Continuer de travailler… ou pas ?

Au moment où plusieurs prennent leur retraite, de plus en plus de travailleurs d’expérience demeurent en emploi. Certains le font délibérément, d’autres par nécessité. Portrait d’une situation qui évolue rapidement.

Autrefois, une majorité d’employeurs estimaient avantageux de remplacer un travailleur âgé par un plus jeune, question de dynamiser l’entreprise ou pour économiser. Ainsi, en 2016, la période de chômage moyenne des 55 ans et plus était de 28,8 semaines, comparativement à 21,2 semaines pour les 25-64 ans. De l’âgisme à l’état pur.

Mais la COVID-19 a tout changé.

Effectifs des hôpitaux et des services de garde à bout de souffle, salles à manger de Tim Hortons fermées en permanence, manufacturiers refusant des contrats à la chaîne : c’est la nouvelle réalité du marché du travail. Dans ce contexte, les travailleurs âgés ont plus de pouvoir qu’avant. D’autant plus que le tiers de la population (32,4 % des Québécois) a 55 ans et plus.

Signe des temps, les travailleurs d’expérience repoussent davantage leur retraite. Au Québec, le taux de départ à la retraite après le cap des 60 ans est passé de 56,6 % en 2009 à 72,9 % en 2018, un phénomène qui n’est d’ailleurs pas que québécois ou canadien.

Travailler pour vivre

Mais derrière ces chiffres, des millions de personnes reportent-elles leur retraite par plaisir ou par obligation ?

Car pour prendre sa retraite, il faut en avoir les moyens. Et de plus en plus longtemps. Les Canadiennes vivent en moyenne 22 ans après 65 ans et 19,5 ans pour les hommes, selon Statistique Canada.

Or, nombreux sont ceux qui doivent repousser la retraite pour des raisons économiques, notamment l’endettement. Celui des Québécois âgés a bondi de 76 % entre 1999 et 2015. Quant au nombre de faillites chez les Québécois de 65 ans et plus, il a explosé de 20 % entre 2013 et 2018. En 2021, 15,2 % des dossiers d’insolvabilité au Québec concernaient des 65 ans et plus.

Malgré tout, nombreux sont ceux qui espèrent dire « bye-bye boss » avec zéro endettement. C’est souvent tout un défi, car quatre Québécois âgés sur dix avaient une dette en 2016.

Pas de fonds de retraite ?

La réalité ne serait pas si inquiétante si les gens étaient adéquatement couverts par un régime de retraite, ce qui n’est pas le cas. Seulement 41 % des travailleurs du secteur privé (100 % au public et dans la construction) participent à un régime de retraite, selon la Régie des rentes du Québec (RRQ).

Au privé, 62 % des travailleurs bénéficient d’un REER collectif, 19,6 % d’un régime à cotisations déterminées et 17,7 % d’un régime à prestations déterminées.

Lutter contre l’ennui

Par ailleurs, plusieurs restent sur le marché du travail ou y retournent simplement pour côtoyer d’autres êtres humains, avoir le sentiment de contribuer à la société, rendre service.

Mais ce n’est pas avantageux pour tout le monde. Ceux qui touchent la RRQ n’ont droit à une exemption que pour les premiers 3500 $ de revenus de travail supplémentaires, sans devoir cotiser au régime public. Par contre, certains contournent cette contrainte en cotisant à leur REER jusqu’à l’année de leurs 71 ans. D’autres demandent à Retraite Québec de reporter le versement de leur rente (la rente sera augmentée de 0,7 % pour chaque mois écoulé depuis le 65e anniversaire, jusqu’à un maximum de 42 % à 70 ans) ou encaissent des crédits (pour personne vivant seule, en raison de l’âge ou pour revenus de retraite).

Les travailleurs qui reçoivent le Supplément de revenu garanti (SRG) doivent aussi prendre garde. En effet, leur revenu d’emploi excédant les seuils permis pour avoir droit au SRG (moins de 19 464 $ pour une personne seule et de 25 728 $ pour un couple) doit se limiter à 5 000 $ pour bénéficier d’une exemption de gain totale. Une exemption de gain partielle de 50 % s’applique ensuite jusqu’à 10 000 $ en revenu d’emploi au-delà des 5 000 $.

L’essentiel plan de match

Que faire si l’on approche les 60 ans et qu’on est endetté, mais écœuré de travailler ? «On consulte un conseiller financier, un planificateur financier ou un conseiller budgétaire d’une ACEF (monacef.ca), pour se faire tirer un portrait clair de sa situation financière. C’est rassurant d’avoir un plan de match, de savoir à partir de quand on pourra respirer. Ça diminue le stress et ça donne des options en fonction du style de vie qu’on veut maintenir à la retraite.

Contrairement à autrefois, refinancer l’hypothèque ou les dettes jusqu’à 75 ou 80 ans ne pose aucun problème si ça permet de payer les factures et de faire autre chose que de seulement regarder la télé…

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Urgent besoin d’incitatifs

Alors qu’une pénurie de main-d’œuvre sévit, le Réseau FADOQ réclame des deux paliers de gouvernement des mesures destinées aux travailleurs d’expérience qui souhaitent demeurer en emploi. En voici quelques-unes :

  • Créer un crédit d’impôt pour travailleur d’expérience : une demande de longue date du Réseau FADOQ et une promesse du gouvernement Trudeau lors de la dernière campagne électorale.
  • Prolonger la bonification du RRQ jusqu’à 75 ans, à raison de 8,4 % par année travaillée. Une telle mesure pourrait également être applicable pour la pension de la Sécurité de la vieillesse.
  • Offrir la possibilité pour un travailleur actif retirant sa rente de retraite d’arrêter de verser ses cotisations au RRQ, sous certaines conditions.
  • Doubler la période pendant laquelle une personne peut décider de cesser de recevoir sa rente de la RRQ afin de retourner sur le marché du travail.
  • Modifier le crédit d’impôt pour la prolongation de carrière afin d’en faire un crédit d’impôt remboursable.