Dany Turcotte: le fou du roi se met à nu

Dany Turcotte a toujours été plutôt discret sur sa vie privée. Mais avec la publication de sa biographie intitulée D. Turcotte & fils, le fou du roi qui suscitait les confidences à Tout le monde en parle se déleste de son habituelle réserve. Au fil des pages de ce livre publié aux Éditions La Presse, il relate une enfance marquée par la faillite et les problèmes de santé mentale de son père, et révèle aussi ses histoires d’amour, ses amitiés ainsi que son extraordinaire parcours professionnel.

C’est en lisant la biographie de Stéphane Rousseau que Dany a eu l’idée d’écrire la sienne. L’exercice s’est avéré thérapeutique pour celui qui a vécu des événements traumatisants, tant dans sa vie privée que publique. « Finalement, c’est comme si ma thérapie était en vente, s’amuse-t-il à dire au sujet de son livre. Je ne parle pas que de moi : je parle beaucoup des autres. Outre le récit des événements qui ont jalonné ma vie, ce livre est aussi une manière de rendre hommage à des gens qui m’ont influencé, qui ont été des mentors et qui sont décédés. »

Au fil des ans, l’humoriste et animateur a perdu plusieurs proches : son compagnon d’humour et ami, Dominique Lévesque; son ex-conjoint, André, victime d’un accident de voiture qui l’avait laissé paraplégique; et Benoît, un compagnon de travail. « Ces décès m’ont frappé en plein visage, dit-il. La vie se terminera pour tout le monde, mais nous ne savons pas quand. Heureusement! Ça crée une urgence de vivre. Comme ce sont des gens pour qui j’ai beaucoup d’affection, ça m’a fait du bien d’écrire sur eux. L’écriture est une activité qui me va très bien. Toute ma vie, j’ai été entouré : avec le Groupe sanguin, à Tout le monde en parle, à l’animation de La petite séduction. Maintenant, je suis heureux d’être seul devant mon ordinateur avec mon thé. »

De millionnaires à l’aide sociale

Si nous sommes le fruit de notre enfance, Dany convient que la sienne a largement contribué à l’homme qu’il est devenu. « C’est une enfance qui m’a formé, croit-il. Nous sommes passés de millionnaires à l’aide sociale. Parce que mon père a fait faillite, je sais que l’argent peut disparaître. Ces événements ont fait de moi une personne prudente. Je suis surtout traumatisé de mon enfance. C’est quand même toute une débarque, une chute sociale! Quand j’ai commencé à passer le journal à 13 ans, ce n’était pas que pour le plaisir : il fallait que je le fasse. Ces événements ont contribué à faire de moi un homme sensible, attentionné et rempli d’empathie. Je comprends le malheur des autres, car j’ai baigné dedans. »

Le jeune Dany a évolué au sein d’une famille de cinq enfants, auprès d’un père qui souffrait du trouble bipolaire sans le savoir. « Il a toujours été un être d’exception. Nous ne comprenions pas ses comportements. Ça se bousculait dans sa tête, car la chimie de son cerveau était déréglée. Il buvait beaucoup, car c’était sa manière de s’automédicamenter. Parallèlement, c’est la personne la plus heureuse que j’ai connue. Il avait des aptitudes pour le bonheur, même à l’hôpital psychiatrique, même au fond de l’abîme. Je lui ai acheté une maison pour qu’il retrouve sa fierté, et il était fier! Un jour, on l’a retrouvé mort en boxeurs dans sa chaise berçante. Il a eu une belle mort. Ma mère, Noëlla, est toujours là. C’est une femme drôle, intelligente, cultivée. Comme mon père buvait et était souvent sur la route, elle a élevé ses cinq enfants toute seule. »

Dany Turcotte

Deux sorties du placard 

« Quand on est connu, on a deux sorties du placard à faire : une auprès de notre famille, l’autre, auprès du public », rappelle celui qui a révélé médiatiquement son homosexualité en 2005, puis réalisé Le dernier placard — Vieillir gai, un documentaire sur la réalité des personnes aînées issues de la communauté LBGTQ+. « Je tiens à parler d’homosexualité, car en 2024, il y a encore des préjugés, des remarques désobligeantes. Il faut rester vigilant. »

Célibataire depuis peu, Dany a vécu de belles histoires d’amour. « Habituellement, mes relations durent sept ans, dit-il. Je n’ai pas été célibataire souvent. J’ai confiance en l’avenir, mais je vais peut-être rester seul jusqu’à la fin de mes jours. La solitude ne me fait pas peur, car on peut la briser. C’est important de le faire, car sinon, ça risque de miner la santé physique et mentale. »

À la veille de ses 60 ans, Dany, qui est membre de la FADOQ, demeure confiant envers ce que le futur lui réserve. « Compte tenu des pertes que j’ai connues, j’aborde la soixantaine avec beaucoup d’humilité. Il y a toujours la crainte de tomber malade, de perdre ses facultés, mais je vis au jour le jour. Je veux profiter du temps qui passe, avoir des projets qui m’allument. Mais avant de me lancer, j’analyse. C’est l’avantage de vieillir : on fait de bons choix. Enfin, en principe… » (rires)

Une vague de soutien

Du côté professionnel, Dany se sent aussi reconnaissant pour tous les projets qui lui ont été confiés. « De ma run de journaux à Jonquière au plateau de Tout le monde en parle, je suis fier de mon parcours. Je n’ai jamais manqué de travail depuis l’âge de 16 ans. Les projets se sont enchaînés comme un vrai domino! Quand j’ai arrêté Tout le monde en parle, ça m’a fait du bien. C’était la fin d’un essoufflement de 40 ans. Avec la pandémie, le direct, l’absence de public, les sujets qui tournaient autour des morts, des vaccins, des CHSLD, mon rôle n’était plus pertinent. »

À l’époque, le fou du roi a été happé par deux grandes vagues : celle des gérants d’estrade qui l’ont critiqué, et l’autre de son fidèle public, solidaire après sa démission. « J’ai senti une grande vague d’amour, confirme-t-il. On me klaxonnait sur la rue, m’envoyait la main, m’arrêtait. Ça m’a vraiment fait du bien. Maintenant, mon grand plaisir, c’est de regarder l’émission chez moi et de pouvoir changer de chaîne quand ça me tente! » (rires)

Nos remerciements au café-buvette Le Petit Dep de Griffintown, qui nous a accueillis pour la séance photo.

Livre de Dany Turcotte

Turcotte et fils Dany Turcotte Éditions La Presse 36,95$