Michel Rivard persiste et chante

Une enfance urbaine mille fois célébrée, un groupe mythique appelé Beau Dommage, des albums solos parmi les meilleurs au Québec : Michel Rivard persiste et chante depuis les années 1970.  Celui qui maîtrise brillamment l’art de se renouveler sera la vedette de la soirée 50e anniversaire du Congrès FADOQ 2020, dans Charlevoix. Il nous parle ici de son rapport avec le temps qui passe.

 En juin 1970, au moment où naît le Réseau FADOQ, Michel Rivard sillonne les routes du Québec avec La quenouille bleue, une troupe d’humour absurde qu’il promène dans les petits bars et les salles paroissiales avec Pierre Huet et Robert Léger. Il a 19 ans.

« Cet été-là, au lieu de travailler dans une usine ou un restaurant pour gagner quelques sous, le programme Perspectives jeunesse nous versait la jolie somme de 90 $ par semaine pour chanter, jouer et s’éclater sur scène, se rappelle-t-il avec le sourire. C’était le bonheur ! Cette tournée a été l’embryon de Beau Dommage et de tout ce que j’ai fait par la suite. »

Le succès, encore et toujours

Une suite dont Michel était loin de se douter. Des centaines de milliers d’albums vendus, sa Complainte d’un phoque en Alaska reprise par Félix Leclerc, des chansons qui se retrouvent sur bien des lèvres, un formidable succès en improvisation et encore aujourd’hui, des salles combles pour l’entendre raconter L’origine de mes espèces.

Cette création théâtrale lui a d’ailleurs valu le Félix du meilleur spectacle de l’année 2019 dans la catégorie auteur-compositeur-interprète. Parmi les nominés, les voix d’une autre génération, dont celles d’Hubert Lenoir et de Loud. Mais Michel Rivard domine encore la mêlée.

Le temps a passé. Les cheveux sont tombés. Les modes ont eu le temps de disparaître puis de revenir. Mais Michel Rivard est toujours là. Son public aussi.

« Au début des années 2000, j’ai eu un choc et un pincement au cœur en découvrant qu’il y avait de moins en moins de jeunes dans mes salles, plutôt des gens de mon âge et même plus âgés. Puis, avec le temps, j’ai vu là des fidèles sans âge. Je me suis dit : si ça vous plaît, venez m’entendre, gênez-vous pas ! »

Plus que la nostalgie  

Pour plaire, Michel Rivard plaît. Et sa longévité artistique ne tient pas qu’à la nostalgie, quoi qu’on en pense. Ses nouvelles chansons n’ont rien à envier aux anciennes, un exploit considérant le raz-de-marée musical qui se faufile aujourd’hui jusqu’à nos oreilles par de multiples sources et plateformes.

« Je ne veux pas refaire indéfiniment la même chanson, confie-t-il. Je fais le choix d’avancer, j’ai toujours un projet qui mijote. C’est peut-être pour cette raison que vieillir ne me dérange pas. En plus, c’est arrivé sans que je m’en aperçoive. Pendant que le temps passait, moi j’écrivais, je chantais, j’étais sur scène. Bien sûr que ça m’embête de savoir qu’il y a moins de temps en avant, puis la mort au bout du chemin. Mais malgré tout, je ne voudrais pas rester figé à 68 ans. Je veux toucher les 70 ans; j’ai le désir de voir ce que cet âge-là va m’apporter. »

Sans vouloir être racoleur, Michel avoue n’avoir jamais jugé les gens selon leur âge. Au contraire, il envie parfois le nombre d’années qui colle à la peau de certains sages. « Le jour où j’ai appris qu’au Japon, artisans et artistes étaient de véritables trésors nationaux quand ils arrivaient à un âge certain, j’ai été jaloux. Leur opinion était écoutée et entendue. Je voulais être de ceux-là. »

Michel Rivard croit aux vertus du temps qui passe, même si parfois, il rencontre des gens qui se sont éteints en chemin. Des artistes qui prétendent que « la musique était bien meilleure avant ».  « C’est faux, dit-il. Il y a des courants musicaux extraordinaires aujourd’hui, mais il faut être ouvert. Passé un certain âge, tu peux regarder Hubert Lenoir et critiquer son look. C’est en l’écoutant vraiment que tu vois qu’il a du talent. »

Un plongeon dans le vif de l’enfance        

Dans son nouveau spectacle L’origine de mes espèces, le vieillissement n’est pas au centre du propos mais de son propre aveu, Michel Rivard n’aurait pu concevoir cette proposition artistique plus tôt dans sa carrière.

« Il fallait que j’aie la maturité qui vient avec l’âge pour me pencher sur ma vie avec un regard différent.  Il fallait aussi, et c’est un peu triste, que mes parents ne soient plus là. Je voulais raconter mon histoire sans les mettre mal à l’aise. J’ai été obligé, en attendant, de chanter les rues de Montréal, la vie de quartier et les premiers émois amoureux, avant de plonger dans le vif de mon enfance. »

À la lumière de cette nouvelle démarche et bien des succès plus tard, que reste-t-il du Michel Rivard des années 1970 ? « Beaucoup de choses, car tout était déjà là. C’était maladroit, brut, mais c’était présent : le désir d’écrire des chansons, la poésie, le jeu, le rêve d’une belle relation amoureuse. Mes rêves de cette époque et mes rêves d’aujourd’hui sont les mêmes. Je continue de les réaliser. »

Photo : Bruno Petrozza – Maquillage : Richard Bouthillier

Nos remerciements au bistro-restaurant La Fontaine, où les photos ont été réalisées. espacelafontaine.com, 514 280-2525.