Les derniers chapitres, ceux de la vraie liberté

La liberté, c’est le contraire de se soumettre ! Combien de fois ai-je soutenu cette affirmation à des adolescentes auprès desquelles j’intervenais. Le temps a passé. Aujourd’hui, je répète ce leitmotiv à leurs parents ou grands-parents.

La liberté, c’est aussi le pouvoir d’agir sur les choses, de les changer. C’est la capacité de décider, de faire des choix, d’oser. Aussi longtemps que le cerveau est tonique, on peut assumer son autonomie. Il est une réalité inestimable, inhérente aux êtres humains plus âgés : ils sont plus libres qu’ils ne l’ont jamais été. Moins de contraintes, plus de temps; moins d’obligations, plus de latitude; moins de compromis, plus d’assertivité, cette capacité à s’exprimer et à défendre ses droits sans empiéter sur ceux d’autrui.

Vieillir, c’est… se libérer

À de nombreux égards, vieillir, c’est se libérer. On ne court plus après tout et rien, la capacité d’être disponible à l’instant présent s’est affinée. C’est aussi passer doucement du savoir-faire au savoir-être, puis au savoir-vivre existentiel. La vie nous offre, en son dernier cycle, le plaisir de re-découvrir, de re-trouver le sens de la fête jusque-là enseveli sous une épaisse couche de tâches, rôles et fonctions.

N’a-t-on pas passé notre vie à grandir, étudier, travailler, gagner de l’argent, bâtir une carrière, une famille, élever des enfants, accomplir, performer, courir… ?

Au mitan de l’existence, nous avons commencé à comprendre, de manière tangible, que la vie est courte, trop courte pour être petite et que, peut-être, on ne l’a pas toujours célébrée. Alors, on repère nettement que le ruban devant soi se rétrécit, qu’on mettra moins de temps à dévaler la montagne qu’on en a mis à la gravir.

Désormais, les jours coulent en concentré. Denses et parfumés, comme une huile essentielle. Nous avons en mains toutes les cartes cachées de la liberté. Certaines, rarement pigées et retournées, nous permettent d’emprunter des chemins de traverse, des raccourcis vers la joie et, qui sait, vers la sérénité.

Si la joie fait signe sur une voie inexplorée, pourquoi ne pas aller à sa rencontre, quitte à s’adapter au changement ? La routine rassure, c’est connu, mais un certain bris de celle-ci garde en alerte, en mouvement.

Le bâillon, c’est non !

Refusons de laisser notre libre arbitre se faire subrepticement menacer ou bâillonner ce qui, hélas, se produira plus souvent en vieillissant. Aussi longtemps que notre tête est bien plantée sur nos épaules, déboutons la société âgiste lorsqu’elle juge à notre place de ce qui est bon pour nous. C’est difficile, la société « bien-pensante » étant souvent représentée par nos enfants adultes, notre médecin, notaire, psy, ou quelque nouveau curé…

Vieillir est une activité et la vieillesse, du temps choisi. Pas que du temps de loisir, non, car les distractions et les loisirs, si agréables soient-ils, meublent à l’occasion du vide et de l’ennui. Le temps choisi, jamais. Le temps choisi, c’est du temps libre remanié en temps de liberté.

La saison de l’affranchissement

La santé aidant, nous pouvons faire du dernier cadran de notre parcours l’épisode le plus affranchi de toute notre existence.

C’est un sacré privilège que de pouvoir saisir ce temps précieux qui nous est donné, de le mettre à notre main, de le sculpter à notre goût. Lui, Chronos, ne manque pas de nous façonner, de nous ralentir. Donnons-lui la réplique. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut jouer à deux avec un dieu !

Il m’arrive pour ma part de m’imaginer à bord d’un train dont la locomotive file droit devant. Je sais que mon tour viendra d’en être éjectée, un jour pas si lointain. À cet égard, je suis impuissante. Mais tant que je suis passagère, c’est moi qui décide. De me consacrer à une cause de mon choix, politique, écologique, philanthropique…  De partir à la découverte des voyageurs des autres wagons, de consacrer des fragments ou de larges tronçons de mon temps à l’amie, à ma petite-fille, à l’amoureux, à la lecture, à mon chat, à nager, à voyager, à tricoter et, pourquoi pas, à l’apprentissage de la danse du ventre, maintenant que j’en ai un.

Les femmes et hommes de 50 ans et plus représentent 41 % de la population du Québec. Quelque 3,5 millions de tabougénaires qui exercent leur liberté, c’est un gros lot humain qui peut changer le monde. Et ébranler l’âgisme.