Ces albums qui traversent les époques

Pensez au film de votre vie. Quelle en serait la bande sonore ? Dans la foulée du 50e anniversaire de la sortie de The Dark Side of the Moon, Virage vous a demandé de lister les albums qui traversent les époques, ces disques mythiques qui vous ont fait vibrer. Signe qu’il y a bien des mélomanes parmi vous, vous avez été nombreux à répondre à notre appel à tous lancé dans l’infolettre de mars. En rafale, quelques extraits.

« L’Heptade d’Harmonium », répond Denis Vézina dans un courriel. Se remémorant sa jeune vingtaine, il évoque une « musique planante » qui lui rappelle « les magnifiques levers de soleil sur les Plaines (en bonne compagnie) » et le temps passé sur « la route de Québec à Rivière-du-Loup ».

« J’étais en voyage au Guatemala lorsque j’ai rencontré un autre voyageur, raconte pour sa part Michel Labrie. Il jouait de la guitare et nous discutions des récentes sorties d’albums. Nous avons parlé de [Bob] Dylan et il a interprété One More Cup of Coffee. Un coup de foudre avec la toune. Au retour, je me suis procuré ce long jeu (Desire) et depuis, je l’écoute régulièrement: sur disque, puis sur CD, et aujourd’hui, sur YouTube. »

Voyage (auditif) dans le temps

Depuis près de 40 ans, Michelle Lahaie écoute deux albums en particulier. D’abord le disque éponyme Beau dommage : « Il me rappelle une année de bonheur avec mon nouvel amoureux ». Puis, Jonathan Livingston Seagull de Neil Diamond: un enregistrement qui « incite à une profonde méditation spirituelle ».

C’est à 15 ans, grâce au disque Ummagumma, qu’Alain Turcotte a découvert Pink Floyd: un groupe qu’il écoute « toujours avec intérêt et amour dans les moments agréables, mais aussi difficiles de la vie ». D’autres se sont ajoutés au fil des ans : Genesis, Jethro Tull, Led Zeppelin… De la musique qui le rend « toujours heureux et jeune ».

Who’s next de The Who est un album qui ne se démodera jamais, fait valoir Donald Belzile. « À cette époque, je pensais être un des rares à aimer ça, mais rapidement mes chums se sont ralliés et 50 ans plus tard, il joue toujours lors de nos partys musicaux. »

« Abbey Road a marqué mon adolescence, raconte Danièle Gobeil. J’ai toujours espionné mon grand frère pour entendre ce qu’il faisait jouer sur son système de son et c’est ainsi que j’ai découvert les Beatles. Je lui ai dérobé son album et je l’ai écouté des centaines de fois, au grand dam de mes parents ! Je l’écoute encore quelques fois par année, sans me lasser de sa célèbre finale sur laquelle je joue du air drum ! Que du gros bonheur ! »

« Crime of the Century de Supertramp est l’album qui a marqué ma jeunesse lorsque j’étais à l’école secondaire », se souvient Daniel Gosselin.

Donald Ruest opine. « Du fait de sa musicalité impressionnante teintée de rock et de blues, Crime of the Century est presque égal à The Dark Side of The Moon. Pour compléter son trio d’albums mythiques : The Lamb Lies Down On Broadway de Genesis, « un délice musical », et Every Good Boy Deserves Favour des Moody Blues, « un bel album de rock progressif à découvrir ».

Les passionnés

Marcel Houle nous a fait parvenir une liste de près de 45 albums qui ont « marqué les différentes étapes de [sa] vie, à partir de l’adolescence jusqu’à aujourd’hui ». Faute d’espace, impossible de les nommer tous ici. Notons néanmoins In The Court Of The Crimson King, « un grand classique de mon époque cégep […] qui sonne comme une tonne de briques dans un système audio de qualité », The Dark Side of the Moon, « j’ai assisté à sa présentation au Forum de Montréal en 1973 », et la discographie de Joni Mitchell, « un grand regret: ne l’avoir jamais vue en concert ».

Impossible aussi de publier l’entièreté de la liste proposée par Alain Renaud, sur laquelle figurent notamment Abbey Road, Let It Be, Jesus Christ Superstar, Simon and Garfunkel : The Concert in Central Park, Beau Dommage et L’Heptade. « À la fin de mon adolescence, le disco s’installait comme une tendance musicale. Donna Summer, une chanteuse d’opéra convertie dans ce style, m’a beaucoup marqué. Son album I Feel Love sorti en 1977 a vraiment mis le ton pour faire du disco une sonorité musicale acceptée. »

ALBUMS MYTHIQUES: POURQUOI?

Certains albums sont oubliés facilement, d’autres traversent les époques et deviennent carrément mythiques. Pourquoi ?

L’innovation musicale, le contexte social, la popularité de l’artiste et l’impact du disque à sa parution ont tous leur importance, explique Danick Trottier, professeur de musicologie et directeur du département de musique de l’UQAM.

Il faut aussi souligner que la musique est intimement liée au récit personnel de chacun. « La musique a le potentiel de s’insérer dans la vie des gens, explique Danick Trottier. Elle est évocatrice de souvenirs, de conscience de soi. Elle accompagne les expériences initiatrices. »

 En d’autres mots, les musiques qu’on a écoutées à certains moments clés de nos vies, lorsqu’on a vécu des choses importantes ou intenses, vont résonner de façon plus forte et plus durable. Les musiques les plus populaires du moment vont statistiquement avoir plus de chances d’être dans nos références individuelles, dans notre propre bande sonore. Au passage des décennies et des générations, les œuvres citées dans les classements des albums historiques vont changer, remplacées par des disques plus récents.

 « Souvent, on me demande pourquoi ce sont toujours les mêmes disques des années 60, 70 et maintenant 80. Attention, il y a 20 ans, les années 80, on en parlait peu. Aujourd’hui, on en parle… »

Metallica qui remplacerait Led Zeppelin, par exemple?