Le dilemme « covidien » : sortir ou ne pas sortir ?

Au cœur de la 1re vague, nous avons regardé grimper avec horreur le thermomètre du nombre de victimes de la COVID-19, majoritairement en CHSLD. Mais qu’en est-il des conséquences à long terme de la pandémie sur la santé de l’ensemble des aînés ? Et comment doivent-ils agir dans un contexte de déconfinement ? Deux gériatres font le point.

« Je ne suis pas surpris que le confinement ait eu un impact sur la santé des aînés mais je suis surpris de l’ampleur de cet impact, en particulier sur mes patients déjà en perte d’autonomie. Ça s’est fait graduellement, de façon très insidieuse », mentionne d’emblée le Dr Fadi Massoud, médecin gériatre à l’hôpital Charles-Lemoyne et membre du conseil d’administration de l’Association des médecins gériatres du Québec.

La santé à la dérive

Il explique que la limitation de l’activité physique cause un déconditionnement, soit une perte graduelle des capacités musculaires pouvant augmenter le risque de chute. En fait, il faut deux à trois jours pour rattraper le tort causé par une seule journée au lit ou à rester inactif.

Le Dr Massoud précise que le confinement et l’isolement ont aussi eu des répercussions sur la santé émotionnelle et psychologique des aînés. Il a de plus causé chez certains des problèmes de l’humeur pouvant aller jusqu’à la dépression. Quant aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, leur état s’est dégradé plus rapidement en l’absence de stimulation.

« La réduction des soins et services à domicile a également eu des répercussions sur l’état de santé général des aînés vivant dans la communauté », note le Dr Massoud.

« Reprenez vos activités ! »

Pour sa part, le Dr Quoc Dinh Nguyen, gériatre au CHUM, remarque que malgré des directives sanitaires assouplies, les effets du confinement perdurent. « Les aînés ont tellement bien intégré les messages de prévention que le pendule est rendu trop loin. Ils font trop attention par rapport au risque réel de transmission », faisait-il valoir à la mi-juillet, en insistant sur le fait que la situation peut changer du jour au lendemain.

Il concède qu’il est difficile pour les aînés de se faire une tête sur le degré de reprise de leurs activités. « Au final, c’est une question de gestion de risque. D’un côté de la balance, il y a le risque d’attraper la maladie, avec les conséquences sérieuses que ça peut avoir. De l’autre, il y a le risque de voir son état de santé général se dégrader en restant confiné à la maison. C’est vrai pour les aînés en bonne santé mais également pour les aînés plus vulnérables, sauf que pour ces derniers, le risque d’atteinte grave de la maladie et le risque de déconditionnement sont plus grands », indique le Dr Nguyen.

Selon lui, il est important de prendre les méfaits du confinement en considération. « J’encourage les aînés à prendre des marches, à aller à l’épicerie et à renouer avec leurs activités si les directives sanitaires le permettent », dit le Dr Nguyen.

« Portez le masque ! »

Les deux gériatres insistent sur le port du masque et sur un suivi à la lettre des autres mesures de prévention, d’autant plus que ces nouvelles normes sociales seront en vigueur pendant des mois encore, sinon des années.

Ils s’accordent également à dire que les gens ne doivent pas retarder et encore moins annuler leurs rendez-vous médicaux par crainte de s’exposer au virus. « Nous observons des effets négatifs bien réels sur la santé des gens qui ont tardé à consulter leur médecin », avertit Dr Massoud.

***

Ce que la 1re vague nous a appris…

« On sait aujourd’hui que les mesures de confinement ont un impact sur la santé des aînés et que cet impact est de plus en plus grand si le confinement se prolonge », affirme le gériatre Quoc Dinh Nguyen.

De ce fait, il doute qu’advenant une 2e vague de coronavirus, un confinement généralisé soit ordonné, ce qui était selon lui la bonne décision à prendre le printemps dernier, avec le degré de connaissances dont on disposait à ce moment-là. Rétrospectivement, il considère que les directives auraient pu être assouplies plus rapidement, notamment dans les résidences privées pour aînés autonomes où il n’y avait aucun cas de COVID-19.

C’est aussi l’avis du Dr Fadi Massoud, gériatre : « S’il y a une 2e vague, la Santé publique ira sûrement avec des mesures qui se moduleront selon différents critères, dont le degré d’autonomie des aînés et le degré de transmission dans leur région. »

Le Dr Nguyen estime que les autorités devront donner accès aux informations pertinentes pour les aînés, afin qu’ils puissent prendre les meilleures décisions possibles selon leur risque individuel, dans le respect de mesures de confinement ciblées.

Enfin, le Dr Massoud croit qu’advenant une nouvelle vague de COVID-19, la situation sera sans doute moins chaotique dans les CHSLD. « Grâce à la formation qui a cours présentement, il devrait y avoir du personnel en nombre suffisant. De plus, les CHSLD auront en main un plan de contingence en cas de pandémie et une culture de la prévention des infections sera déjà en place. Toutefois, la désuétude et l’exiguïté des CHSLD ne peuvent se régler en quelques mois », conclut-il.