Gourmand Bégin

Christian Bégin maintient une cadence professionnelle enviable en multipliant les projets à la télé tout en poursuivant sa tournée du Québec avec son spectacle d’humour Les 8 péchés capitaux. À l’aube de ses 60 ans, cet hyperactif assumé se laisse porter par une insatiable gourmandise face à la vie.

 Une période foisonnante

 De retour dans l’ultime saison des Mecs, Christian se réjouit de l’équilibre qui s’est établi entre l’humour et l’émotion. « Mais ça ne va pas mieux pour ces gars-là, nuance-t-il. Christian connaîtra quelques prises de conscience volatiles. Et la série se conclura, pour les gars, sur un certain apaisement face à ce qu’ils sont. Manifestement, ils doivent arrêter d’être en crisse contre tout le monde… »

L’animateur a aussi entrepris sa 7e saison à la barre de Y’a du monde à messe. « L’émission s’est inscrite dans le paysage télévisuel d’une manière significative, croit Christian. La formule reste la même, mais la contribution de la chorale ne cesse d’augmenter, et elle participe au succès de l’émission. » Curieux Bégin est aussi de retour pour une 15e saison, un fait relativement rare à la télévision québécoise. Le fait que l’émission culinaire séduise les 20 à 70 ans n’est pas étranger à son succès.

Échapper aux étiquettes

Celui qui cumule les mandats à long terme prend la mesure de son privilège. « Surtout dans le contexte actuel, prend-t-il le temps de spécifier. Ce ne sont pas des trônes, ce sont des sièges éjectables ! En toute humilité, si je ne faisais pas bien mon travail, je ne le ferais plus. Si je suis encore là, c’est parce que ça trouve encore un écho auprès du public et que j’éprouve encore du plaisir à faire ces émissions. »

Il note qu’il a toujours construit sa trajectoire professionnelle de la même manière. « Quand je n’ai plus de travail, je m’en crée. L’une des choses qui me réjouissent le plus à travers ces 38 années de métier, c’est d’avoir su diversifier mes champs d’action. Je n’ai jamais été enfermé dans une boîte. Je ne suis pas seulement un animateur, un comédien ou un metteur en scène. J’ai réussi jusqu’à présent à esquiver cette tendance à encapsuler les gens. »

Si certains projets s’arrêtaient, il rebondirait ailleurs. « J’aime partir des projets. Je suis un hyperactif. J’ai besoin d’être en action. J’ai appris à faire la paix avec ça, à lâcher prise et à accepter que je ne compte pas ralentir… »

Travailler le garde vivant et connecté à lui-même. « Être un artiste, c’est être en conversation avec le monde. Et pour l’être, il faut rester participant du monde. On ne peut pas se mettre en jachère pendant des années et suivre le rythme qui change à une vitesse fulgurante. Suivre la puck, c’est tout un mandat, et pas juste pour un gars de mon âge ! »

Seul sur scène

L’humoriste est en tournée québécoise et en supplémentaires en région ainsi qu’en supplémentaire au Gesù de Montréal le 29 avril avec son spectacle Les 8 péchés capitaux (christianbegin.ca). « René Brisebois m’a suggéré de revenir seul sur scène après 25 ans. Prendre parole publiquement après tant d’années, ça prêtait flan à toutes sortes d’attentes. Comme j’aborde plusieurs sujets controversés ou sensibles, cela m’oblige à m’assurer que les gens comprennent que je suis dans un processus d’autodérision plutôt que dans une perspective critique ou morale. C’est une belle aventure, mais qui m’aura demandé une grande capacité d’adaptation et d’écoute, face à la critique, notamment. Le spectacle est en constante évolution, moi aussi. »

Sur un plan plus personnel, le « péché » de Christian Bégin est assurément la gourmandise. Mais pas nécessairement pour les raisons qu’on imagine. « On connaît mon rapport à tous les plaisirs. La gourmandise, je la ressens à tous les égards. Même face à la vie, j’éprouve une espèce de gourmandise. »

Propriétaire, avec une amie, de l’épicerie du village de Kamouraska, Le jardin du bedeau, Christian Bégin aurait-il la fibre entrepreneuriale ? « Oui, assurément, mais je ne pense pas posséder toutes les qualités requises pour l’être. De par mon métier de pigiste, je considère être un entrepreneur. Il faut gérer sa carrière. Toutefois, j’ai choisi d’être administré par une comptable et de faire partie de l’Agence Maxime Vanasse. Ça a changé ma vie ! »

La soixantaine à un jet de pierre

Christian Bégin célébrera ses 60 ans en mars prochain. « Je ne suis pas totalement en paix avec l’idée de vieillir, bien que ce soit inéluctable. J’en suis à une période de ma vie où je me sens vraiment bien. Plusieurs de mes besoins sont comblés. Je suis heureux, nourri, aimé, entouré, en santé. Ma famille va bien, mon métier aussi. Je suis à un bel endroit en ce moment. J’aurais envie que le temps s’arrête. »

Il y a quelques années, un cousin lui avait proposé de visualiser la durée de son existence grâce à un mètre en bois. « Chaque centimètre équivaut à une année. Peu de gens se rendent à 100 ans. Selon mon espérance de vie, en utilisant le mètre, il m’a montré ce qu’il me restait à vivre… Cet exercice a donné une espèce de poids aux années à venir. Ce qui me bouleverse, c’est de penser que je n’aurai peut-être pas le temps de faire tout ce que j’ai envie de faire. Cela m’oblige à me questionner. Comment occuper le temps qu’il me reste ? De quoi ai-je envie que ces années soient faites ? Je souhaiterais être serein face à ce processus. Mais pour moi, ça reste un travail perpétuel… »