La compensation carbone, un leurre ?

La compensation carbone peut-elle apaiser les remords des adeptes de voyages de plus en plus conscients de l’environnement ?

Selon les récents sondages, la majorité des Québécois seraient enclins à changer leurs habitudes pour réduire leur empreinte écologique. Prêts à réduire leur consommation, à manger moins de viande, et à poser les bons gestes au quotidien comme la récupération et le compostage.

Cependant, pour les personnes qui ont le privilège de voyager en avion, voyager moins demeure un pas encore difficile à franchir, sachant pourtant que nos escapades pèsent lourd dans le bilan de nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour apaiser les remords des adeptes de voyages de plus en plus conscients, se présente alors la solution de « compenser » les GES générés par le vol ou la croisière.

Qu’est-ce que la compensation carbone?

L’idée est de calculer la quantité de CO2 émise par le déplacement, puis de compenser en payant pour la plantation d’arbres, qui vont capter une quantité équivalente de CO2 pendant leur durée de vie. Certains organismes offrent aussi des crédits carbone contribuant à des projets scientifiques ou éducatifs, qui peuvent être intéressants. On peut également compenser l’empreinte d’un événement, de ses déplacements en auto, ou son empreinte carbone annuelle totale.

Est-ce efficace?

Oui. L’arbre, par le processus de photosynthèse, séquestre le carbone de la molécule de CO2 et rejette l’oxygène, nécessaire à la vie humaine. La compensation carbone, est-ce un leurre ? C’est avec ce carbone qu’il crée l’énergie et la matière lui permettant de croitre tout au long de sa vie.

Mais attention! Pour séquestrer la quantité de CO2 promise, cet arbre doit être en vie pendant 100 ans, ne doit pas être victime d’exploitation forestière ou de feu de forêt, ni de maladie ou d’insectes ravageurs. Il s’avère que ces conditions réunies se font de plus en plus rares. Il est donc important de faire affaire avec des organismes fiables et certifiés, comme PlanetAir, Carbone Boréal  ou Carbone ScolÈre qui assurent un suivi des arbres plantés.

Est-ce que ça compense?

Non. Les GES émis pendant votre vol sont réels et immédiats, et contribuent au dérèglement climatique et au réchauffement des océans dès maintenant. De plus, ils resteront dans l’atmosphère des dizaines, voire des centaines d’années, et c’est l’accumulation de ce surplus de GES qui perturbe le climat. L’arbre planté aura, dans les meilleures conditions, capté la même quantité de GES, mais sur une période de 100 ans, et très peu pendant les 20 premières années.

Il faut savoir que les scientifiques du climat affirment que pour conserver des conditions viables sur la planète, on doit diminuer de moitié nos émissions de GES d’ici 2030. Et ça, c’est demain matin!

En somme, la plantation d’arbres est un geste très positif, tout comme les dons à des organismes environnementaux et l’engagement citoyen, lorsqu’on a à cœur l’avenir de nos enfants et petits-enfants.

Mais la compensation devrait être utilisée pour les GES que nous n’avons pas le choix d’émettre, par exemple pour se déplacer au travail. Pour le reste, il vaudrait mieux réduire à la source, puisqu’il n’y a pas de moyen d’effacer nos GES. Même les technologies de captage n’en sont encore qu’à leurs balbutiements et ne réussissent qu’à prélever d’infimes quantités.

La carboneutralité des entreprises, de la fausse publicité?

On voit de plus en plus d’entreprises afficher leur carboneutralité ou leur engagement à devenir carboneutres. Méfiez-vous, car la grande majorité des programmes de carboneutralité reposent sur la compensation et peu sur la réduction. Il est impossible de produire un vêtement ou un appareil électronique de façon industrielle à l’autre bout du monde sans émettre de grandes quantités de GES, considérant l’extraction, la fabrication, l’emballage et le transport. Soyez une personne avertie, demandez quelle est la portion réelle réduite par rapport à celle qui est compensée.

Il n’y a pas de magie. La sobriété s’impose comme moyen de diminuer son empreinte environnementale, dans les voyages comme dans les achats. Compenser c’est bien, mais réduire c’est mieux.

Doit-on arrêter de voyager ?

Décision difficile lorsqu’on arrive à la retraite et qu’on a économisé pour voir du pays. Une piste intéressante pour diminuer la quantité de voyages internationaux : planifier un séjour sur deux dans une région du Québec. Il y a de nombreuses façons de se dépayser ici, le Québec proposant de beaux décors de mer et de montagne. De plus, l’offre d’événements et de festivals internationaux est impressionnante, présentant les musiques, films, mets et cultures de partout.