Jeanick Fournier : une nouvelle vie à 50 ans

Avec une voix puissante et un naturel désarmant, Jeanick Fournier a séduit à la fois le grand public et les juges de Canada’s Got Talent, et remporté l’édition 2022. À 50 ans, la chanteuse est la preuve vivante qu’il n’y a pas d’âge pour vivre un conte de fées.

 Un premier album

Avec un premier album en carrière lancé en octobre, Jeanick Fournier poursuit la grande aventure amorcée alors qu’elle remportait la saison 2022 de l’émission Canada’s Got Talent. Le premier extrait, I Surrender, est justement la chanson qui nous l’a fait découvrir. Elle l’interprète en duo avec Lindsay Ell, à qui elle doit le fameux Golden Buzzer.

« J’ai l’impression d’entrer par la porte des grands très rapidement, mais c’est comme si j’avais fait ça toute ma vie, admet-elle. J’ai toujours chanté. Pour cet album, Universal Music Canada m’a laissé carte blanche. À 50 ans, on sait ce qu’on veut et ce qu’on ne veut plus. Nous avons choisi les chansons ensemble. Sur 11 chansons, 9 vont nous rappeler bien des souvenirs. Je les ai chantées en masse dans les bars ! »

Jeanick explique que sur l’album, on trouve aussi deux chansons originales, une en français et une en anglais. « La chanson Ça ira rejoint mon côté humain, à l’écoute, rempli de compassion. C’est ce que je suis dans la vie, avec ma famille et aux soins palliatifs où j’ai travaillé. La chanson Moment, quant à elle, raconte l’histoire de ma vie, mon cheminement. Avant Canada’s Got Talent, j’ai fait un grand ménage émotionnel : j’ai placé des choses dans mon cœur, fait des choix, complété des deuils, choisi d’être encore plus à l’écoute de ma petite voix intérieure, de me respecter et me donner de l’amour. Le 20 mai dernier, j’ai eu 50 ans. C’était trois jours après avoir gagné. J’étais prête à accueillir cette nouvelle vie. »

Démystifier la différence

Malgré le succès, la femme est toujours proche des gens et n’a pas changé d’un iota. « Chaque jour, les gens me parlent, que ce soit au coin de la rue ou à l’épicerie. Ils me disent : « On a gagné ! On est tellement fiers ! » C’est ensemble que nous avons gagné, car ils ont voté pour moi. »

Mère adoptive de deux enfants trisomiques, Jeanick apprivoise cette gymnastique qu’impose la conciliation de tous ses statuts. Avec ses « cocos » – sa fille a 9 ans, son fils a 13 ans –, elle apprend à composer avec cette nouvelle vie.

« Quand j’ai vu l’engouement qui a suivi Canada’s Got Talent, j’ai compris que j’allais être souvent à Montréal. Je n’étais pas prête à déraciner les enfants, à quitter Chicoutimi. Ça va vite, je veux me donner du temps. Ma mission sur terre est d’abord de rendre mes enfants heureux et de les amener à se développer au meilleur d’eux-mêmes. Mais puisque j’ai un micro dans les mains, j’ai une autre mission : démystifier la différence. Je veux montrer aux gens qu’un enfant trisomique est un être extraordinaire. »

Cette mission, Jeanick en a senti très tôt l’appel. « Je connaissais la différence, car ma sœur avait une déficience intellectuelle majeure. À titre d’aînée, je voulais sauver ma famille. J’ai fait mon cours en éducation spécialisée que je n’ai pas terminé, car j’ai commencé à chanter dans les bars. »

Moment présent = bonheur

Infertile, elle a découvert l’association Emmanuel par l’intermédiaire de son ex-beau-frère, qui a adopté cinq enfants différents grâce à cette association.

« Il est arrivé un jour avec un beau François, âgé de 6 mois, trisomique et noir. J’ai compris que je voulais aller vers ces enfants. J’en ai adopté deux. Je suis en amour avec les trisomiques. Je les appelle mes petites étoiles de bonheur. Pour eux, seul le moment présent compte. Mon fils se lève le matin et dit : « Maman, c’est la journée du bonheur ! » »

À travers un véritable tourbillon professionnel, dont plusieurs spectacles, le quotidien auprès de ses enfants lui procure un bel équilibre.

« Je suis bien entourée. J’ai mes amis, mon amoureux, mes gérants, ma famille. Ils sont aidants, présents, respectueux. Mes parents, qui sont à Dolbeau, viennent me donner un coup de main. C’est la première fois de ma vie que je me sens vraiment sur mon X. »

Entre bars et soins palliatifs

À 16 ans, Jeanick chantait déjà dans les bars. Pendant 20 ans, elle a sillonné les routes, à la rencontre du public. « Je n’avais pas de maison, se souvient-elle. J’avais une roulotte sur un camping dans ma région et j’y vivais cinq mois par année pendant l’été. Le reste du temps, avec mon ex-conjoint, j’avais une mini-van et une remorque et je faisais la tournée des bars à travers le Québec. Ça été une école difficile, mais une belle école. Je recommencerais demain matin… »

Durant ces années dans les bars, Jeanick a fait ses études de préposée aux bénéficiaires et commencé à travailler en soins palliatifs. « À l’âge de 20 ans, j’ai accompagné mon père, qui est décédé dans une maison de soins palliatifs. Ça m’a permis de vivre des moments extraordinaires avec lui. Quand il est parti, je me suis dit qu’un jour, j’allais travailler dans ce domaine. Je l’ai fait pendant 17 ans, dans la même maison de soins palliatifs. J’ai toujours vécu beaucoup d’émotions. Je suis faite pour ça… »

On s’informe sur ses projets et ses spectacles au jeanickfournier.ca

Photo : Bruno Petrozza

Maquillage : Véronique Prud’homme