Faire la différence, façon Francine Charbonneau

Jeudi 19 juillet, 17 h 30. La maquilleuse, le photographe et moi entrons dans le bureau du cabinet de Montréal de la ministre responsable des Aînés, Francine Charbonneau. L’accueil est cordial en cette nième rencontre de sa longue journée. Habituée que soient écourtés de tels entretiens avec des politiciens, je m’enquiers du temps dont nous disposons. « Du temps qu’il faudra », répond-elle, tout simplement. Les 90 minutes passées avec elle seront à l’avenant, fous rires et confidences inclus.

Bien que son visage et son nom soient encore méconnus, cette situation risque de se corriger rapidement étant donné les multiples fonctions que Francine Charbonneau cumule depuis avril : ministre de la Famille, ministre responsable des Aînés, de la Lutte contre l’intimidation et de la région de Laval, en plus de son rôle de députée de Mille-Îles, qu’elle occupe depuis 2008.

Forum sur l’intimidation, maltraitance, maintien à domicile et autres, elle prend tous les sujets qui touchent les aînés avec sérieux, mais ne se prend pas au sérieux. Celle dont le premier métier a été coiffeuse – son ferme refus qu’on touche à sa frange blonde lors de la séance de photos en fait foi ! – et qui a entre autres présidé la Commission scolaire de Laval avant de se lancer en politique provinciale, illustre volontiers ses propos à l’aide d’anecdotes personnelles. Et elle a le choix, étant la 2e d’une famille de sept filles, ayant trois enfants et deux petits-enfants.

De nombreuses rencontres intensives avec les principaux acteurs des dossiers touchant toutes les étapes de la vie, dont une avec le Réseau FADOQ, lui ont servi d’essoufflante introduction à ses nouveaux défis. Maintenant bien en selle, elle parle et parle encore de ces enjeux qui la passionnent et la fascinent. Et si elle accepte de « mettre sa face sur les poteaux », c’est qu’elle croit fermement qu’elle peut infléchir le cours des choses. Voici comment.

Consultation et Forum sur l’intimidation

Premier chantier d’envergure porté par Francine Charbonneau : le Forum sur la lutte contre l’intimidation, le 2 octobre, qui se fera sous invitation mais est assorti d’une consultation Web à laquelle tous les citoyens peuvent participer jusqu’au 30 novembre, au mfa.gouv.qc.ca

« Cette consultation n’a pas pour but de recueillir des témoignages, mais de prendre l’opinion des gens sur l’intimidation, comment ils la reconnaissent, quels gestes devraient être posés par le gouvernement et le rôle que les citoyens sont prêts à jouer pour la contrer », résume la ministre.

Le but ultime est de trouver le lien entre tous les types d’intimidation, un fléau qui n’a pas d’âge. « Il y a le moment où je t’intimide et le moment où je passe à autre chose et je te frappe. Si on arrive à agir avant, peut-être que moins de gens vont basculer de l’autre côté de la fine ligne et commettre des gestes malheureux », confie Francine Charbonneau, qui invite les aînés, « grands sages » de la société, à se prononcer massivement sur ce sujet délicat.

Maltraitance

Si l’accent est mis sur l’intimidation, est-ce qu’on cessera de parler de maltraitance envers les aînés ? La ministre assure que non, d’autant plus que la lutte à l’intimidation portera ses fruits en matière de maltraitance. « On veut que les aînés reconnaissent la maltraitance, comprennent qu’ils ne sont pas obligés de la tolérer et agissent en la dénonçant. »

D’ailleurs, le gouvernement du Québec veut présenter à brève échéance le projet de loi sur la maltraitance qu’il avait d’abord déposé en octobre 2013 et qui comportait notamment un système de signalement des actes d’abus.

Vieillir et vivre ensemble… chez soi

Pressé de remettre les choses « à leur place », le gouvernement libéral avait d’emblée « enlever les aînés de la santé pour les remettre là où ils ont implanté leurs racines, dans la famille ». Il veut aussi retirer de sur la tablette où elle s’est retrouvée pendant 18 mois la politique Vieillir et vivre ensemble – chez soi, dans sa communauté, au Québec.

Le « chez soi » du titre de la politique prendra d’ailleurs toute son importance, promet la ministre. « Permettre à un aîné de rester plus longtemps à la maison, c’est investir dans sa santé physique et mentale, dans son sentiment d’appartenance, etc. Les gens nous indiquent clairement que c’est leur souhait et nous tenterons de faire plus en ce sens. »

En cette période où les gestes politiques éclatants se font rares, elle croit aux petits gestes, lesquels font écho au contrat social en faveur d’une qualité de vie adéquate pour les aînés proposé par le Réseau FADOQ, que le parti libéral a signé il y a près d’un an, tout comme les trois autres partis politiques présents à l’Assemblée nationale.

Inspirants, mais…

Elle-même une jeune aînée de 52 ans, elle s’enchante de voir les 50+ se tenir en forme et participer pleinement à la société. De les voir donner de leur temps pour d’autres aînés, comme le font les bénévoles des popotes roulantes. Pour elle, la façon dont les aînés se redéfinissent est belle et inspirante.

Mais le tableau est loin d’être parfait, ajoute-t-elle en donnant l’exemple de l’appauvrissement des aînés. « Il va falloir qu’on se pose des questions en tant que société. Si on est capable de faire des programmes pour les études des jeunes et des services de garde pour les enfants, il faut aussi s’occuper des aînés. »

Jamais le dimanche soir

Très dévouée, Francine Charbonneau n’est toutefois jamais disponible les dimanches soir, moment consacré à son mari, à ses trois grands enfants âgés dans la vingtaine et à ses deux adorables petits-enfants, ex æquo au palmarès des merveilles du monde.

Ainsi, bien qu’elle adore la vie trépidante qui est le sienne, sa présence dans le feu de l’action et la possibilité d’intervenir directement pour améliorer le sort des Québécois, il y a des fois où elle se dit, à micros fermés : « Dieu merci, il y a les dimanches soir ! »

Photo : Bruno Petrozza – Maquillage : Véronique Prud’homme