Le sport, c’est la… douleur ?

Le sport, c’est la santé, dit-on. Ce qui n’empêche pas les conversations entre sportifs de 50+ de s’apparenter parfois à une complainte de « tamalous ». Entre les blessures d’antan qui reviennent nous hanter, l’arthrose qui s’invite dans le décor et les effets du vieillissement, peut-on encore faire du sport sans ressentir (trop) de douleur ? Les réponses du physiothérapeute, auteur et chroniqueur Denis Fortier, qui a récemment publié 99 façons de prévenir les effets du vieillissement (Trécarré, 176 pages, 29,95 $).

Virage : À partir de 50-60 ans, qu’est-ce qui peut être problématique pour les sportifs récréatifs ?

Denis Fortier : La santé des os, la santé des muscles et la santé des cartilages. On pense bien sûr à l’arthrose, une préoccupation pour beaucoup de gens, notamment ceux qui ont déjà eu des blessures à des ligaments ou à des muscles, ou encore une chirurgie, et qui sont plus à risque de fragilité articulaire.

On associe souvent l’arthrose à une condamnation. Or, s’il est vrai que les cartilages abîmés ne pourront pas se réparer, on peut récupérer notre mobilité et notre force musculaire et, ainsi, arriver à faire les mêmes activités qu’avant, avec un minimum de douleur. Plusieurs études démontrent que ce gain peut se réaliser à tout âge.

Virage : Est-ce que les muscles perdent nécessairement leur force, leur endurance et leur volume avec l’âge ?

D.F. : Ces pertes peuvent être associées à l’âge mais encore davantage à la sédentarité et à l’obésité. D’ailleurs, dans un contexte d’avancée en âge, les effets de la sédentarité et de l’obésité ne s’additionnent pas, ils se multiplient. À l’inverse, si on bouge, la capacité à prendre de la force et du volume musculaires demeure à tout âge.

Virage : Après une blessure ou une chirurgie, quelle est la stratégie à adopter ?

D.F. : Il s’agit de regagner de la mobilité et de la force musculaire, par des exercices et des activités comme le yoga et la natation. Le mot clé ici est « progressivement », sans dépasser nos limites ni entrer dans la douleur. On peut aussi consulter un physiothérapeute pour obtenir une bonne évaluation, des conseils et des exercices qu’on pourra adapter selon notre progression. Porter temporairement un bandage élastique est une autre possibilité.

Virage : De façon générale, en faisant des exercices ou des activités physiques, est-ce qu’on doit écouter son corps et cesser en présence de douleur ?

D.F. : Cette question appelle plusieurs réponses. En principe, on ne doit pas faire d’activité physique avec de la douleur. C’est particulièrement vrai pour une douleur récente ou aigüe. Toutefois, si un coureur ressent depuis plusieurs années une petite douleur en fin de course et que cette douleur ne se fait pas sentir pendant des jours, on peut la considérer comme une douleur chronique qui n’est pas un signe de détérioration, et continuer à faire de la course à pied.

Virage : Quels sont les risques à faire une activité physique puis à ressentir de la douleur pendant plusieurs jours ?

D.F. : Souvent, les gens actifs sont prêts à payer ce prix pour s’offrir une belle randonnée, par exemple. Or, la douleur change notre façon de bouger et diminue notre force musculaire ainsi que notre mobilité, sans qu’on s’en rende compte. Aussi, il y a un fort risque que de l’inflammation se mette de la partie et altère la qualité des tissus. Si on néglige d’en prendre soin, le processus inflammatoire, à la longue, peut se transformer en processus dégénératif, c’est-à-dire qui ne guérira pas.

Virage : Y a-t-il des solutions pour quelqu’un qui, par exemple, ne peut se passer de courir, mais éprouve chaque fois de la douleur pendant plusieurs jours ?

D.F. : On peut revoir le dosage, notamment en s’accordant plus de journées de repos. On peut aussi faire vérifier notre technique de course, s’assurer d’avoir les bonnes chaussures, modifier notre parcours, essayer sur un type de sol différent, etc. La meilleure solution est de pratiquer plus d’une activité. Ainsi, un coureur peut aussi faire de la natation, de façon à demeurer aussi actif, à ménager les zones fragiles et à stimuler d’autres muscles et articulations.

Virage : Vaut-il mieux être sédentaire ou bouger en présence de douleur ?

D.F. : La sédentarité est 100 fois pire ! Il faut prendre en ligne de compte les effets positifs de l’activité physique sur notre qualité de vie et notre santé cognitive et cardiovasculaire.