L’épineuse question des dons aux enfants

Des tas de préretraités ou retraités appuient financièrement leurs enfants ou petits-enfants, au lieu de leur laisser de l’argent en héritage. Pour certains, ces « dons du vivant » représentent pourtant une catastrophe.

Voir de leurs propres yeux leurs enfants et petits-enfants profiter de leurs dons est bien sûr une grande joie, qui incite bien des aînés à décider de faire cadeau de leur héritage à l’avance. Par ailleurs, nombreux sont les aînés qui cèdent aux demandes d’argent incessantes de leur progéniture sans trop en connaître l’impact sur leur propre sécurité financière.

Or, c’est bien beau de donner son héritage de son vivant, mais une question se pose : en avez-vous les moyens ?

Le coût réel d’un don

Pour en avoir une idée, j’ai effectué une simulation à partir d’un couple fictif, Violette et Firmin. À 75 ans, ils ont zéro dette et zéro épargne dans un CELI. Violette a 80 000 $ dans son FERR et Firmin, 500 000 $. Pour donner 40 000 $ à leur héritier de leur vivant, ils doivent retirer 63 593 $ de leur FERR, car ils sont imposés à un taux de 37,1 % (selon les tables d’impôt de 2021).

À 90 ans, leur générosité leur aura coûté 86 752 $. Pourquoi ? Parce que leur don a généré une facture fiscale de 23 593 $, ainsi qu’une perte de revenus de 63 159 $ en raison du retrait de 40 000 $, compte tenu des rendements annuels moyens de 5,5 % de leurs FERR combinés (même si Firmin aura fractionné une partie des revenus de son FERR à Violette). Se passer de 86 752 $ pour donner 40 000 $, c’est beaucoup d’argent.

Vous allez me dire que c’est difficile de dire non à ses enfants ou de résister à l’envie de les aider financièrement au moment où ils veulent acheter leur première maison, par exemple. Vrai.

Mais risqueriez-vous la dèche, ou simplement une condamnation à regarder la télé à la retraite parce qu’il vous reste juste assez d’argent pour payer le loyer et la nourriture ? Sûrement pas !

La clé : planifier

Le meilleur moyen de ne pas pécher par excès de générosité envers vos enfants ou de ne pas céder aux sirènes de l’aide aux rejetons est de planifier adéquatement sa retraite. En sollicitant l’aide d’un conseiller ou d’un planificateur financier, vous déterminerez trois chiffres qui cerneront votre marge de manœuvre si vous voulez aider vos enfants :

  • de combien vous devez disposer, chaque mois, pour bien vivre à la retraite (y compris les projets spéciaux, comme les voyages), en prévoyant que vous allez vivre jusqu’à 90 ans;
  • combien vous devez épargner jusqu’à la retraite pour assurer vos arrières;
  • quel est l’écart entre l’épargne accumulée et celle qui vous permettra de payer vos factures de retraité (que l’épargne soit projetée ou réelle).

C’est cet écart qui indiquera votre capacité financière annuelle à aider vos rejetons (avant ou après votre retraite). L’exercice risque de vous surprendre. Par exemple, vous pensiez pouvoir donner 10 000 $ chaque année, mais votre marge réelle est de 3 500 $.

Par contre, vous aurez désormais un argument béton pour vous protéger : « Désolé, je ne puis donner davantage ». Ainsi, vous couperez court aux éventuelles pressions des enfants.

D’autres façons d’aider

Si vous tenez à aider vos enfants à accéder à la propriété, un conseiller financier proposera peut-être différents scénarios moins onéreux qu’un don : prêt avec intérêt, être copropriétaire avec eux, assumer l’assurance de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) pour éviter une mise de fonds trop onéreuse, etc.

Par ailleurs, si vous aidez votre progéniture, inscrivez vos dons ou vos prêts à votre testament. Cette aide sera-t-elle déduite de l’héritage ? Ne pas le préciser entraînera des complications fiscales et… des chicanes familiales souvent irréversibles. Un bon moyen de les éviter est de tenir, en présence de votre conseiller financier, un conseil de famille, afin de détailler clairement vos intentions… qui deviendront irrévocables.

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Des exemples à ne pas suivre

À force d’échanger avec des conseillers financiers, on en apprend beaucoup sur la nature humaine. Car certains de leurs clients subissent de lourdes pressions de leurs héritiers. Des exemples ? Ce couple qui donnait 5 000 $ annuellement à ses enfants pour leur permettre de boucler leur budget de jeunes parents. Ces derniers utilisaient l’argent pour aller à Cancún…

Ou cette jeune mère monoparentale qui a demandé à ses parents de financer les études de sa fille au collège privé. Puis, ce fut le cégep privé, suivi d’études universitaires… Une facture totale de 90 000 $. L’étudiante n’a jamais demandé de prêts et bourses, auxquels elle avait pourtant droit. À 75 ans, les grands-parents ont dû réhypothéquer leur maison.

Autre exemple : celui d’un couple dont le fils a lancé une boucherie, financée par une somme de 30 000 $ retirée du REER de ses parents. Au bout de six mois, les parents ont dû casquer de nouveau. Après 100 000 $ d’aide parentale, la boucherie a fermé. Les parents ont dû prendre leur retraite à 70 ans au lieu de 62.

Des pensez-y-bien…