Le monde change. Son corps aussi… À 55 ans, Stéphane Fallu nous parle avec candeur et lucidité (et un brin d’humour) de l’impact des années qui s’ajoutent au compteur et de notre société en pleine période de transformation. Pour ne pas se métamorphoser en « vieux chialeux », dixit l’humoriste, la faculté d’adaptation est essentielle. Ça tombe bien, car l’adaptation, ça le connaît!
Au fil des ans, Stéphane Fallu a trouvé sa place au sein d’un métier où il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. On a vu l’animateur à la barre de Refuge animal pendant huit saisons, il coanime Sur le pouce à Zeste, mais avec Assumé, son nouveau spectacle, l’humoriste nous propose du stand-up dans la plus pure tradition. « Avec ce spectacle, je suis plus assumé que jamais, avoue-t-il. Ces dernières années, on s’est excusé de beaucoup de choses. Nous avons beaucoup évolué. Nous avons la responsabilité de rester ouverts. Je suis de la première génération à s’être adaptée au changement. Celle de mon père ne l’a pas fait. Encore aujourd’hui, certains ne relèvent pas le challenge. Pourtant, il y a eu tellement de changements positifs. Mes rapports avec les enfants, le travail, ma blonde sont différents. J’aborde tous ces thèmes sous l’angle de l’humour. Entre l’homme que j’étais et celui que je suis aujourd’hui, c’est deux mondes. Et honnêtement, je préfère celui que je suis devenu. »
L’humoriste croit que le fait d’avoir eu deux enfants sur le tard le garde ancré dans son temps. « J’avais la quarantaine lorsque je suis devenu père, confie-t-il. Je ne peux pas devenir un vieux chialeux : mes enfants me le reprocheraient! Dans mon spectacle, je parle aussi des changements qu’on n’a pas le choix de faire si on ne veut pas vieillir seul. Le défi d’être en couple à 55 ans n’est pas le même qu’à 30 ou 40 ans. Il faut se tenir en forme, faire attention à soi. Vieillir n’est pas désagréable, mais ce n’est pas la plus belle chose au monde non plus… »
Pour ne pas empirer
Pour l’humoriste, la cinquantaine n’a rien changé à sa vie, mais ses 55 ans se font sentir. « Mes cheveux sont devenus gris, laisse-t-il tomber. Tous les morceaux que je croyais solides ont relâché un peu. Je joue au hockey, je m’entraîne trois fois par semaine, mais ça ne change plus grand-chose : je le fais pour ne pas empirer… Il y a eu des remises en question, notamment en ce qui touche les amitiés. Vieillir implique un certain ménage dans nos habitudes. Il faut faire des mini-deuils et renoncer à ce qui n’est plus pour nous. Par exemple, je ne peux plus me coucher tard. Il m’arrive de me coucher à 9 h 30 le soir et me sentir profondément heureux d’être dans mon lit! Je ne dis pas que c’est plus le fun, mais je n’ai pas le choix… Il faut apprécier ce qu’on a au lieu de songer à ce qu’on n’a plus. »
N’en demeure pas moins qu’à 55 ans, il a des « comportements de vieux monsieur », soutient-il. « Par exemple, il m’arrive d’entrer dans une pièce en me demandant ce que j’étais venu y chercher… Plus je vieillis et plus je raconte ce que je fais avec beaucoup trop de détails. J’ai besoin d’un agenda pour ne pas oublier mes rendez-vous. Quand ça m’arrive, je sais pourquoi : trop de fatigue, trop de cellulaire. En vieillissant, il faut tenir son cerveau occupé, nous dit celui qui a reçu un diagnostic de TDA (trouble déficitaire de l’attention) sur le tard. Apprendre que tu es vulnérable, ça amène de gros changements… »
Une maison qui porte son nom
Compte tenu de son parcours, Stéphane a de quoi être fier de son histoire. Enfant de la DPJ, une famille l’a accueilli à l’âge de six ans après qu’on l’ait trimbalé dans quatre familles d’accueil, sans compter les oncles et les tantes qui avaient prêté main forte. Cette famille, c’est ce qui a fait toute la différence dans sa vie. « Il y a eu aussi des intervenants qui m’ont donné un coup de main. Ce n’était pas un milieu sain, se rappelle-t-il au sujet de sa famille d’origine, mais je n’ai pas vécu d’abus. Je crois que j’avais une certaine résilience. Elle faisait partie de moi. Plus jeune, j’avais beaucoup de violence en moi : je me battais constamment. Puis, la violence s’est transformée en résilience. Je suis devenu plus calme. Heureusement, car je n’aurais pas réussi ce passage. Quand on vit ce genre de situation, il faut accepter ce qui nous arrive, regarder en avant et non en arrière, mais c’est plus facile à dire qu’à faire… »
Engagé pour la cause des jeunes de la DPJ, l’humoriste a contribué à mettre sur pied une maison qui porte son nom et qui vient en aide aux garçons qui, trop souvent, se retrouvent à la rue à leur sortie des centres jeunesse. « Nous sommes à ouvrir une aile pour les filles de 17-18 ans qui sortent de la DPJ, dit-il fièrement. Beaucoup se retrouvent dans des familles malsaines ou avec un mauvais chum. Selon les statistiques, il y a plus de gars dans la rue, mais les filles vivent plus de violence. Je suis donc heureux qu’on puisse avoir ces maisons. C’est une belle cause, mais ce n’est pas la plus sexy, j’en conviens. J’ai choisi celle qui me touche personnellement et qui fait une différence dans la vie des jeunes. Leur vie n’est pas parfaite, mais ils se trouvent des jobs et partent en appartement. »
Toujours humble face à son parcours, Stéphane ne se voit pas comme un exemple pour ces jeunes. « J’ai bien tourné, c’est vrai, mais je ne suis pas avec eux au quotidien. Les vrais exemples pour eux, ce sont ceux et celles qui sont sur place, qui écoutent leurs joies et leurs peines. Au Québec, conclut-il, nous aimons les institutions. Nous ne travaillons pas beaucoup en prévention alors que plus tôt on peut agir, mieux c’est. »
Nos remerciements au café N Latté à Longueuil qui nous a accueillis gracieusement pour la séance photo.
Pour en savoir plus sur le spectacle Assumé, on se rend au stephanefallu.com, et pour la Maison Stéphane Fallu, au posasdm.com/maison-stephane-fallu. On suit l’humoriste sur les réseaux sociaux.