Denis Bouchard et Guylaine Tremblay : faux couple, vrais complices

Vieillir ensemble en tant que comédiens. Voilà le privilège dont jouissent Denis Bouchard et Guylaine Tremblay, l’indissociable paire qui partage de nouveau la scène dans la pièce Fallait pas dire ça, des décennies après leur première collaboration. Virage a rencontré ce duo de « jeunes vieux » qui n’a rien d’un couple (d’amis) pantouflard.

Voilà plus de trois décennies que Denis et Guylaine se donnent la réplique en incarnant des amoureux à l’écran comme sur scène. À la télévision, ils ont campé des couples marquants dans les séries 4 et demi et Annie et ses hommes. Au cinéma, ils ont partagé l’affiche dans Testament, et au théâtre, dans la pièce Ça se joue à deux. Cette année, ils remontent sur les planches pour nous offrir une comédie de mœurs française qu’ils ont adaptée et mise en scène pour le Québec.

« C’est le seul couple qui a fonctionné dans ma vie », s’esclaffe le comédien de 71 ans, assis sur un divan à côté de sa partenaire de jeu lors de la présentation de leur plus récente création théâtrale.

« À l’époque d’Annie et ses hommes, plusieurs pensaient qu’on était en couple, se remémore Guylaine, 64 ans, concédant que leur relation a longtemps intrigué les gens. Comme on était tous les deux séparés, on allait dans les galas ensemble, par exemple. »

Or, malgré les rumeurs, ces chouchous du Québec n’ont jamais eu l’envie de se retrouver au lit ensemble. Même pas une p’tite nuite. Mais si leur relation a été chaste, elle n’a jamais été plate. Au contraire. Cette amitié entamée dans un bar montréalais lors de soirées bien arrosées a mené à une solide et fructueuse collaboration basée sur le rire et le plaisir.

C’était peut-être écrit d’avance. Après tout, les deux sont nés le même jour et à la même heure. « Mais pas la même année! », s’exclame Guylaine en riant. « J’ai joué avec lui à 30, 40, 50 et 60 ans, et j’espère que je le ferai encore à 70 ans, poursuit-elle. C’est un privilège de pouvoir compter sur un partenaire de jeu que tu connais depuis longtemps, quelqu’un qui te sécurise, qui te pousse à aller plus loin. C’est précieux. »

Denis hoche la tête. « Nous, on est deux jeunes vieux qui continuent de développer une complicité. »

Sortir de leur zone de confort

Leur complicité aura sans doute été un atout durant le long processus de création de leur plus récente pièce. Denis et Guylaine y incarnent Normand et Diane, un couple qui loue un appartement à Montréal pour souligner ses trente ans de vie commune. Le hic? Le logement réservé via une plateforme numérique est loin de correspondre à ce qui leur avait été promis. Il n’y a pas de meubles, la vue est affreuse, et le bruit est dérangeant. Bref, ils se sont fait avoir.

« Ils sortent alors de leur zone de confort et deviennent vulnérables », explique Denis. Le couple qui s’aime toujours, mais qui est confronté aux doutes et à l’usure normale du temps, se met alors à jaser. Cette conversation, d’abord anodine, mène à des confessions et à des révélations de tous genres. Elle regarde de la porno, il traîne des condoms sur lui… Politique, argent, enjeux sociaux, famille, amour et sexe : tout y passe.

« Après 30 ans, tu penses connaître ton conjoint, puis tu découvres qu’il reste encore plein de zones d’ombre. Diane et Normand sont venus faire la fête, mais finalement, ils vont faire le ménage dans leur vie et se poser la vraie question : “On continue ensemble ou pas?” »

Voilà une pièce qui risque de faire jaser dans les chaumières après la tombée du rideau.

Allumer l’autre

Et dans la vraie vie, Denis et Guylaine ont-ils fait le tour du jardin? « Je pense qu’on se surprend encore, répond la comédienne. Quand on joue, on est encore capables d’allumer l’autre. »

Denis acquiesce. « On n’est pas un vieux couple dans ses pantoufles, au contraire! Je sais que je peux aller quelque part, puis qu’elle va me suivre. C’est cette sérénité, cette sécurité, qui nous permet encore de prendre des risques. »

« C’est l’avantage de vieillir ensemble en tant qu’acteurs », explique Guylaine. « Vieillir, ce n’est pas nécessairement un naufrage, poursuit-elle. Ça peut signifier avoir plus de temps pour explorer, pour essayer, pour se faire plaisir. » Dans cette pièce, cela se traduit par des moments d’improvisation entre ces deux bêtes de scène qui, comme de vrais pros du jazz, s’amusent à se mettre au défi, à se permettre des envolées et à « rester vivants dans le jeu ».

À quatre mains

Justement, leur relation spéciale a servi de catalyseur à la rédaction à quatre mains d’une biographie qui devrait sortir vers la fin de l’été.

« Dans notre livre, on revient sur nos parcours, explique Denis. Elle ne vient pas du milieu culturel, moi non plus. Comment est-on devenus acteurs? Comment nos chemins ont-ils fini par se croiser? »

« Je commente parfois ce qu’il écrit, et vice versa, renchérit Guylaine. On se rend compte que la vie passe et qu’il y a des choses auxquelles on n’a pas pensé depuis 20 ans. Et pourtant, elles ont été déterminantes. C’est un beau processus. »

La pièce Fallait pas dire ça est présentée cet été à Montréal (LaSalle), du 4 au 12 juillet, puis les 29 et 30 août, à Gatineau, du 17 au 26 juillet, et à Saint-Hyacinthe, du 31 juillet au 16 août. Elle partira ensuite en tournée à travers le Québec. Des représentations sont prévues jusqu’en avril 2026.

Fallait pas dire ça
D’après une pièce de Salomé Lelouch
Mise en scène et interprétée par Denis Bouchard et Guylaine Tremblay
Pour en savoir plus et acheter des billets : agentsdoubles.ca/ad/fallait-pas-dire-ca/