
Après la guerre de la Conquête, la France a perdu toutes ses colonies en Amérique du Nord. Toutes, sauf l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Plus de 250 ans plus tard, les 6200 habitantes et habitants ont conservé leurs origines françaises, autant dans leur langue que dans leur culture. Visite d’un archipel pas comme les autres, où tout se paye en euros!
Quand j’ai annoncé à mon entourage que je partais en France tout en restant en Amérique du Nord, la majorité est restée dubitative. « Tu pars sur le Plateau Mont-Royal? », certaines personnes ont dit à la blague, faisant référence au fort contingent de Françaises et de Français dans ce quartier montréalais. Seule une petite partie des gens m’a répondu du tac au tac : « Saint-Pierre-et-Miquelon ».
Ces îles sont situées au sud de Terre-Neuve, à 25 km des côtes de la péninsule de Burin, soit à 1346 km de Montréal et à 4277 km de Paris. Malgré sa distance de l’Europe, l’archipel affiche fièrement sa culture 100 % française. « Nous sommes farouchement et fièrement Françaises et Français », m’a déclaré Patricia Orsiny, propriétaire de l’Auberge de l’Île, à Miquelon. D’ailleurs, tout rappelle la France ici : la configuration routière, les voitures de marque Renaud et Citroën, les boulangeries, l’accent français, les bons vins à petits prix, les musées et les commerces qui ferment entre midi et 14 h ainsi que les restaurants qui ouvrent leurs portes à 19 h.
Le caillou
La principale porte d’entrée de cette collectivité française, c’est l’île de Saint-Pierre, un bout de terre égaré dans les brumes de l’Atlantique Nord qui ne fait que 25 km2, soit moins que la superficie de l’île aux Coudres. Plus de 5500 Saint-Pierraises et Saint-Pierrais s’entassent sur qu’on appelle le « caillou ». Pendant des siècles, cette ville portuaire a vécu de la pêche à la morue jusqu’à l’imposition, en 1992, d’un moratoire. Aujourd’hui, en plus des services administratifs, c’est le tourisme qui soutient de plus en plus l’économie.
À Saint-Pierre, on vit au même rythme qu’en France. On déambule avec plaisir dans cette ville dense aux habitations colorées et aux rues étroites. La qualité de la restauration rappelle aussi celle de la métropole, proposant une gastronomie qui ajoute une touche saint-pierraise et miquelonnaise aux traditions françaises.
Dès qu’on quitte le périmètre urbain, une grande nature incite à la découverte à travers sept sentiers. Le plus accessible, le Diamant, épouse les contours de la côte atlantique en progressant sur un long trottoir de bois.
Pour une visite à saveur historique, on embarque dans le bateau-passeur Les P’tits Graviers en direction de l’île aux Marins, où a vécu une collectivité de pêcheurs du 19e siècle jusqu’aux années 1960. Ce musée à ciel ouvert possède encore son église, son école devenue un musée et quelques habitations reconverties en résidences secondaires. Durant les visites guidées, on nous raconte l’épopée de ces insulaires, tout en nous faisant profiter des magnifiques paysages. L’île s’explore également en kayak, dans le cadre d’excursions au coucher de soleil offertes par l’École municipale de voile de Saint‑Pierre.
Miquelon-Langlade
De Saint-Pierre, un traversier nous amène en 1 h 30 sur les îles de Miquelon et de Langlade, qui sont rattachées par un isthme de sable de 12 km. Changement de décor : Miquelon-Langlade, nettement plus vaste que Saint-Pierre, ne compte que 600 habitantes et habitants. Ici, c’est le caractère sauvage qui est à l’honneur. On en découvre les richesses à la Maison de la nature et de l’Environnement, à deux pas du port de Miquelon. Juste à côté, l’histoire de l’île se dévoile au Musée de Miquelon, une petite institution riche en artefacts qui occupe une ancienne maison de ferme.
On part ensuite sur les routes de Miquelon-Langlade. Tourbières, landes et forêt boréale torturée par les éléments forment le décor. Partout, le regard porte loin à l’horizon et sur l’océan. Huit sentiers officiels mènent à des paysages spectaculaires. Parmi les incontournables : la boucle de 8 km du Cap de Miquelon, un condensé des merveilles de l’île, ainsi que le sentier du Grand Barachois, une autre boucle de 5 km située en milieu dunaire, sur les rives d’une lagune renfermant une diversité faunique remarquable. Les balades à vélo (location sur place) valent également le détour, à condition de ne pas rechigner à pédaler contre le vent. Ici, le dieu Éole se fâche presque constamment.
Air Saint-Pierre offre des vols directs en partance de Montréal ou d’Halifax. Des traversiers relient également l’archipel au continent en partance de Fortune, à Terre‑Neuve.
Notre journaliste a été invité par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.