Quand devient-on vieux?

Quand devient-on vieux? Il fut un temps où l’on était vieux quand on avait les cheveux blancs, que l’on prenait sa retraite et endossait son premier chèque de pension de vieillesse, tout en se rapprochant dangereusement de la mort. Aujourd’hui, on est vieux quand… Même la phrase reste en suspens, car il y a mille façons de l’être, ou de ne pas l’être!

La vieillesse n’est plus ce qu’elle était. On n’a qu’à regarder autour de soi pour constater que plus on s’en approche, plus on la repousse. « Après 50 ans, ceux que l’on considère comme vieux ont dix ans de plus que soi, observe le Dr David Lussier, gériatre à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. J’ai rencontré des personnes de 80 ans qui refusaient d’aller vivre dans une résidence pour personnes âgées en disant que c’était “pour les vieux”. » Ironique? Peut-être, mais cette résistance parle du refus de s’identifier à une génération stigmatisée et près de son dernier souffle, alors que l’on se considère comme généralement plus jeune que son âge biologique.

Un nouveau troisième âge

Il y a 30 ans, Renée se souvient d’avoir consolé sa mère condamnée par un cancer en lui disant que mourir à 77 ans était dans l’ordre des choses, et qu’elle avait eu une bien belle vie. « J’ai aujourd’hui son âge et si j’ai eu une bien belle vie moi aussi, je suis loin d’être prête à me faire servir ce discours. J’ai bien sûr l’impression d’être vieille quand mes genoux me font souffrir, mais je me sens encore jeune quand je reçois des amis et qu’à minuit, je range la cuisine en écoutant Charlotte Cardin! »

Les études confirment un changement de perception face à l’âge, notamment avec l’espérance de vie qui s’allonge et ne permet plus de mettre toutes les personnes aînées dans le même panier. « Le troisième âge s’est fracturé en deux groupes, les « vieux-jeunes » et les « vieux-vieux », ouvrant la porte à un quatrième âge, où les signes du déclin sont plus évidents », constate le Dr Lussier.

Un nouveau troisième âge occupe donc maintenant l’espace de la retraite à la vieillesse. Il est rempli de femmes et d’hommes de 65 à 85 ans qui jouent au pickleball, voyagent en VR et recherchent des expériences ultimes pour nourrir les belles années qui leur restent.

La vieillesse ne serait donc plus tant une question d’âge, mais plutôt le regard que l’on pose sur le présent.

Affecté de temps en temps par des bobos sans gravité, Pierre, 69 ans,  définit la vieillesse comme un désintéressement devant les petites choses de la vie et devant la nouveauté. « C’est important de s’intéresser aux nouvelles musiques, aux nouveaux livres, aux nouvelles technologies. Pas besoin d’y adhérer ou d’aimer, mais conserver intacte sa soif de découvertes permet de regarder en avant et de continuer à avancer. »

Plus qu’un chiffre, malgré tout

Cependant, n’en déplaise aux optimistes, l’âge n’est pas qu’un chiffre. Car, peu importe qu’une personne soit en forme ou non, elle transporte dans ses bagages la somme des années vécues. 

Au fil du temps, la perte graduelle de capacités physiques s’inscrit dans une série de petits changements dont on peut s’accommoder. Moins de ski alpin après 55 ans, plus de fatigue après 65 ans à la suite d’une activité intense, et, à 75 ans, une petite seconde supplémentaire pour bien comprendre ce qu’on lit, ce qu’on voit.

Mais y a-t-il un âge critique dans le processus de vieillissement, un moment fondamental où la vieillesse nous saute littéralement dessus?   Selon le Dr Lussier, il y en a deux. « Autour de 75 ans, le vieillissement des cellules s’accélère, même s’il n’est pas nécessairement ressenti de façon claire. Après tout, 65 ans est le nouveau 55 ans, et 75 ans le nouveau 65 ans, donc on est généralement encore assez en forme à cet âge. Si la maladie n’est pas venue mêler les cartes, la deuxième étape cruciale se franchit à 85 ans. À partir de là, le corps devient plus fragile et sa résistance aux agressions extérieures est moindre. »

Enfin, Dr Lussier, quand est-on vieux? « Selon mes observations, c’est quand l’âge devient un facteur limitant et, donc, m’empêche de faire des activités significatives qui m’apportent du plaisir et la sensation d’être bien vivant. »

Et bien malin qui pourrait y associer un âge…