a des temps libres on pense à jouer, si chaque fois qu’on joue on dépasse le montant limite qu’on s’était fixé, si l’on met de côté les soirées entre amis pour aller jouer, il y a lieu de se poser des questions », indique Mme Vallée. Le mensonge et l’obsession de se refaire comptent aussi parmi les indices.
Par ailleurs, toute personne qui se sent à risque de tomber du côté sombre du jeu devrait adopter des balises pour se protéger. « Par exemple, se fixer un budget et adopter une stratégie pour le respecter, convenir d’une fréquence et d’une durée de jeu, etc. », conseille Magali Dufour, l’une des spécialistes apparaissant dans le documentaire interactif Merci de jouer de l’Office national du film (ONF).
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Jeu pathologique : le documentaire
Si vous désirez découvrir la face cachée du jeu pathologique, misez sur Merci de jouer, un documentaire interactif de l’ONF, disponible au mercidejouer.onf.ca
Présenté sous forme de jeu de hasard, avec jetons et mises, ce documentaire d’une vingtaine de minutes déconstruit les croyances irrationnelles liées au jeu, puis lève le voile sur cette dépendance, par le biais de témoignages de joueurs et d’interventions de spécialistes. Il est ainsi fait que petit à petit, on découvre les mécanismes de la dépendance jusqu’à être confronté – virtuellement seulement ! – à la triste roue de l’infortune qui est le lot des joueurs à problème.
Ce documentaire nous ouvre aussi les yeux sur une industrie du jeu parfaitement réglée pour alimenter notre désir de jouer. En effet, les machines sont programmées de telle manière qu’on gagne juste assez souvent pour créer un renforcement positif.
À voir absolument !