Histoire de chasse intergénérationnelle à Anticosti

Ce n’est pas parce qu’on part à la chasse qu’on doit se donner de la misère. Sur l’île d’Anticosti, les chasseurs de tout âge se donnent rendez-vous en auberges où ils sont traités comme des rois. Dans ce paradis naturel, tout le monde partage la même passion, voire la même obsession : traquer le cerf de Virginie.

Dès qu’on arrive à l’aéroport de Mont-Joli, porte d’entrée de l’île d’Anticosti, une évidence frappe aux yeux : la chasse insulaire n’a pas âge. Des adolescents partent avec leurs grands-parents. Des pères avec leurs fils et, plus rarement, avec leurs filles. Des oncles avec des neveux. Des copains de tout âge se regroupent.

Ce qui les attire : en plus du bon espoir de récolter leur part de viande sauvage biologique, les chasseurs débarquent sur ce bout de terre perdu dans le Saint-Laurent en vue de socialiser, partager des histoires de chasse, apprendre des trucs du métier et vivre une expérience hors du commun. « Le fait qu’on s’y rende en avion ajoute à l’unicité du voyage », affirme Benoît Voyer, responsable du service à la clientèle à Sépaq Anticosti.

De la chasse en formule tout inclus

Si Anticosti n’est pas le seul endroit où tisser des liens intergénérationnels à la chasse, les prestations qu’on y trouve favorisent ce genre d’aventure, car les chasseurs peuvent séjourner en formule tout inclus, comme à l’auberge McDonald, comme je l’ai expérimenté.

Dans ces lieux exclusifs, les clients profitent d’une pension complète et d’un service de guidage. Ils n’ont rien d’autre à faire que de consacrer leurs efforts en plein jour à débusquer les cerfs de Virginie et, en soirée, à relaxer, verre à la main, en bonne compagnie. Autour d’un feu crépitant, les grandes histoires de chasse se succèdent, avec moult détails et exagérations, comme il se doit.

Pierre-Yves Cyr, 34 ans, a laissé sa copine en plan ainsi que ses amis de son âge pour ce voyage à Anticosti. Comme frère d’armes, il a plutôt jeté son dévolu sur son oncle Michel Demers, 56 ans. Les deux hommes sont soudés par une passion sincère : la quête de panaches en tous genres. Et, en raison de leur différence d’âge et d’expérience, l’esprit de compétition n’existe pas (trop) entre les deux.

Pierre-Yves Cyr s’enthousiasme de chasser avec un « vétéran ». « Michel a 40 ans d’expérience comme chasseur. Depuis les débuts de la préparation de ce séjour, il me partage généreusement ses riches connaissances », dit Pierre-Yves, un professionnel dans le milieu de la finance, dont le père ne s’entiche pas de chasse sportive.

Cet échange ne se fait pas à sens unique. Bien que Michel Demers retire du plaisir à prendre Pierre-Yves sous son aile, il admire en même temps sa force de caractère. « Il ne gobe pas tout sans rien dire. Il fait ses recherches de son côté et il adapte mes conseils à sa manière. Et puisqu’il est un passionné de cuisine, je pense qu’il va pouvoir m’en apprendre beaucoup dans ce domaine », dit ce comptable à son compte.

Chasse fine ou à l’affût

Pour initier des chasseurs, Anticosti comporte de nombreux avantages. Son abondance de cerfs de Virginie, plus de 40 000 – toutefois en forte baisse depuis une décennie –, pardonne les erreurs de débutant. « Un chasseur inexpérimenté aura beaucoup plus de chances de voir des cerfs et d’en abattre un que partout ailleurs au Québec », explique Philippe Lachapelle, responsable des opérations à Sépaq Anticosti et ex-guide pendant 13 ans.

Il est également possible de pratiquer différentes techniques de chasse sur l’île : chasse fine (on marche pour débusquer le gibier), chasse à l’affût (on l’attend dans une cache) ou encore chasse en camion (on déniche une proie puis on sort du camion pour la récolter). Ceci permet d’accommoder les gens de toute condition physique.

L’inclusion des guides dans l’équation « chasse intergénérationnelle » relâche la pression sur le mentor. Bien que Michel souhaite le succès de Pierre-Yves, le quinquagénaire pouvait se concentrer à ses propres affaires pendant le séjour, laissant parfois son poulain aux mains des experts du territoire.

« La personne moins expérimentée ira chercher des conseils du guide et les partagera ensuite avec son mentor. Ça fait un échange moins unidirectionnel entre les générations », constate Benoît Voyer.

Le comportement des cerfs anticostiens constitue un autre avantage. En effet, en l’absence de prédateurs autres que les bipèdes, les cervidés sont davantage actifs de jour sur ce territoire alors qu’habituellement, ils s’activent la nuit.

Au terme de leur premier séjour en commun, Pierre-Yves et Michel sont revenus chacun avec deux cerfs. Des bouffes communes sont à prévoir, en présence des femmes, cette fois-ci. Sur le chemin du retour, les deux hommes planifiaient déjà leur prochaine aventure. Michel doit toutefois rester sur ses gardes. Un jour, l’élève dépassera le maître !

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Guide pratique

  • Saison de chasse : du 26 août au 16 décembre 2020
  • Coût : les forfaits gros luxe comprennent : transport aérien Mont-Joli/Port-Menier, hébergement en pavillon (chambre occupation double) et tous les repas, service de guidage et préparation du gibier. Possibilité de récolter deux cerfs de Virginie par chasseur. 3 530 $/chasseur pour 7 nuits (septembre et octobre); 4 060 $/chasseur pour 5 nuits (novembre)
  • sepaq.com/sepaq-anticosti/chasse

Photo : Sépaq