Janette Bertrand : « Mon petit-fils a 50 ans… »

À la veille de mes 100 ans, mon petit-fils, l’aîné de mes petits-enfants, celui à qui je chantais « C’est le petit Olivier à sa mamie », a eu… 50 ans. Encore aujourd’hui, je m’en vante et m’en félicite : j’ai la chance d’avoir eu ma fille Dominique à 23 ans, qui, elle, a eu son fils Olivier à 26 ans. J’avais donc à peine 49 ans quand je suis devenue grand-mère pour la première fois. Non, ce bout de chou ne m’a pas fait vieillir prématurément, il m’a plutôt fait revivre ma propre maternité. Et m’a peut-être aidée à vivre aussi longtemps.

Ce gros et grand bébé — 10 livres, on ne rit pas! — venait de sa mère et de son père, mais de moi aussi… Je sentais un lien très fort avec lui et j’ai compris Boucar Diouf qui, un jour, a comparé la famille à un arbre. Grâce à lui, je me suis toujours perçue comme un tronc d’arbre, dont mes enfants sont les branches, mes petits-enfants et arrière-petits-enfants, les feuilles. Olivier était la première feuille de ma première branche. Les femmes, quand leurs filles deviennent mères, ne font qu’une avec elles et c’est tout naturel. Ça s’appelle de l’empathie, l’art de se mettre à la place de l’autre. Aujourd’hui, avec le recul, je peux affirmer qu’à chaque nouvelle naissance, j’ai ressenti cette appartenance.

Des liens en béton armé

Je reviens à Olivier, premier de la lignée. Je me suis exclamée sur sa blondeur, sur ses frisettes, mais surtout sur ses sourires, sa drôlerie, sa tendresse. Quand le soir je l’endormais en lui chantant une berceuse, j’étais reconnaissante à Dominique. C’est un cadeau à vie qu’elle me faisait, merci. Avec le temps, on a tissé des liens Olivier et moi, des liens en béton armé.

On pourrait croire que le premier petit-enfant a pris toute la place dans mon cœur, eh bien non! Charles est né et je suis tombée en amour avec cet autre bébé tout blond, tout doux, le charme incarné. Et puis les autres feuilles ont poussé et j’ai ressenti pour chacune d’elles un amour durable, inaltérable, total, intemporel. J’étais jeune et en forme, et je dois avouer que ceux nés plus tard ont eu une grand-mère (et une arrière-grand-mère!) plus fatiguée, moins sorteuse, moins joueuse. Mais je garde toujours les enfants avec plaisir. Et quand je garde, c’est moi le boss! Je donne l’heure juste à l’enfant et aux parents, ça rend le gardiennage simple et cool.

Aujourd’hui, alors que j’ai huit petits-enfants et sept arrière-petits-enfants, on pourrait croire que les règles changeraient, mais non! Mon rôle est toujours bien clair : ne pas les élever, juste les aimer.

Janette et Olivier Bertrand.
Photo : Bruno Petrozza
Coiffure : Michel Desormeaux
Maquillage et Styliste : Jacques Lee Pelletier

Merci Olivier, ma plus vieille feuille…

Olivier, on a vécu ensemble de grands moments. Je me rappelle un certain Noël, tu cherchais un cadeau pour ta blonde et tu m’avais demandé de t’aider. Nous étions dans un centre d’achat et, soudain, tu m’as pris la main et on a marché tous les deux, main dans la main, comme quand tu étais tout petit. Un merveilleux souvenir pour moi. Et que dire de la fois où tu as pleuré dans mes bras alors qu’une rupture amoureuse t’avait déchiré le cœur. Je nous revois… Tes 6 pieds 2, 200 livres, calés dans mon 5 pieds 3, 130 livres. Je n’ai pas dit un mot, j’étais là pour toi. Et ce 31 juillet 2024, à tes 50 ans, tu as souhaité, comme chaque année, célébrer ton anniversaire avec moi, une chaleur à mon cœur.

Merci Olivier, ma plus vieille feuille.

Je sais que tu sais que tu peux compter sur moi, et pas juste pour applaudir tes succès. Je sais que tu sais que tes enfants sont aussi les miens; après tout, on fait partie du même arbre, un gros arbre aux branches solides et aux feuilles rutilantes. Un arbre fort.

L’arbre inclusif

J’entends souvent des adultes, des hommes surtout, me parler de leur grand-mère avec amour et avec des remarques flatteuses.

— Elle ne me juge pas.

— Elle m’écoute quand je lui parle.

— Elle ne me chicane jamais.

— Je peux compter sur elle.

— Elle ne bavasse pas dans mon dos.

— Elle prend le temps de jouer avec moi.

— Elle me prend au sérieux.

  Et les grands-mères me confient :  

— Il m’a redonné mon sens de l’émerveillement.

— Avec lui, j’ai retrouvé ma jeunesse; on rit, on s’exclame, on joue! 

— Il me garde jeune. 

— Je lui fais confiance.

Guy A. Lepage m’a un jour nommée, à son émission Tout le monde en parle, sa « grand-mère de remplacement ». Au début, j’ai trouvé étrange qu’un homme qui pourrait être mon fils veuille être mon petit-fils… Il est alors devenu dans mon cœur une feuille de mon arbre. Il existe entre nous ce lien, cette force indestructible, car une nouvelle feuille ne peut que renforcer l’arbre. Disons que j’ai l’arbre inclusif…!

Je me trouve chanceuse d’être grand-mère, ça me procure tant de plaisirs. Et si je vis si longtemps, c’est peut-être parce que mon arbre est fort de l’amour que l’on se porte tous, malgré les tempêtes.

Soit dit en passant, Olivier vient de m’appeler pour me dire qu’il est un nouveau membre FADOQ… sans blague!

La grande Janette, c’est mamie
Pour le Québec, Janette Bertrand est un monument. Pour Olivier, Janette est tout simplement mamie. Voici ce qu’il avait à nous raconter au sujet de sa célèbre grand-mère.  

« Mamie a toujours eu énormément d’énergie. Quand on allait la voir à la campagne, on savait qu’on n’allait pas là pour relaxer! Nous serions appelés à réfléchir, à discuter, et ce sur tous les sujets; il n’y avait aucun tabou. On pouvait tout aussi bien parler de sexualité, de relations interpersonnelles, d’éducation, tout y passait. Adolescent, parfois étourdi par toutes ces discussions, il m’arrivait de me demander pourquoi je n’étais pas né en Éthiopie au milieu du désert, plutôt que dans cette famille extrêmement engagée et motivée!

Mamie est une cheffe de clan. Elle a toujours eu comme préoccupation de garder notre grande famille unie, et ce désir a influencé la façon dont j’ai bâti mes propres relations avec les autres. Un de ses grands enseignements est de nous avoir montré comment on peut travailler sur ce qui nous unit, au lieu de ce qui nous sépare.

Notre relation a toujours été privilégiée, basée sur l’amour et le respect. Mamie, peu importe qu’elle soit la grande Janette, me demande parfois conseil et je la consulte aussi. Pour l’écriture de ses livres, elle me questionne souvent sur ma génération, et se nourrit d’ailleurs de la vie de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants. Cet échange est très précieux. »