Véritable icône de la chanson québécoise, Claude Dubois fait partie de nos plus célèbres auteurs-compositeurs et interprètes. Plus de 2 millions d’albums vendus et 50 ans de carrière n’ont pas altéré sa passion pour son métier et pour la vie. À 70 ans, il est comme Piaf : il ne regrette rien !
Si on lui attribue généralement 51 ans de carrière, Claude Dubois en réclame plus. « J’ai commencé à 14 ans, se souvient-il. Mon père a vécu une certaine insécurité face à mon orientation. À 15 ans, je me rappelle avoir reçu un chèque qui correspondait pour lui à deux ans de salaire. À partir de ce moment, il a trouvé ça moins débile que son fils chante… Je n’étais pas suffisamment mal pris pour ne pas pouvoir faire autre chose, mais comme j’avais quitté les études pour me consacrer à l’écriture de chansons, il aurait fallu que j’aille vers les affaires. J’ai exploré le domaine à ma manière, par le biais de la bourse notamment. J’ai eu la main heureuse, mais je me suis arrêté avant que tout crashe. Ça ne m’intéressait plus. »
Si la plupart des travailleurs songent un jour à la retraite, l’artiste croit qu’il faut plutôt maintenir ses passions. « Si on met de côté toutes ces choses qui nous ont passionnés toute notre vie durant et pour lesquelles on s’est levé tôt et couché tard, on s’ennuie, observe-t-il avec justesse. J’ai des amis qui l’ont fait : ils avaient l’air de chiens battus. Plusieurs ont recommencé à travailler et ce n’était pas une question d’argent. C’est la passion qui doit nous inciter à continuer. En ce qui me concerne, chaque fois qu’on me parle de retraite, j’évoque le souvenir de Maurice Chevalier… »
Homme de convictions
La passion justement, Claude Dubois connaît. « Ce qui m’occupe, ce sont mes deux jeunes enfants, dit-il. Le voyage qu’on fait à travers eux est irremplaçable… Je me passionne pour la poésie, la culture, mais aussi pour le combat que j’ai mené toute ma vie : notre existence de francophones minoritaires en Amérique du Nord. Je pensais que nous avions résolu un certain nombre de choses, mais ça reste d’une très grande fragilité. Avec Internet, nous ne retrouverons jamais le pouvoir que nous avions dans l’industrie du disque au Québec. Résister commence à coûter cher, mais c’est un défi qu’il me semble important de relever. »
Il rappelle que la culture américaine fait partie intégrante de sa vie. « J’ai vécu aux États-Unis. Mon premier mariage a été avec une New-Yorkaise qui ne parlait qu’anglais. Aux States, j’ai eu des propositions merveilleuses de producteurs fabuleux. Je ne les ai pas acceptées, non pas parce que j’étais trop snob, mais parce que ça ne correspondait pas à ce que je voulais. »
Vivre intensément
Des regrets, le chanteur n’en a pas. « Il m’est arrivé de me trouver con de ne pas avoir accepté de faire une chose ou une autre, nuance-t-il. On ne peut pas prétendre avoir toujours posé les gestes les plus appropriés. Je n’ai pas eu raison sur tout. Mais sur l’essentiel, je n’ai pas de regrets. Je vis encore comme ça me plaît, mais toujours par rapport à mes valeurs. Les gens ne le savent peut-être pas, mais j’en ai beaucoup ! » (rires)
Claude Dubois donne l’impression d’avoir toujours croqué dans la vie avec une intensité rare, sans jamais laisser passer une occasion. « Je n’ai pas pu faire tout ce que j’ai voulu faire, objecte-t-il, mais j’ai fait beaucoup de choses qui m’intéressaient. J’ai beaucoup voyagé, notamment. J’ai fait le tour du monde à plusieurs reprises et souvent mis ma carrière de côté pour voyager. Je n’ai pas été carriériste. C’est peut-être pour cette raison que j’ai duré… Je voulais comprendre ce qui m’entourait. Parfois, je n’avais aucun repère, mais je parvenais à communiquer au-delà des mots. Dans tous les pays du monde, l’art est un langage universel. Toutefois, mes plus beaux voyages se sont passés ici. Je me rappelle encore de la première fois que j’ai vu l’océan en Gaspésie. C’était merveilleux ! »
Un septuagénaire heureux
Claude Dubois assume pleinement son âge. Né en 1947, il a franchi le cap des 70 ans en avril dernier. « C’est un chiffre pour moi, avance-t-il. Ça ne me hante pas. Je n’ai jamais été concerné par mon âge, même lorsque j’étais jeune. Le temps n’existe pas. L’âge est un état d’esprit, mais notre corps nous parle. Quel que soit ton âge, si tu veux vivre des choses extraordinaires, être actif, ne pas t’écrouler : avance. Si ta santé t’en sacre une, tu vivras avec. »
Pour lui, il n’y a rien de plus fabuleux que de continuer à découvrir et de vouloir performer dans la vie. « Il faut faire travailler son cerveau et son corps. Il faut faire preuve d’une certaine discipline. Je pense qu’il faut avoir l’esprit ouvert. Moi, je suis ouvert à tout. C’est important d’avoir de l’appétit pour toutes sortes de choses… »
Photo : Bruno Petrozza