Oui, le tatouage à tout âge, c’est possible. Virage en discute avec des femmes qui ont eu la piqûre après 60, 65 et même 70 ans.
« Nicole, penses-y comme il faut. De quessé tu vas avoir l’air, en robe cocktail, avec ça? » Ce n’est pas que Normand, le défunt mari de Nicole Marcil Gariépy, voulait dissuader celle-ci de se faire tatouer; aux dires de la principale intéressée, il souhaitait simplement s’assurer qu’elle soit certaine de sa décision.
À 73 ans, Mme Marcil Gariépy voulait immortaliser son mantra « La vie est belle! » sur son avant-bras. Elle s’est finalement fait tatouer le prénom de ses petits-enfants. Un compromis qu’elle ne regrette pas, trois ans plus tard, mais…
« Si c’était à refaire, j’irais avec mon slogan! » confie cette ancienne directrice de caisse populaire, qui en a surpris plusieurs avec son audace.
Pour sa part, Louiselle Côté était d’avis que les tatouages, c’était une affaire de jeunes. Très peu pour elle, donc, jusqu’à ce que sa fille la convainque d’aller au salon de tatouage ensemble, cet été. Mère et fille sont désormais liées par trois cœurs représentant le cocon familial.
« Je le trouve beau, quand je le vois, dit Mme Côté, 61 ans. Ça me fait penser à ma fille et mon petit-fils. »
Un tatouage pour s’affranchir
À l’image des témoignages recueillis par Virage, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à se faire tatouer sur le tard, confirment des artistes sondés.
« Honnêtement, les femmes âgées sont mes clientes les plus détendues, observe Janie Godbout, qui tatoue depuis trois ans. Elles ont tellement de vécu qu’elles ont l’air de se dire : “C’est pas un tatouage qui va me faire peur!” »
Cet été, la jeune femme a tatoué sa cliente préférée à vie : sa grand-mère de 81 ans.
La cliente la plus âgée de Jessi-Lee Birch, propriétaire de Anxiety Tattoo, avait 104 ans à l’époque. C’était il y a huit ans. « Elle m’avait promis de revenir pour un autre tatouage, confie-t-il. Plus le temps passe, et plus je me dis qu’elle ne reviendra plus… »
Les artistes avancent également que bien des femmes passent à l’action une fois veuves. Michel « Greenwood » Boisvert, artiste chez GipsyTattoo, se souvient d’une nonagénaire pour qui être tatouée a été libérateur.
« Toute sa vie, elle s’est fait dire que c’était mal vu, que c’était une affaire de bandits et de gars d’armée, raconte le tatoueur comptant 37 ans d’expérience. Son mari ne voulait rien savoir qu’elle ait un tatouage, mais trois mois après sa mort, elle s’est assise sur ma chaise. Juste avant que je commence, elle a regardé le ciel et a déclaré : “Je m’en fous, Harold, je le fais pareil!” »
La signification avant tout
Quel que soit le genre de la personne à passer sous l’aiguille, cette première œuvre gravée dans la chair revêt une signification importante. « Les hommes vont souvent se faire tatouer une image qui représente leur chien ou la date de décès d’un proche, soutient Jessi-Lee Birch. Les femmes vont souvent choisir un dessin floral, minimaliste. C’est souvent quelque chose qu’elles avaient sur leur bucket list. »
Michel Boisvert relate avoir été profondément été touché par une dame, dont plusieurs membres de la famille avaient souffert d’Alzheimer. « Elle est venue se faire tatouer le nom de ses filles et de ses petits-enfants sur les bras, de même que les meilleurs moments de sa vie, tout ça pour pouvoir s’en souvenir le plus longtemps possible », confie-t-il.
À bas les préjugés
De son propre aveu, Carole Marcil entretenait un préjugé défavorable envers les tatouages. À ses yeux, ceux-ci étaient l’apanage des punks et des motards. Puis, l’idée de posséder un tatouage a commencé à faire son chemin. La nouvelle retraitée s’est finalement décidée cet été.
Après plusieurs semaines de recherches et de réflexion, elle est passée sous l’aiguille pour en arborer d’autres, à savoir une pelote de laine transpercée d’épingles. Le symbole d’une passion qui l’anime depuis vingt ans.
« On dirait que j’avais le goût d’être rebelle un petit peu! Je l’ai vraiment fait pour moi-même, comme un genre d’affirmation de soi, explique celle qui considère répéter l’expérience. À 62 ans, il y a un début à tout! »
L’essayer, c’est l’adopter
Carole Marcil est loin d’être la seule à avoir eu la piqûre. À peine trois semaines après son premier tatouage, en août dernier, Judith Audet planifiait déjà d’en ajouter au moins trois autres à sa collection naissante.
Sa fille l’avait prévenue : « Maman, tu vas devenir accro! » Elle ne croyait pas si bien dire. Pourtant, ce premier tatouage, un pissenlit qui s’effrite au vent, a été le fruit d’un coup de tête, question de marquer ses 65 ans de façon originale. « J’ai osé! lance-t-elle. Pour moi, c’est un symbole d’indépendance, de résilience et de liberté. »
« Je ne porte pas de bijoux, alors pour moi, c’est devenu une façon d’orner mon corps », ajoute-t-elle.
De son côté, Louiselle Côté ignore si elle retournera chez le tatoueur, mais l’expérience lui a ouvert l’esprit, confie-t-elle. « Les gens disent qu’en vieillissant, les tatouages deviennent moins beaux, mais dans le fond, moi, j’étais déjà vieille! » lâche-t-elle à la blague.
L’envie de vous faire tatouer vous titille?
Le prix d’un tatouage peut aller de quelques dizaines à plusieurs milliers de dollars. La taille de l’œuvre, la complexité de l’illustration et l’expérience du tatoueur expliquent cette amplitude.
Est-ce que ça fait mal? La réponse dépend de votre degré de sensibilité. La partie du corps qui sera tatouée influencera aussi votre niveau d’inconfort.
Certains artistes se spécialisent dans un type de tatouage bien précis; d’autres ne réalisent que leurs propres créations. Prenez le temps de chercher afin de trouver un style qui vous convient.
La plupart des artistes exposent d’ailleurs leurs œuvres sur les réseaux sociaux : il s’agit d’une belle vitrine pour découvrir ce qui vous plaît et pour vous inspirer.
La peau amincit avec l’âge, précise la tatoueuse Janie Godbout, mais les soins après le tatouage demeurent les mêmes : bien nettoyer la peau, la laisser cicatriser, l’hydrater et appliquer un écran solaire pour protéger le tatouage.