Raconte-moi, Arlette…

Une entrevue avec Arlette Cousture, c’est un chapelet d’anecdotes savoureuses allant dans tous les sens, dont on se délecte comme de bons vins. Pas étonnant que la mère littéraire d’Émilie Bordeleau ait choisi la formule du recueil de nouvelles pour son plus récent livre : En plein chœur.

Fraîchement livrés, ses premiers exemplaires fleurent bon le papier tout neuf lors de notre rencontre dans la maison-musée de l’auteure, où les tableaux et sculptures sont rois : Roger Alexandre, Lorraine Matteau, Esther Lapointe, etc. Chaque œuvre a son histoire, qu’elle ne se fait pas prier pour raconter.

Malgré ses 70 ans et malgré qu’elle ait déjà derrière le collier des œuvres au succès planétaire tels que Les filles de Caleb et Ces enfants d’ailleurs, elle parle de son dernier-né à grands renforts de détails et d’anecdotes, comme si elle venait de signer son premier livre et comme si ses personnages étaient ses amis les plus proches.

Un siècle, une église

En plein chœur (Éditions Libre Expression) se déroule entre 1896 et 1996, à raison d’une nouvelle par décennie, toujours dans une église. Chaque fois, la petite histoire rejoint la grande et l’étonnement est au rendez-vous, notamment dans les deux nouvelles qui ont comme toile de fond les guerres mondiales, « bretelles du siècle ». La 11e et dernière tranche de vie ficelle habilement le tout.

« J’ai voulu faire l’histoire d’un siècle par le biais de gens ordinaires. Et quel est le dénominateur commun de tous les Québécois au siècle dernier, si ce n’est une église ? C’est un choix historique et non religieux. Et il ne s’agissait pas pour moi de revisiter mes propres croyances, car je suis une athée finie. Je n’ai jamais cru mais je comprends que les gens puissent croire. J’en ai cependant contre le pouvoir odieux qu’a longtemps exercé l’Église. »

Des idées à revendre

Si elle quitte le sujet de son plus récent livre, c’est pour parler du suivant, un roman choral encore une fois. Elle en connaît la trame de fond, la traversée du Canada en train, avec une nouvelle par province. Quant au titre, ce sera : En voiture, all aboard ! Le voyage en train servant de source d’inspiration se fera en 2019, mais il faudra patienter deux ou trois ans de plus pour voir apparaître le livre sur les rayons.

Elle a aussi un autre projet professionnel, dont elle ne peut souffler mot pour l’instant. De plus, Crystal Films produira un film à partir du troisième et dernier tome des Filles de Caleb, dont il lui tarde de lire le scénario.

Écris, chante, voyage

Si l’écrivaine adore parler et raconter, elle n’aime pas aborder le sujet de sa santé ni de la progression de la maladie qui l’affecte depuis 50 ans, la sclérose en plaques.

« C’est plus difficile qu’avant, mais c’est vivable », résume-t-elle, en balayant le sujet de la main. Cette santé changeante ne l’empêche pas de chanter dans le chœur Les Berges de Brossard, avec 30 autres voix, sous la direction de Julien Patenaude. « La chorale est un loisir qui nous garantit qu’on ne pourra pas y traîner nos problèmes de bureau, car cela demande toute notre concentration. »

De plus, elle se passionne toujours autant pour les voyages. Elle passe beaucoup de temps dans la ville de son cœur, Paris, où elle a un appartement depuis 30 ans. Elle séjourne aussi au soleil chaque hiver.

« Être ailleurs tout le temps, j’aime ça. Découvrir des villes magnifiques telles qu’Amsterdam, dont je suis une amoureuse folle, me plaît particulièrement. Avec une amie, je veux visiter le Royaume-Uni. Il y a comme un petit fil vert qui m’attire par là. »

Vieillir, façon Arlette

Qu’est-ce que vieillir représente pour elle ? « C’est certain que je suis moins vive qu’avant. Par contre, je deviens disciplinée et organisée, ce qui est nouveau pour moi. J’ai même décidé de me départir de la moitié de ce que je possède, pour alléger mon bagage existentiel : vêtements, meubles, tout ! J’ai fini d’avoir besoin de toutes ces choses-là. »

Elle déplore le sort que la société québécoise réserve à ses aînés : « Il n’y a pas de quoi être fier. L’âgisme est partout. » Elle ne se gêne pas d’ailleurs pour réclamer, au nom de ses cheveux gris et de sa maladie, les places assises dans le transport en commun.

Madame Cousture est aussi scandalisée par la nourriture servie dans les hôpitaux : « J’espère que ça va changer et qu’on veillera à mettre un peu de bonheur dans l’assiette des malades. »

Pour oublier les tracas et contrariétés du quotidien, elle se tourne vers sa table de chevet, où l’attendent des livres. Que ce soit un Agnès Gruda, un John Grisham ou un Delphine de Vigan, Arlette Cousture y trouve, par un juste retour des choses, le plaisir et l’évasion que des centaines de milliers de personnes ont pu ressentir grâce à ses œuvres à elle.

Photo : Bruno Petrozza – Maquillage : Sylvy Plourde