Qui pensait qu’un jour, les routes de terre bordées de vaches allaient devenir des attraits touristiques ? Pourtant, c’est bel et bien le cas avec l’engouement monstre pour le gravel bike, une nouvelle déclinaison de vélo où les adeptes s’évadent sur les routes moins fréquentées. Pleins feux sur ce phénomène qui fait pédaler la planète entière.
Amateurs de vélo depuis des lunes, Serge Simard et Isabelle Renaud ont récemment changé leur pratique. Plutôt que de pédaler, à toute vitesse, sur les routes bitumées, comme ils le faisaient depuis toujours, ils fuient désormais l’asphalte afin de mettre le cap, au guidon de leur vélo de gravier, sur les chemins poussiéreux.
Vélo champêtre
« Le bonheur de rouler en gravel bike, c’est de fuir les routes achalandées, de rouler en milieu champêtre, d’écouter les sons de la nature. C’est une manière plus zen de faire du vélo », explique Isabelle Renaud, jeune retraitée de 63 ans résidant à Granby.
Isabelle et son conjoint ne sont pas les seuls cyclistes à s’amouracher de ce type de vélo. Depuis quelques années, le vélo d’aventure, comme on le désigne également, connaît un engouement monstre à travers le monde. « Depuis la pandémie, la demande explose. Les manufacturiers ne fournissent plus à la demande », explique Jacques Sennéchael, rédacteur en chef du magazine Vélo Mag.
Un vélo de gravier résulte de la fusion d’un vélo de route et d’un vélo de montagne. « C’est un vélo polyvalent, aussi bien capable de rouler sur le bitume que sur des routes de poussière, et même dans des pistes faciles de vélo de montagne », explique Simon Bergeron, fondateur de Panorama Cycle, une compagnie de vélo d’aventure basée à Granby.
Grâce à son empattement (distance entre les deux roues) plus court, à son cadre plus robuste et à ses pneus plus larges, le vélo de route tout-terrain, l’appellation suggérée par l’Office québécois de la langue française, offre un meilleur confort de roulement sur toute surface qu’un vélo de route. Cette caractéristique plaît énormément aux adeptes. Dans les faits, lorsqu’on heurte un trou, l’impact ne se fait pas sentir dans toutes les articulations du corps.
Le vélo toute-route agrandit aussi les possibilités d’aventure. « Je fais du vélo de route à Saint-Sauveur depuis des années. Mon principal critère de sélection pour mes itinéraires, c’était la qualité du bitume. Mais depuis que je m’adonne au vélo de gravier, la qualité du revêtement ne pèse plus dans la balance. Résultat : mon terrain de jeu s’est multiplié par quatre », explique Jacques Galarneau, 53 ans, un passionné de vélo en tout genre.
Vers une Route brune ?
Car des routes de terre et de poussière, le Québec en compte presque à l’infini. D’ailleurs, des régions touristiques prennent la balle au bond et proposent maintenant des itinéraires cyclables sur des chemins de terre. « On a créé la Route verte comme itinéraire cyclable à travers le Québec. Peut-être qu’un jour, on devrait faire une Route brune », rigole Jacques Sennéchael, de Vélo Mag.
Moins de performance, plus de sécurité
Au guidon de son vélo de poussière, le cycliste change d’objectifs. Plutôt que de miser sur l’entraînement et la vitesse, à l’instar d’un coureur du Tour de France, le « graveleux » a plus l’esprit à l’exploration. Il veut conquérir les hauteurs et découvrir des lieux que seuls les locaux connaissent.
« En gravel bike, on roule moins vite, mais on fait autant d’exercice, car les circuits affichent en général plus de dénivelés », dit Isabelle Renaud. Plutôt que de rouler 100 km en vélo de route en une sortie, les adeptes du gravier font 60 à 80 km. « Mais on revient aussi fourbu », dit Lucie Boulianne, 59 ans, autre adepte de balades sur chemins cahoteux.
L’autre grand attrait du vélo de route tout-terrain, c’est au niveau du risque. Le parc automobile ne cesse de prendre de l’expansion au Québec. L’achalandage sur les routes est plus intense, ce qui rend la pratique du vélo de route plus risquée et moins agréable.
« Ce n’est jamais plaisant de se faire frôler à 100 km/h. Qui plus est, j’ai l’impression que les comportements délinquants sont de plus en plus fréquents », déplore Jacques Galarneau.
Le gravel bike est donc une belle solution de rechange. Un prétexte pour prendre les chemins de traverse. Pour retrouver la tranquillité. Et pour faire du vélo partout où nous mène la route, peu importe son état.
Photo : Simon Diotte