« Voyager, c’est aller vers l’autre »  

Yves P Pelletier nous présente Déboussolé, un récit autobiographique dans lequel le membre de RBO aborde les expériences de la vie comme des voyages : ceux qu’on fait en se déplaçant à l’étranger, en allant à la rencontre des autres ou en accompagnant un être cher vers sa dernière destination.

Un rêve réalisé

Déboussolé (VLB Éditeur, 224 pages, 24,95 $) relate le parcours et les souvenirs du membre du célèbre groupe Rock et belles oreilles (RBO), Yves P Pelletier. « « Déboussolé » s’entend au sens figuré, nuance-t-il. Durant ma jeunesse, je n’avais pas d’itinéraire. Je raconte cette période sur un mode amusant, divertissant et avec beaucoup d’autodérision. »

« J’ai été privilégié, poursuit-il. J’ai rencontré des gens extraordinaires. Lors d’un voyage ou dans la vie, être ouvert à ce qui se passe, se laisser porter au gré du vent, procure une grande liberté et permet à certaines choses de se manifester. J’ai été très chanceux. J’ai été aimé, j’ai rencontré la gang de RBO à l’université et nous avons réussi à faire carrière ensemble. Chacun d’entre nous, de manière individuelle, n’aurait jamais pu faire ça. Ça m’a permis de faire des choix personnels et, parmi eux, le voyage a été très important. Dès que j’avais un moment libre, je partais. Sans itinéraire. »

Depuis son plus jeune âge, Yves a voulu voyager. « Je suis un enfant de l’Expo 67, j’ai lu Tintin, explique-t-il. Enfant, je faisais des recherches sur les pays. Je m’imaginais même devenir correspondant à l’étranger ou peut-être même, géographe… jusqu’à ce que je comprenne que si j’empruntais cette avenue, j’allais devoir enseigner. Depuis toujours, j’ai voulu voyager. C’était mon rêve. »

Premier grand voyage : l’Europe en 1981. « Lors de ce voyage, j’ai rencontré des gens avec qui je suis toujours en contact, dit-il. Ils font encore partie de ma vie. J’aime les musées, les paysages, mais à la base, j’aime le contact avec les gens. Peu importe où on est sur la planète, les familles sont semblables, nos vies se ressemblent souvent plus qu’on pourrait le croire… Puis, dans le cadre des tournées avec RBO, j’ai fait le tour du Québec. Découvrir chaque coin, rencontrer les gens, c’était aussi stimulant pour moi que de monter sur scène. »

Cette soif de voyage semble s’être atténuée avec l’arrivée de la COVID-19. « Actuellement, voyager ne fait pas partie de mes rêves, admet-il. J’attends que les choses se stabilisent. Pendant la pandémie, j’ai sillonné la ville de Montréal, surtout ses ruelles. »

Deux deuils importants

Dans le livre, Yves raconte le décès accidentel de son frère alors qu’il était en Europe avec RBO. « Les choses débloquaient pour nous, dit-il, alors ça été une grande tragédie dans un moment de grande joie. J’avais 23 ans. C’est une période où l’on se sent invincible. C’était mon jeune frère et la dernière personne que j’avais imaginé perdre… Je n’avais pas une grande expérience de la vie. J’ai vécu les choses d’une manière instinctive. Pour moi, ça été très clair : ma vie et celle de ceux qui m’entouraient était fragile. Ce moment m’a complètement défini, entre autres par la perte de l’innocence. Je me suis rendu compte de la fragilité de notre destin. J’ai compris que je ne savais pas combien de temps j’allais passer sur cette terre, alors j’ai fait en sorte de la découvrir le plus vite possible… Je ne voulais pas attendre à ma retraite. »

Le livre se conclut sur la mort de la mère d’Yves, une autre forme de voyage dans la présence, l’écoute, l’accompagnement. « Lorsque notre mère était à l’hôpital, ma sœur et moi l’avons accompagnée, se souvient-il. C’est un deuil qui s’est étiré sur des mois. Elle avait décidé de mettre fin à ses traitements. Elle nous a raconté sa vie dans les moindres détails. Elle a été d’une extrême générosité. Ça été un beau legs. Elle nous a aussi questionnés sur nos vies. Ça été une belle expérience… dans une chambre d’hôpital. Encore aujourd’hui, même si c’est le voyage le plus triste que j’ai fait, ça reste le plus beau. Voyager, c’est aller vers l’autre symboliquement. Et l’autre peut parfois être à deux pas… »

Il relate qu’il n’y a pas eu de surprise ni d’effet dramatique au sujet de ce départ. « C’est une autre perspective sur la façon de terminer ses jours. Personnellement, je compose bien avec le fait de vieillir. Je n’ai pas peur de mourir. La fin est inexorable. Je ne veux pas m’angoisser ni me triturer l’esprit avec ça. Ceci étant dit, je ne suis pas celui qui se met en danger, même en voyage. Je suis plutôt du type Dora l’Exploratrice. Je reste prudent », dit celui qui anime avec plaisir Dans tous les sens, le dimanche matin de 10 h à 12 h sur les ondes de ICI Musique.

Photo : Julia Marois