Calmants : le risque croît avec l’usage

On les connaît sous plusieurs noms presque synonymes : calmants, somnifères, tranquillisants, anxiolytiques, benzodiazépines. Au Québec, une personne de 65 ans et plus sur trois en consomme. Banal, donc, d’en avaler au besoin ou sur une base quotidienne pour calmer l’insomnie ou l’anxiété ? Pas du tout ! Il s’agit d’un véritable problème de santé publique, car le risque croît avec l’usage.

« Ces médicaments-là sont faits pour être pris pendant une ou deux semaines, lors d’un deuil ou d’un passage de vie difficile. Ensuite, il faut en cesser l’utilisation. Or, bien des gens en prennent depuis des années, parfois même sans savoir qu’ils font partie de leur médication, ce qui est associé à plusieurs conséquences négatives sérieuses », fait valoir le Dr Sébastien Grenier, psychologue clinicien et chercheur à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

Parmi ces conséquences fâcheuses, il y a une dépendance physique et psychologique ainsi qu’une tolérance menant à une dose toujours plus élevée. Le risque de chutes s’en trouve aussi accru. De plus, il y a une augmentation de l’incidence de complications cardiaques et rénales, d’hypertension, d’incontinence urinaire, de pertes de mémoire et de maladie d’Alzheimer. Les études suggèrent que les Ativan, Valium, Imovane et autres Rivotril rogneraient même plusieurs années d’espérance de vie aux personnes qui dérogeraient à l’usage passager auquel ils sont destinés.

Stop !

« Plutôt que d’opter pour des calmants afin de traiter l’anxiété chez les aînés, on devrait favoriser l’aide d’un psychologue, d’une infirmière, d’un travailleur social, etc. Quant aux aînés qui en consomment déjà, il importe qu’ils prennent conscience qu’il est déconseillé de prendre ces médicaments-là sur une longue période. En fait, à long terme, ils nuisent même à un sommeil réparateur et accentuent l’anxiété. Un sevrage graduel, sous la supervision de leur médecin, est indiqué », explique le Dr Grenier, psychologue.

Les proches ne devraient pas banaliser la présence d’un tranquillisant dans la liste de médicaments d’un aîné et encore moins faire pression afin qu’il abandonne l’idée d’arrêter ce médicament, sous prétexte qu’il ne faut pas déroger à une médication « gagnante ».

Le professeur au département de psychologie de l’Université de Montréal précise qu’on ne doit pas cesser l’usage de tranquillisants du jour au lendemain. « Le respect d’une grille de sevrage est nécessaire, sans quoi plusieurs aînés seront incapables d’arrêter la prise de ces médicaments car ils expérimenteront d’intenses symptômes – étourdissements et nausées – de même qu’un retour en force des problèmes d’anxiété et d’insomnie. Même avec un arrêt graduel et supervisé, des effets désagréables liés au sevrage peuvent être ressentis pendant quelques semaines. »

Calmer le jeu

Les personnes qui réussissent leur sevrage auront développé de nouvelles stratégies pour gérer leur stress, leur insomnie, leur anxiété, et adopté une attitude plus réaliste, pour éviter de monter en épingle les tracas de la vie.

De plus, que l’on soit un ex-consommateur de calmants ou un anxieux en puissance, l’exercice physique, de saines habitudes de vie, le yoga, la relaxation et les activités permettant de briser l’isolement social s’avèrent de bons répulsifs contre l’un des grands maux de notre siècle.

***

Le sevrage à l’étude

Si vous avez 60 ans et plus, prenez des calmants ou somnifères depuis au moins deux ans sur une base quotidienne ou occasionnelle et que vous voulez arrêter ces médicaments, vous pouvez prendre part à une étude sur le sevrage qui se déroule au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

Cette étude a pour but de tester l’efficacité d’une nouvelle intervention psychosociale, le PASSE-65+, conçue spécialement pour faciliter l’arrêt des calmants et somnifères chez les aînés.

Pour vous inscrire, contactez Fethia Benyebdri, coordonnatrice de recherche, au 514 340-3540, poste 4788 ou visitez le laboleader.ca

***

« Anxieux, moi ? »

Un aîné sur quatre présente des symptômes d’anxiété, sans que ce soit suffisamment aigu pour être considéré comme un problème de santé mentale. Ces personnes ont tendance à transpirer, à avoir les mains moites et à avoir des palpitations en certaines circonstances. Aussi, elles ruminent continuellement ; leur « hamster intérieur » s’invente des histoires, elles entretiennent des inquiétudes excessives et transforment les faibles probabilités de dangers en catastrophes imminentes.

« Il y a deux sortes d’anxieux après 65 ans : ceux qui l’ont été toute leur vie et ceux qui le deviennent en raison des pertes et deuils liés au vieillissement. Une personne ayant composé avec toutes sortes de situations au cours de sa vie peut graduellement, surtout après 75 ans, voir son élastique d’adaptation devenir de plus en plus raide », illustre le psychologue clinicien Sébastien Grenier.