Anxiété et panique : quand notre tête nous joue des tours

Les mammouths n’existent plus, mais nous en avons encore peur. Ainsi pourrait se définir l’anxiété, qui s’alimente de scénarios irrationnels nous faisant imaginer le pire… tout en étant convaincus de ne pouvoir l’affronter. Petit guide pour mieux comprendre nos dérives anxieuses.

« Les personnes anxieuses adoptent souvent deux modes de comportements pièges, explique Amélie Seidah, psychologue spécialisée dans le traitement de l’anxiété. D’un côté, il y a ceux qui soulagent leur malaise en évitant les situations anxiogènes. De l’autre, il y a ceux qui s’agitent, qui sur-vérifient, qui ont un constant besoin de se rassurer pour éviter le pire.  Le résultat est malheureusement le même : soulagement sur le coup, mais maintien de leur anxiété à plus long terme. »

Les hauts et les bas de Jeanne

La vie de Jeanne n’a pas été un long fleuve tranquille. Enfant, elle ressent des montées d’anxiété au milieu de la nuit. À l’adolescence, un diagnostic tombe : agoraphobie. « Je me suis construit une vie avec mes propres limites, raconte-t-elle. J’évitais les ascenseurs, les rues inconnues et les autoroutes, avec le sentiment d’échapper à la fin du monde ».

À son insu, cette fuite rassurante alimente la peur, qui prend des proportions inquiétantes. À 45 ans, elle suit avec succès une thérapie de désensibilisation et goûte à la liberté d’aller et venir où bon lui semble ! L’avenir va cependant lui apprendre que ses phobies sommeillent dans le grenier.

En mars 2020, Jeanne a le vent dans les voiles. C’est alors que la pandémie frappe. Jeanne trouve le confinement plutôt confortable, y prend même goût. Sournoisement, sa peur des déplacements refait surface. « Je n’avais pas à trouver de prétexte pour refuser une invitation, personne ne pouvait sortir ! Auparavant, je mentais à mon entourage car rares sont ceux qui comprenaient mon anxiété devant une situation en apparence banale », se souvient celle qui compose encore difficilement avec les séquelles de la pandémie sur sa santé mentale.

La solution : la défusion

« Les personnes anxieuxes surestiment le risque associé à une situation inconfortable et croient qu’ils n’auront pas la force d’y faire face, deux distorsions de la réalité. Ils s’imaginent qu’ils ne pourront plus respirer, perdront leurs repères ou se ridiculiseront en public. En fait, c’est leur système d’alarme interne qui s’active inutilement. En envoyant à leur cerveau un message de danger imminent, ils forcent celui-ci à réagir comme s’il y avait un danger réel », explique Amélie Seidah, coauteure des livres L’anxiété apprivoisée et La peur d’avoir peur (Éditions Trécarré).

Que faire ? Tous les spécialistes s’entendent pour dire que nous n’avons aucun contrôle sur l’apparition de pensées anxieuses. Cependant, nous avons la possibilité de ne pas considérer ces pensées comme des faits absolus. Mieux encore, l’idéal est de s’en distancier. « Se parler » comme on disait avant.

« Les personnes anxieuses se laissent envahir par leurs peurs quand, au contraire, il faut les aborder avec détachement et flexibilité, explique Amélie Seidah. Il faut apprendre à défusionner avec ces pensées, les remettre à leur place, comprendre que notre cerveau est en train de nous jouer des tours. Apprenons plutôt à trier nos pensées, car elles ne sont pas toutes importantes, vraies ni utiles. »

Les attaques de panique d’Andrew

La vie d’Andrew a bien commencé. Ingénieur, il épouse Laura et rapidement, ils ont deux fils. Homme de devoir, Andrew avance dans la vie au pas des conventions et des préjugés. Mais à 50 ans, tout bascule : sa femme le quitte. S’ensuit un épuisement professionnel. La remise en question est globale.

Alors qu’Andrew croit s’être libéré de la source de son stress en devenant travailleur autonome, les montées d’anxiété se multiplient et des symptômes dépressifs s’ajoutent à son état. Son médecin lui prescrit des antidépresseurs, puis des anxiolytiques. La totale !

« J’avais l’impression d’être seulement un homme médicamenté avide de perfection.  Il y a des jours où je me sentais tellement mal que je devais annuler ma journée de travail chez un client. Briser mon engagement me stressait encore davantage. J’ai commencé à faire des attaques de panique », raconte-t-il, les yeux embués.

La bienveillance est la clé

« L’attaque de panique est un véritable raz-de-marée, explique Mme Seidah. Elle fait ressentir au moins cinq sensations physiques intenses simultanément, telles que palpitations, vision embrouillée, impression de perte de connaissance imminente, vertiges, serrements thoraciques, sensations de chaleur et de froid. La bonne nouvelle est que tout en étant extrêmement paralysante, cette crise n’est pas dangereuse. Le véritable problème est que ses victimes la nourrissent et même la prolongent en tentant d’y résister. »

Qu’il s’agisse d’anxiété ou d’attaque de panique, elle rappelle que ce à quoi on résiste… persiste. « Pour adoucir nos réactions face à un danger irrationnel, il faut apprendre à être bienveillant envers soi-même, soutient Mme Seidah. Et ça passe parfois par la médication. Tout en étant nécessaire dans certains cas, elle peut être une arme à double tranchant. Car si elle soulage, elle ne guérit pas. C’est plutôt une psychothérapie, en complément, qui va débusquer les racines du problème et offrir des stratégies concrètes pour faire face à la panique. »

La psychologue explique que si sortir de notre zone de confort produit un trop grand stress, il n’y aura aucun apprentissage à en tirer. « Il faut s’exposer graduellement à une situation anxiogène, une petite bouchée à la fois. Il faut être patient et indulgent envers soi-même. Le secret est de se fixer des objectifs réalisables avec un stress acceptable. »

La psychologue suggère aussi à ses patients de se poser cette question : si j’avais moins peur, qu’est-ce que je ferais, comment je vivrais, qui je serais ? « La réponse ne fait pas disparaître l’anxiété par magie, mais elle apporte une piste de réflexion parfois étonnante. »