Sophie Thibault : « Je n’avais aucun plan de carrière… »

Lorsqu’elle s’est lancée en journalisme, Sophie Thibault n’avait pas de plan de carrière, ni même d’aspirations bien définies. Aujourd’hui, elle anime le bulletin de nouvelles le plus regardé au Québec. Retour sur une carrière aussi surprenante qu’inspirante.

En 2002, Sophie Thibault écrit l’histoire en s’assoyant dans un fauteuil occupé jusque-là par des hommes. Sa nomination à la barre du TVA de 22h est alors chaleureusement saluée; c’est la première fois qu’une femme assume seule un poste du genre au Québec. Pourtant, comme elle l’explique à Virage, Sophie Thibault n’a jamais entretenu ce genre d’aspirations.

« Initialement, je voulais devenir psychologue. J’ai raté ma vocation! », s’exclame en riant celle qui est détentrice d’un baccalauréat en psychologie.

« Comme ça ne fonctionnait pas à la maîtrise, mon père, qui était en information, m’avait suggéré d’essayer le journalisme. J’ai fait mon certificat et ça été une révélation! J’ai ensuite étudié à Promédia et c’est grâce à Pierre Dufault si je suis entrée à Télé-Métropole. À l’époque, je n’avais aucun plan de carrière… J’ai grandi dans l’entreprise, presque malgré moi. Je n’ai rien fait pour en arriver là…»

Le talent n’a pas d’âge

À l’automne 2022, la direction de TVA renouvelle son mandat de confiance en lui proposant d’occuper l’un des sièges les plus convoités dans les médias : celui du bulletin de TVA de 17h, en remplacement de Pierre Bruneau. Non seulement cette nomination était des plus méritées, mais on lançait un message fort en choisissant une femme de 61 ans.

« C’est mon patron qui est venu me chercher, admet Sophie. En femme vieillissante que je suis, je me disais qu’on allait miser sur des plus jeunes. Je ne me voyais pas à ce poste. Je suis arrivée ici en 1988 alors qu’il y avait encore des machines à écrire… Je vois un lien à faire avec mes insécurités de femme. Deux ans après mon arrivée ici, on m’avait offert le 23h aux côtés de Jacques Moisan et j’avais refusé. Je me disais que j’avais des croûtes à manger. Je suis convaincue qu’un homme aurait accepté. »

Selon elle, cela s’explique en grande partie par la confiance affichée par les hommes : « J’espère que nos filles seront un peu plus confiantes. Le syndrome de l’imposteur ne doit pas se conjuguer qu’au féminin! » Changement de rythme Habituée au créneau de fin de soirée depuis deux décennies, Sophie Thibault a dû s’adapter sur le plan personnel, admet-elle.

« J’avais mes habitudes. Durant la journée, j’avais le temps de régler bien des détails concernant, entre autres, la maison. Maintenant, mes journées sont consacrées au travail… et ça se poursuit le soir, car je regarde ce que font mes collègues. L’actualité ne prend pas de pause. Par contre, j’ai maintenant un horaire de quatre jours. J’ai plus de temps pour me déposer. Ce poste est fabuleux. J’ai une heure et demie de bulletin, de grandes entrevues, des événements importants: c’est le rêve! Je m’implique beaucoup et je suis entourée d’une super équipe. En plus, j’ai du temps et je soupe à la maison… »

Cocher sa bucket list

Parce que le temps file, la cheffe d’antenne se questionne sur ses rêves à réaliser. « Ces temps-ci, je regarde ce que j’ai couché sur ma bucket list, confie-t-elle. Je rêvais de voir Bora Bora et Tahiti. Je m’embarquerai donc pour la Polynésie française prochainement. Ce n’est pas dans 20 ans que je pourrai faire ça. Je compte par été. J’ai 62 ans et selon toute vraisemblance, il me reste 18 étés… si je suis chanceuse. Mon père est mort à 84 ans, ma mère à 80 ans. Pour moi, cela marque une certaine finalité, quoique certains ont une bonne génétique et vivent plus longtemps. Mais dans ma tête, il y a une limite. À cause de l’âge, je me sens obligée de passer à la deuxième vitesse… »

Cette prise de conscience l’incite-t-elle à ralentir ou à songer à la retraite ?

« J’y pense, c’est sûr, mais je ne me vois pas faire ça maintenant. J’ai trop de plaisir pour envisager la retraite. Je ne me vois pas arrêter complètement. Je m’imagine sortir du rythme quotidien qui est épuisant, mais continuer à faire de la photo, peut-être même de la consultation auprès de TVA si on veut bien de mes services. Je pourrais, entre autres, former des plus jeunes. »

En décembre dernier, deux décès ont assombri l’existence de Sophie. Ces départs l’auraient-ils amenée à vouloir profiter encore plus de la vie ?

« Je n’ai jamais eu besoin de ça, dit-elle sans l’ombre d’une hésitation. Depuis que je suis haute comme trois pommes, avec une mère malade, j’ai développé le goût de croquer dans la vie et c’est ce que je fais depuis que je suis jeune, seconde après seconde. Chez moi, c’est un état perpétuel… »

« La photographie me sauve »

Passionnée d’information, la cheffe d’antenne vit au rythme de l’actualité. Elle s’offre néanmoins des parenthèses au cœur de la nature, appareil photo à la main.

« La photographie me sauve !, dit-elle. Ça me prend cet ancrage, cette respiration. Quand j’ai des périodes très intenses, je m’ennuie de prendre mon appareil, d’aller à la chasse aux pixels. J’ai une chaîne YouTube (@sophiethibault6594) où je fais de petites présentations. Pendant la pandémie, j’ai publié des photos. Je sentais que les gens en avaient besoin. Je suis une femme de communication. Que ce soit les nouvelles ou la photographie, c’est le même principe. Je cherche la beauté, le contact avec la nature, cet espace de méditation que je ressens lorsque je suis derrière l’appareil. Ça me branche et me permet de revenir à l’essentiel… »

Maquillage : Valérie Quevillon
Photo : Bruno Petrozza