En mai, lorsque Serge Lepage est monté à bord de l’impressionnant voilier néerlandais Oosterschelde, un mélange d’excitation et de crainte l’habitait. De retour de cette traversée de l’Atlantique au cours de laquelle il a activement participé aux manœuvres, pas un nuage ne vient assombrir les bleus souvenirs de cette expérience accessible à tous, qu’il recommande aux vrais amoureux de la mer.
Son récit, dont les préparatifs ont fait l’objet d’un article dans la version papier de Virage, est une palpitante histoire d’eau salée. Il y a d’abord eu le départ des Bermudes, par des conditions idéales et un vent de 10 à 15 nœuds. Puis, ce fut le cœur de la traversée, sur fond d’embruns et même de fortes pluies, lorsque les vents ont atteint 35 à 40 nœuds (75 km/h) et que des creux de vagues de 6 à 7 m faisaient tanguer le navire de 30 degrés à tribord à 30 degrés à babord en quelques secondes seulement. Enfin, il y a eu l’arrivée et le séjour aux Açores, avant de mettre le cap, à regret, sur Montréal, par la voie des airs.
Durant ce périple de 27 jours, dont 17 en mer, il en a vécu des choses, ce marin expérimenté de 63 ans ! Unique canadien parmi les 23 passagers payants à bord de ce navire qui comptait aussi sept membres d’équipage, il participait deux fois par jour à un quart de travail de quatre heures, durant lequel il pouvait aussi bien hisser les voiles que prendre la roue du navire. Rien, mais rien à voir avec les populaires croisières qui donnent dans la surenchère de luxe.
« Par gros temps, nous alternions à la barre du navire de 50 m à toutes les 20 minutes tellement c’était exigeant. En pleine nuit, dans ces conditions, quand on sortait sur le pont avec nos bottes et notre ciré, que le vent et la pluie menaient un vacarme incroyable, c’était une sensation incomparable », raconte le retraité du fédéral et passionné d’océanographie. Il n’hésite pas à affirmer que ce voyage a été bien au-delà de ses espérances à tous points de vue : réel contact avec le véritable équipage, entraide, qualité des repas, confort, beautés des Bermudes, splendeurs des Açores… et sensations fortes.
Pour les jeunes de tout âge
À 63 ans, le Montréalais n’était pas le doyen à bord. « Sur 30 personnes, il y en avait neuf de 60 ans et plus, dont un de 73 ans et un de 80 ans. Chacun participait aux manœuvres dans la mesure de ses capacités », indique M. Lepage.
Il a été très agréablement surpris par l’entraide qui régnait sur ce voilier quasi centenaire entre des gens de pays différents, de langues différentes, unis par leur passion de la voile et de la mer. « C’est complètement un autre monde par rapport aux manœuvres sur un petit voilier. Les cordages sont gros, les voiles sont lourdes. Pour faire face aux intempéries, ça prenait un véritable travail d’équipe », se souvient-il, heureux d’avoir goûté à la sensation d’être complètement à la merci des éléments.
Un film et des conférences
Serge Lepage le dit sans une goutte d’hésitation : il repartirait demain matin, sur le même navire, pour un séjour encore plus long. D’ailleurs, il projette d’être de nouveau à bord de l’Oosterschelde lorsque le magnifique navire participera aux Grands Voiliers, à Québec, dans le cadre des célébrations du 150e de la Confédération, en 2017.
Dans l’intervalle, puisque l’un des buts de ce voyage était de tourner des images afin de présenter au retour une conférence aux intrépides intéressés par ce type de voyage, M. Lepage a déjà débuté le montage du film. Et il partage volontiers quelques conseils :
- Pour vivre à fond l’expérience, mieux vaut s’embarquer sur un voilier pouvant accueillir au plus quelques dizaines de personnes, ce qui permet une réelle proximité entre les passagers payants et le véritable équipage du navire.
- Pour les personnes qui possèdent peu ou pas d’expérience en mer, mieux vaut commencer par un séjour en voilier dans les îles du Sud. Les conditions de navigation seront alors meilleures et les multiples arrêts à terre permettront d’agréables pauses.
- Il ne faut pas laisser certaines limitations physiques et certainement pas l’âge freiner votre envie de réaliser le rêve d’être matelot sur un grand voilier. Certains navires accueillent même les personnes en fauteuil roulant.
Et si vous craignez d’avoir le mal de mer, sachez que même quand la mer s’est déchaînée, au beau milieu de l’Atlantique, aucune des 30 personnes à bord n’en a souffert…