Grand-parent : le plus beau rôle

Bien des nouveaux grands-parents le confirment de leur sourire béat : ce rôle tant espéré est le plus beau de leur vie. Mais son interprétation étant plus complexe que jamais, il est essentiel d’adopter les bonnes attitudes afin que cette relation soit harmonieuse pour tous, parents y compris. Petit guide pour grands-parents d’aujourd’hui.

D’abord, un état des lieux. De nos jours, les grands-parents n’ont rien à voir avec ceux des générations précédentes. Ils sont jeunes, actifs et leur espérance de vie leur permet d’aspirer à une relation au long cours avec ces petits êtres qui font des mots « mamie » et « papi » la plus belle musique qui soit.

Autre réalité nouvelle : le papy-boom, les baby-boomers ayant atteint massivement l’âge de recevoir ce cadeau du ciel. Résultat : il y a aujourd’hui plus de grands-parents que de petits-enfants. Par ailleurs, avec le phénomène des familles recomposées, on assiste parfois à la multiplication des paires de grands-parents pour un même enfant…

Un ancrage essentiel

Dans un monde changeant qui tourne à toute vitesse, les grands-parents sont un ancrage essentiel. « Les grands-parents sont une source d’affection, d’apaisement, de sécurité et de stabilité familiale, autant pour leurs enfants que pour leurs petits-enfants. Ils favorisent aussi la construction de l’estime de soi. Leur rôle social est inestimable et ils représentent un bon facteur de santé publique sur le plan social », affirme Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.

Francine Ferland, ergothérapeute et auteure de Grands-parents aujourd’hui – Plaisirs et pièges (Éditions du CHU Sainte-Justine), ajoute qu’ils peuvent être une panoplie d’autres choses encore : des passeurs de la mémoire et des traditions familiales, des transmetteurs de valeurs, des confidents, des complices, etc.

« Les bienfaits pour les petits-enfants sont immenses et, en retour, les grands-parents en retirent de l’amour, une stimulation physique et intellectuelle, un sentiment de continuité et beaucoup de soleil dans leur quotidien », fait valoir Mme Ferland.

En effet, l’absence des responsabilités et des obligations liées au rôle de parents permet aux grands-parents de goûter enfin au plaisir d’aimer sans faire de discipline. De plus, ce bonheur est offert à temps partiel, laissant aux papis et mamies la possibilité de se donner à fond, puis de récupérer. Le meilleur de deux mondes, quoi !

Plaisir et disponibilité

Il n’existe pas un modèle de grand-parent idéal. Mais les deux spécialistes en conviennent : un bon grand-parent prend plaisir à l’être et est disponible. Il comprend aussi qu’il s’agit d’un rôle de soutien fait de bonheurs doux comme des câlins d’enfant mais aussi d’une part d’abnégation.

« La majorité des grands-parents d’aujourd’hui veulent créer une relation affective chaleureuse, dans le plaisir et l’harmonie des générations, qui tranche de la relation stricte et autoritaire qui a caractérisé leur lien avec leurs propres grands-parents », résume Francine Ferland.

Des attitudes gagnantes

L’idéal est de réfléchir à l’avance au type de grand-parent qu’on souhaite être et en discuter ouvertement avec les futurs parents. Puis, un jour ou l’autre, ça y est ! Avec humilité, les grands-parents doivent alors se mettre en mode apprentissage, s’ajuster en cours de route et apprendre de leurs erreurs, tout comme ils l’ont fait comme parents.

Voici quelques attitudes pour partir du bon pied votre carrière de grand-parent ou rétablir de meilleures relations si elles sont chancelantes :

Pratiquer la non-ingérence : S’immiscer dans les décisions parentales est le plus dangereux piège qui guette les grands-parents. Il peut s’agir de commentaires, de critiques ou d’insinuations qui donnent l’impression aux parents d’être incompétents. Il faut laisser les parents éduquer leurs enfants comme ils l’entendent et jouer pleinement leur rôle. Lorsque les grands-parents sont aussi les gardiens pendant que les parents sont au travail, le risque d’ingérence est encore plus élevé. Un grand respect est de mise !

Être présent sans être envahissant : « Prenons par exemple une femme qui voudrait assister à la naissance de sa petite-fille. Elle peut s’imposer ou dire qu’elle serait heureuse d’être dans la salle d’accouchement mais qu’elle peut aussi patienter dans la salle d’attente, selon ce que les parents souhaitent », explique la présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.

Ne pas prendre parti : Choisir systématiquement le camp des enfants ou celui des parents sème la confusion dans l’esprit des petits-enfants et complique les relations grands-parents/parents. Mieux vaut rester neutre.

Tracer ses limites : Il faut se sentir libre de refuser de garder ou de rendre tel ou tel service. « Si les grands-parents disent toujours oui, ils en viennent à se sentir obligés et à renoncer à leurs propres activités. Dire non aux parents les force à se constituer un réseau social plutôt que d’avoir une seule ressource de dépannage », fait remarquer Mme Ferland.

Éviter toute rivalité : Les divergences d’opinion entre la mère et la fille ou la mère et la bru à propos de l’éducation des enfants sont monnaie courante. « La sagesse d’une grand-mère n’est pas de nier avoir des divergences avec sa fille ou sa bru, mais bien de les garder pour elle », indique Francine Ferland. On évitera aussi le piège des grands-parents gonflables donnant dans la surenchère de cadeaux, en se concentrant plutôt à tisser des liens chaleureux avec nos petits-enfants, dont le caractère unique et authentique les enrichira.

Ne pas juger : « Les grands-parents doivent transmettre leur savoir comme s’ils racontaient une histoire. Ils peuvent soulever les différences entre ce qui a cours aujourd’hui et comment c’était avant, mais sans jugement de valeur du genre « C’était mieux dans mon temps ». Aussi, ils doivent s’intéresser à comment ça se passe maintenant », explique la psychologue Christine Grou.

Des situations particulières

Voici quelques pistes de solution dans le cas de situations qui nécessitent un surplus d’adaptation de la part des grands-parents :

Grands-parents dans une famille recomposée : « La question n’est pas d’arriver ou non à aimer un petit-enfant autant que l’autre. Les grands-parents doivent plutôt se rendre compte qu’ils sont les mieux placés, par leur attitude de bienvenue, pour faire accepter par le reste de la famille les enfants de la personne avec qui leur fils ou leur fille a refait sa vie », indique Francine Ferland.

Grands-parents de jumeaux ou d’enfants différents : Dans ces situations spéciales, les parents ont besoin de sentir que les grands-parents sont présents pour eux. « Les grands-parents peuvent accomplir des tâches concrètes pour soulager les parents : cuisiner des plats, faire le ménage, faire les courses, garder à l’occasion. Parfois aussi, les parents ont davantage besoin d’être écoutés, sans critique ni jugement », explique Mme Ferland.

Grands-parents de petits-enfants éloignés : Grâce au téléphone et aux applications qui permettent de voir le visage de notre chérubin sur notre tablette tout en lui parlant, il est possible de faire en sorte que la distance ait moins d’importance. L’envoi de lettres, de photos et de cartes par la poste aura aussi pour effet de faire fondre les kilomètres.

Grands-parents lors d’une séparation : Lors d’une séparation des parents, la relation entre les grands-parents et les petits-enfants doit demeurer une oasis de sécurité et de stabilité. « Les grands-parents ne doivent pas s’improviser médiateurs, ne pas jouer au psy ni prendre parti », résume Mme Ferland.

Grands-parents qui doivent faire valoir leurs droits : Malheureusement, il arrive que des grands-parents ne puissent voir leurs petits-enfants en raison du refus des parents. Les grands-parents peuvent alors s’adresser à la Cour pour obtenir des droits d’accès envers leurs petits-enfants, car la loi prévoit spécifiquement ceci : « Les père et mère ne peuvent sans motifs graves faire obstacle aux relations personnelles des enfants avec leurs grands-parents ».

Recherchées : bonté, gaieté et sagesse

En terminant, retenez que les petits-enfants apprécient particulièrement trois qualités du cœur chez leurs grands-parents : la bonté, la gaieté et la sagesse.

À l’inverse, ils détestent que leurs grands-parents s’inquiètent ou se plaignent continuellement. Alors, si le chapeau vous fait, il est temps de changer d’attitude…

Mode d’emploi pour grands-parents gagas

Bonne nouvelle pour les grands-parents gagas : on ne peut pas trop aimer notre petit-enfant ni lui donner trop d’attention. Par contre, on peut mal l’aimer, en le couvrant de cadeaux, par exemple.

« Si des cadeaux sont offerts à tout moment, ils risquent de perdre leur pleine signification et de provoquer des tensions avec les parents », écrit Francine Ferland dans Grands-parents aujourd’hui – Plaisirs et pièges. Puisque les grands-parents sont des modèles pour leurs petits-enfants dans tout ce qu’ils font, ils doivent aussi penser aux valeurs que cette surabondance véhicule.

Par ailleurs, il est tout à fait acceptable de laisser libre cours à la douce folie qui s’empare de nous lorsqu’on devient grand-parent et de dire à tout un chacun que notre petit-fils est le plus beau, nombre de photos à l’appui.

Il est normal également de vouloir le voir souvent, mais il faut prendre garde de devenir trop envahissant pour les parents. « Il vaut mieux se laisser désirer un peu », suggère Mme Ferland.

Aussi, évitez à tout prix de devenir comme tous ces grands-parents qui n’ont d’yeux que pour leur nouveau petit trésor, oubliant presque l’existence des parents, qui pourtant auraient bien besoin d’écoute et de réconfort !

Photo : Bruno Petrozza