Anick Lemay : « Le plus grand reset de ma vie »

L’annonce de son cancer nous a secoués et nous avons suivi avec compassion l’évolution de la maladie d’Anick Lemay par le biais de ses chroniques publiées sur Urbania. Dans le cadre de la sortie de son livre, Le gouffre lumineux, l’actrice dresse le bilan de cette expérience qui a remis ses compteurs à zéro.

Pour faire du bien

Devant l’intérêt suscité par ses chroniques, plusieurs maisons d’édition ont approché la comédienne pour qu’elle les rassemble dans un livre. « J’étais encore en traitement, je n’avais pas la tête à ça, confie-t-elle. Un jour, je suis allée visiter mon papa qui m’a demandé de lui imprimer mes chroniques parce qu’il n’avait pas accès à Internet. J’ai compris que c’était le cas pour plusieurs. Ça m’a convaincue de faire ce recueil. Je voulais qu’il soit distribué dans les centres d’oncologie où il y a beaucoup de gens âgés qui sont massivement touchés par le cancer. Le but, c’était donc de distribuer le livre gratuitement dans les centres d’oncologie et d’hébergement à travers le Québec pour qu’il procure un peu de lumière durant ce moment déroutant de la vie. »

Pour chaque exemplaire vendu, 1 $ est remis à la Fondation québécoise du cancer. « L’objectif n’est pas de faire des sous, mais de faire du bien. Le diagnostic est tombé le 5 avril 2018 pour moi, mais le 10, j’ai pensé mourir. Qu’on ait publié le livre à cette date est un beau pied-de-nez à la Grande faucheuse… »

Notre propre finalité

La maladie, on en convient, fait naître un grand sentiment d’impuissance. « Je sais comme on a peur pour l’autre et comme ça nous confronte possiblement à notre propre finalité, poursuit Anick. C’est très difficile de voir souffrir quelqu’un qu’on aime. Je savais que j’étais bien entourée, mais mes amies ont tissé un réseau autour de moi. Je n’ai pas eu besoin de demander, mes fées se sont rassemblées et ont organisé la suite des choses. On traverse cette expérience tout seul, mais sachant que quelqu’un nous porte fait en sorte que le vertige est moins grand. J’ai vu tellement de gens seuls, à l’hôpital… Ça m’a crevé le cœur. »

S’il y a un message qu’elle aimerait passer, c’est celui-ci : « N’ayez pas peur de demander de l’aide. Ce n’est pas honteux d’avoir le cancer. C’est rendu banal. Une personne sur deux devra y faire face. »

Revenir à l’essentiel

Sur Internet, on peut lire qu’Anick vient d’avoir 50 ans. Elle ne les fait pas? C’est qu’elle ne les a pas ! « J’ai eu 48 ans en mars dernier, s’amuse-t-elle, et je les ai bien célébrés. Mes super fées m’ont organisé un super party d’anniversaire. J’ai dansé jusqu’à 3 heures du matin, jusqu’à en avoir mal aux pieds. »

Sa grand-mère est décédée l’automne dernier à 101 ans et demi. « J’avais toujours été convaincue que j’allais vivre aussi longtemps qu’elle. Pour moi, c’était acquis : j’avais des gènes extraordinaires ! C’est vrai que j’ai des gènes extraordinaires, mais mes cellules ont capoté. Cela fait en sorte que chaque jour, chaque semaine, chaque mois qui passe est un cadeau. Je suis vivante. Bien vivante. Durant la dernière année, j’ai confirmé tous les clichés : que l’essentiel, c’est d’être aimé, que l’essentiel est invisible pour les yeux, que vieillir est un privilège. Nous sommes las d’entendre ces clichés, mais ils sont tellement vrais ! »

Un grand reset

« J’ai vécu le plus grand reset de ma vie. J’ai envie de profiter de chaque moment, de ne plus m’ennuyer, de me lever le matin et d’apprécier ma journée. De partir mes projets et de ne plus attendre après personne. De vivre. D’être heureuse. De rire. Je veux voir grandir ma belle grande fille. C’est sûr qu’il y a la peur d’une récidive. Je ne me raconte pas d’histoires. C’est toujours là, mais j’apprends à vivre avec. Je me dis que je suis déjà passée au travers, alors je continue en étant le plus heureuse possible. »

Sa perception du temps s’est beaucoup modifiée. « Le temps s’est d’abord arrêté avant de reprendre son cours, mais très lentement. Les jours semblaient des semaines. Quand on renoue avec le rythme normal, c’est un peu déroutant. Mon rythme intérieur a changé. J’ai retrouvé mon énergie vitale, mais la course effrénée ne fait plus partie de moi… Idem en ce qui concerne la performance. Je me projette moins dans l’avenir qu’avant. Ça m’a ramenée à ici et maintenant. »

Livre, télé, documentaire… 

Le gouffre lumineux est disponible en librairie. De plus, Anick est de retour dans la série L’Échappée. Elle réalise également un documentaire sur la mastectomie : Mon Téton – Guide de survie.

« Je veux démystifier la mastectomie. Je ne veux pas devenir la porte-parole du cancer du sein, mais le livre et le documentaire pourront aider et donner du courage à celles qui seront confrontées à la maladie. »

Photo : Julie Perreault