Le cancer de la prostate : parlons-en

Mauvaise nouvelle : chaque jour en 2015, 13 Québécois apprendront qu’ils ont le cancer de la prostate. Bonne nouvelle : dans la majorité des cas, ils en guériront ! Quant au taux de mortalité, il a diminué de 4 % par année entre 2001 et 2009 ! Mais il reste du travail à faire pour sortir de l’ombre le cancer masculin le plus répandu et en parler ouvertement.

« Dans la très grande majorité des cas, on a affaire à un cancer à évolution lente s’échelonnant sur plus de dix ans. Ça nous donne le temps de prendre des décisions éclairées parmi les nombreuses solutions qui s’offrent aux patients », fait remarquer Thierry Lebeau, chirurgien-urologue à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et professeur adjoint de clinique à l’Université de Montréal.

Parlons dépistage

Aussitôt soufflées les bougies de leur 50e anniversaire de naissance, les hommes sont aux prises avec un sujet controversé : subir ou non le « fameux » toucher rectal et le test sanguin de l’antigène prostatique spécifique (APS). « À cet âge, il faut commencer à y penser, mais pas obligatoirement à subir ce premier dépistage. C’est une décision personnelle basée sur la santé individuelle et les antécédents familiaux de chacun. Il est important d’en discuter avec son médecin », résume Dr Lebeau.

Parlons diagnostic

Un Québécois sur sept recevra un jour ou l’autre un diagnostic de cancer de la prostate. L’annonce a chaque fois l’effet d’une bombe pour qui la reçoit. Que faire alors ?

Pour ce premier rendez-vous et les suivants, le chirurgien-urologue suggère que le patient soit accompagné d’un proche, parce que quatre oreilles valent mieux que deux. « Le choc initial est très grand lors du premier rendez-vous. J’ai d’ailleurs l’habitude de prévoir un deuxième rendez-vous à peine quelques semaines plus tard et de prendre soin de remettre au patient un papier sur lequel j’ai écrit les principaux détails de sa maladie. Je suggère au patient de noter ses questions au fil de ses recherches et de ses discussions, en vue de ce deuxième rendez-vous au cours duquel il sera davantage question des choix de traitements », explique le chirurgien-urologue.

De plus, il encourage les patients à s’informer, mais de se limiter à des sources non biaisées, sans quoi cette recherche pourrait les mêler et les angoisser inutilement. En bref, il faut utiliser à bon escient la démocratisation de l’information et ne pas verser dans une consultation à outrance de Dr Google !

À visiter entre autres : le site de Procure, le seul organisme québécois dédié à la lutte contre le cancer de la prostate et offrant des services de soutien aux hommes ainsi qu’à leurs proches. Au procure.ca, on retrouve des sources fiables et objectives, allant de l’information de base aux sujets les plus pointus, tels que les récidives, la section SOS destinée à ceux qui viennent de recevoir un diagnostic ainsi que des témoignages inspirants d’hommes et de femmes de courage. Le contenu est continuellement mis à jour par des urologues et du nouveau matériel est ajouté mensuellement.

Parlons traitements

Et qu’y a-t-il de neuf, côté traitements ? « Il n’y a toujours pas de panacée, déplore Dr Lebeau. Deux principales avenues d’intervention demeurent : la radiothérapie ainsi que les chirurgies, effectuées de plus en plus régulièrement par laparoscopie ou de manière robot assistée, afin de favoriser la récupération post-opératoire, de tenter de préserver les nerfs intacts et de diminuer ainsi les risques d’incontinence urinaire et de dysfonction érectile. Par ailleurs, ces dernières années au Québec, on opte plus qu’avant pour la surveillance active, par laquelle on fait un suivi rapproché de l’évolution de la maladie, plutôt que d’intervenir. Cette stratégie s’avère souvent utile dans un contexte où le cancer de la prostate croît lentement. On veut éviter de traiter trop agressivement des petits cancers qui ont peu de chances de progresser et d’éventuellement causer le décès d’un patient. »

Parlons incontinence et sexualité

Cancer miroir à bien des égards du cancer du sein chez la femme, le cancer de la prostate frappe un dur coup à la masculinité et ébranle le couple.

« L’un des mythes persistants est que les traitements ou les chirurgies entraînent automatiquement des problèmes permanents d’incontinence urinaire et la fin de la vie sexuelle. C’est faux. Cela dépend d’une foule de facteurs », tient à préciser Dr Lebeau.

« Après des traitements ou une chirurgie, les hommes qui sont aux prises avec de l’incontinence urinaire et de la dysfonction érectile passagères sont très pressés de s’en débarrasser. En réalité, bien des patients se rétablissent complètement ou observent une amélioration significative de leur état, mais ça prend parfois plusieurs mois. La patience est également de mise pour qui veut reprendre l’activité physique. Et si tout ne rentre pas dans l’ordre, il existe des façons de diminuer les inconvénients. C’est triste de constater que certains hommes n’en profitent pas », ajoute Laurent Proulx, directeur général de Procure. Diagnostiqué d’un cancer de la prostate à 48 ans, ce triathlonien a pris part à une compétition Ironman un an après son opération !

Parlons soutien

Peu enclins à chercher de l’aide, les hommes n’en sont pas moins angoissés au lendemain d’un diagnostic qui affecte aussi leur couple, leur famille, leurs amis, leurs collègues. Heureusement, ils peuvent profiter d’une variété de formes de soutien entre leurs rendez-vous médicaux. Il existe notamment des groupes de soutien destinés aux hommes et aux proches, dans certaines régions du Québec, dont le nombre est appelé à croître au cours des prochains mois.

Les gens peuvent aussi poser leurs questions au info@procure.ca, ou encore composer le 1 855 899-2873. Cette ligne téléphonique mise sur pied par Procure a pour but de calmer le jeu lors des périodes d’angoisse et d’accompagner le patient et ses proches dans la trajectoire de guérison. C’est une infirmière pivot spécialisée en cancer de la prostate qui répond aux appels sur-le-champ ou qui rappelle au maximum dans les 24 heures suivant un message.

« Souvent, ce sont les conjointes ou les filles qui effectuent le premier contact. Ensuite, les hommes appellent eux-mêmes », raconte Laurent Proulx, qui se prête volontiers à des jumelages avec des patients avec qui il correspond par courriel, tout comme Jean Pagé, porte-parole bénévole de Procure.

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Jean Pagé : aider le suivant

Jean Pagé est la preuve vivante – depuis 19 ans ! – qu’on peut vaincre le cancer de la prostate. Après tant d’années de temps emprunté, plusieurs auraient choisi de mettre de côté ce pan de leur vie. Or, le commentateur sportif continue de carburer à l’entraide, notamment en étant porte-parole bénévole de l’organisme Procure.

« Les humains sont des êtres de communication. Je crois fermement que de parler ouvertement des vraies affaires plutôt que de se refermer sur soi est l’un des grands moyens de guérison. Toutefois, je me rends compte que c’est de l’ouvrage de changer la mentalité des hommes ! », dit celui qui se compte chanceux de côtoyer encore ses quatre enfants et de voir grandir ses six petits-enfants.

« Le cancer de la prostate est le cancer le moins pire pour les hommes. Le pronostic est très bon, surtout lorsqu’il est diagnostiqué tôt. Bien sûr, ce cancer peut affecter notre performance sexuelle. On doit parfois vivre notre sexualité différemment, mais on découvre que ça peut être tout aussi satisfaisant. De toute façon, à nos âges, on ne baise plus comme à 20 ans. La qualité devient plus importante que la quantité », dit l’homme de 68 ans, dont le franc-parler est libérateur pour bien des hommes vivant leur cancer dans la honte.

« On n’a pas les moyens de se priver de nos frères, nos amis ou nos pères, par négligence. Messieurs, prenez rendez-vous avec votre médecin pour un bilan de santé », ajoute le fervent apôtre du dépistage et de la prévention.

Marchez avec Jean Pagé

Jean Pagé invite encore une fois cette année les hommes et ceux qui les aiment à la Marche du courage, une activité de financement qui se déroule toujours à la fête des Pères, soit le 21 juin cette année. On s’inscrit (minimum 50 $) au procure.ca

« Bon an mal an, nous sommes entre 500 et 1000 au Parc Jean-Drapeau à cette marche grand public de 5 km, à laquelle participent plusieurs personnalités connues et qui a lieu dans une ambiance très festive », résume le commentateur sportif et porte-parole bénévole de Procure, qui organise l’événement.

Pour les adeptes du vélo, le Tour du courage Procure se tient le même week-end, le samedi dans les Laurentides et le dimanche sur le circuit Gilles-Villeneuve. Pour participer, il faut former une équipe qui s’engage à amasser au moins 750 $ et s’inscrire au procure.ca

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Des chiffres à retenir

Le taux de survie 5 ans après le diagnostic est de 96 %

75 % des hommes ont plus de 65 ans au moment du diagnostic

Un homme dont le père ou un frère est touché par le cancer de la prostate a 2 fois plus de risque de l’avoir lui aussi

La ligne téléphonique d’aide pour les patients et les proches aidants est le 1 855 899-2873