Bouger, un mode de vie

Les recommandations de santé publique en matière d’activité physique ont beau être claires, elles ne sont pas suivies. Et si c’était parce qu’on aborde la question par le mauvais angle ?

Micheline Lefebvre est une boule d’énergie. À l’autre bout du fil, la Montréalaise de 67 ans décline son emploi du temps sportif avec une vigueur que lui envieraient bien des vingtenaires. La triathlète nage, pédale et court plusieurs fois par semaine avec le club Dynamos Centre-Sud, dont elle est membre.

À cette routine déjà bien chargée s’ajoutent des sorties de course à pied en solo qu’elle effectue en vue de compétitions à l’extérieur du pays. « Si tout va bien, je devrais participer à des courses de 21,1 km à Miami et à Vienne dans les prochains mois », confiait-elle en entrevue à Virage, en décembre dernier.

La performance ? Non merci !

N’allez toutefois pas croire que Micheline Lefebvre se prend au sérieux. La performance ? Très peu pour elle. « La seule fois où j’ai fini première, c’était parce que j’étais la seule inscrite dans ma catégorie d’âge ! », raconte-t-elle en riant.

Non, son truc, c’est plutôt de ponctuer son quotidien d’activités physiques qui lui plaisent, la comblent et, cerise sur le sundae, lui font du bien. De se plier à quelque chose comme un mode de vie, où l’utile se joint à l’agréable, jusqu’à ce que les deux se confondent. « Je ne sais pas toujours quoi est quoi », avoue-t-elle d’ailleurs.

Il n’en a pas toujours été ainsi. « J’ai toujours aimé bouger, mais je ne le faisais pas de manière aussi régulière avant la retraite », se souvient celle qui a fumé pendant une trentaine d’années.

La conjoncture était manifestement favorable. Aujourd’hui, Micheline Lefebvre est fière de dire qu’elle ne prend aucune pilule.

Des directives suivies par 61 % des 65+

Les faits lui donnent raison. Selon l’Agence de la santé publique du Canada, 73 % des Canadiens âgés de 65 ans et plus souffrent d’au moins une des dix maladies chroniques les plus courantes, comme l’hypertension artérielle, le diabète de type 2 et l’ostéoporose. Ces affections peuvent pour la plupart être prévenues, du moins en partie, grâce à l’activité physique.

Or, seulement 61 % des gens de cette tranche d’âge suivent les recommandations en la matière, soit de faire au moins 150 minutes d’exercice d’intensité modérée à élevée chaque semaine, en séances de 10 minutes ou plus.

« Ces recommandations donnent des balises claires auxquelles on peut se fier. Une fois qu’on en a pris note, il faut cependant se poser la question : qu’est-ce que je fais avec ça? », affirme Angelo Tremblay, professeur au Département de kinésiologie de l’Université Laval.

Arrimer le désirable et le faisable

« Il faut bien arrimer le désirable et le faisable. L’objectif est de partir de ce qui est agréable pour soi et de tendre vers ces directives, pas le contraire », souligne le chercheur. La nuance est importante. C’est toute la différence entre éprouver un réel plaisir et accomplir une corvée pénible.

Angelo Tremblay est formel : il n’existe pas de formules toutes faites pour bouger plus au quotidien. S’affranchir de la sédentarité exige plutôt une approche individualisée qui tient compte de ses envies, besoins et réalités.

« Certaines personnes ont des limitations fonctionnelles qui les empêchent de courir tandis que d’autres demeurent dans des environnements hostiles aux piétons, donc aux déplacements actifs, indique-t-il. Je ne saurais trop conseiller de cogner à la porte d’un kinésiologue pour maximiser ses chances de réussite. »

Susciter la « bonne » motivation

Encore méconnu, le kinésiologue est le professionnel de la santé expert du mouvement humain. Il utilise l’activité physique à plusieurs fins, dont celle d’accompagner des clientèles diverses dans leur processus de remise en forme et d’activation.

Son but ? Favoriser « l’autodétermination [de ses] clients à adopter un mode de vie physiquement actif sur une base régulière », lit-on sur le site Web de la Fédération des kinésiologues du Québec. Son rôle est en ce sens analogue à celui d’une nutritionniste en ce qui a trait à la saine alimentation : on ne peut plus indispensable.

« Les motivations extérieures à un individu sont essentielles au début de la démarche. Mais, pour continuer à bouger sur le long terme, il faut identifier des raisons qui proviennent de la personne même », spécifie Isabelle Contant, kinésiologue spécialisée en réadaptation des maladies chroniques au Centre médico-sportif Axis.

Concrètement, cela signifie que s’inscrire à un cours de conditionnement physique ou vanter ses exploits sur les réseaux sociaux ne fera qu’un temps. Sans une réelle réflexion en amont sur ce qui nous plaît, point de salut. On n’y échappe pas.

« Ce n’est pas vrai que s’entraîner en salle ou participer à des compétitions sportives convient à tous. On devrait bien plus être dans l’optique de bouger un peu tous les jours », conseille l’experte. Entretenir ses plates-bandes, marcher avec Fido et pelleter son entrée sont autant d’exemples d’activités physiques faciles à intégrer à sa routine.

Ce n’est qu’une fois l’habitude acquise que vous devriez vous interroger sur les notions plus complexes d’intensité, de durée et de fréquence optimales, pas avant. « Les gens oublient que bouger est d’abord une question de bien-être, pas de santé ou d’hygiène », conclut-elle.