Chrystine Brouillet : Maud… et Myriam

On associe l’écrivaine Chrystine Brouillet à son célèbre personnage, l’enquêtrice Maud Graham. Mais voilà qu’elle lance Sa parole contre la mienne (nous présentant du même coup une nouvelle héroïne, la journaliste Myriam. Est-ce le début d’une nouvelle série?

« Je ne sais pas », avoue en entrevue la prolifique auteure, qui a déjà plus de 50 livres à son actif. Du même souffle, elle rassure ses fans : Maud Graham reviendra l’an prochain pour une 20e enquête. Par la suite, son fils adoptif Maxime prendra de plus en plus le relais.

Des prédateurs sexuels sans vergogne

Mais revenons à la journaliste Myriam, aussi assoiffée de justice que Maud. Autre similitude, Sa parole contre la mienne, disponible en librairie aujourd’hui aux Éditions Druide, traite d’un sujet qui a été au cœur de bien des enquêtes de Maud : les agressions sexuelles.

Après une courte pause à l’entrevue, le temps que l’auteure réponde à la porte et gère son chat, « un fugueur de première catégorie », Mme Brouillet explique que l’intrigue du livre se déroule de 1985 à 2017, à Québec et à Montréal. On y suit des prédateurs sexuels de leur jeunesse à aujourd’hui, dont un animateur vedette originaire de Québec.

« Lorsque la pandémie a éclaté, ma première pensée est allée aux femmes victimes de violence conjugale qui se trouvaient confinées avec leur bourreau. J’ai aussi eu très peur que le mouvement #MoiAussi soit emporté par le tsunami de la pandémie. Je me suis dit que je devais écrire un livre sur les prédateurs sexuels pour apporter ma pierre à l’édifice. Finalement, le mouvement n’est pas du tout mort. Et c’est une bonne chose, car c’est un sérieux problème de société, qui ne concerne pas juste les femmes », explique l’auteure.

Avec des thèmes récurrents tels que la violence conjugale et l’homophobie, cherche-t-elle dans son œuvre à sensibiliser ses lecteurs, à les éduquer face à ces fléaux? « Quand j’écris un roman, c’est d’abord pour distraire des gens. Mais si l’on apprend en même temps, que ça nous fait réfléchir, que ça nous amène à nous poser des questions, ce n’est pas plus mal. Il y a vraiment une prise de conscience en ce moment et cette prise de conscience est très saine. »

L’écrivaine gastronome

Lire des romans de Chrystine Brouillet, c’est aussi se délecter en mots de plats servis dans des restaurants de Québec, goûter en pensée les spécialités qui font la renommée des boulangeries et autres boutiques gourmandes et, bien sûr, humer les grillades sur le barbecue de la cour arrière de Maud.

« Je suis très gourmande et je fais beaucoup la cuisine, alors c’est normal que cet intérêt se retrouve dans mes livres. De plus, je me suis rendu compte qu’il y avait de nombreux gourmands chez les policiers, pour qui c’est réconfortant de se réunir non pas autour d’un corps, mais aussi autour d’une table. D’ailleurs, de façon générale, la gastronomie est très présente dans les romans policiers. »

Toutefois, Chrystine Brouillet tient à mettre une chose au clair : elle fait mieux la cuisine que Maud, même si celle-ci s’est améliorée au fil des romans.

« Je doute complètement de mon talent d’écrivaine mais je ne doute pas du tout de mes talents de cuisinière », lance-t-elle.

Écrire un jour…

Et songe-t-elle un jour à ranger sa plume? « Ça m’étonnerait que j’arrête d’écrire. Mais en même temps tout est possible. J’écris dans le doute alors peut-être qu’un jour je vais en avoir assez d’être anxieuse. Par contre, si je n’écris pas, je ne suis pas bien. J’ai l’impression d’être à l’étroit dans ma peau. Si je n’écris pas pendant quelques semaines, je commence à être un peu agressive. Alors, c’est préférable pour mon entourage que je me réinstalle devant l’écran! »

Quant à ses sources d’inspiration, elle dit que c’est la société qui les lui fournit. « Tant qu’il y aura des crimes contre la personne, j’aurai de la matière. Et ce n’est pas ce qui manque en ce moment… »

Qu’il est difficile… de vieillir

Et qu’a-t-elle à dire sur l’inexorable passage du temps ? « Le seul avantage au vieillissement, ce sont les amitiés qui prennent joliment de l’âge comme les grands vins. Le reste du temps, je ne vois aucun intérêt à vieillir. »

Elle explique qu’il y a une notion de temps qui s’inscrit forcément en vieillissant. « Par exemple, j’ai un nouveau chat. Je me dis que s’il vit 15 ans, c’est mon dernier chat. Des dernières fois commencent ainsi à s’installer et ce n’est pas agréable. Mais en même temps, ça fait partie de la vie. »

Et contrepartie, il y a dans ses soupers de filles des personnes qui lui servent de modèles pour ne pas vieillir tout en sagesse, telles que Michelle Labrèche-Larouche. « C’est mon idole! »

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Suggestions de lectures

Chrystine Brouillet estime que nous sommes privilégiés de compter au Québec autant de bons auteurs de polars. Elle y va de deux suggestions parmi des parutions récentes :

  • Zec La croche, de Maureen Martineau (Éditions Héliotrope)
  • Bienvenue à Meurtreville, d’André Marois (Éditions Héliotrope)

Photo : Maxime G. Delisle