Paul Daraîche : une vie en cinq tounes

Avec 60 ans de carrière derrière la guitare, Paul Daraîche est une véritable légende vivante. Avec nous, l’auteur-compositeur-interprète de 78 ans revisite sa carrière et sa vie à travers cinq de ses chansons marquantes, des tounes qui racontent ses joies et ses peines, ses succès et ses échecs, ses moments lumineux comme ses parts d’ombre.

À ma mère

Écrite en 1980 à la suite du décès de son père, À ma mère est devenue la chanson la plus emblématique de Paul et figure parmi les incontournables de son répertoire.

« J’étais en tournée avec ma sœur Julie, se souvient-il. J’ai pu voir mon père en Gaspésie avant qu’il parte. Le lendemain de son décès, en arrivant à Petit-Rocher, au Nouveau-Brunswick, je suis allé au bord de la mer avec ma guitare, et la toune m’est tombée du ciel. C’est un cadeau de mon père, c’est sûr! »

« Encore aujourd’hui, c’est ma plus grande chanson. Bien des artistes l’ont reprise, et on continue de l’enregistrer. On m’en parle tout le temps. C’est toujours la dernière que je chante en show. À chaque fois, il y a des gens dans la salle qui viennent uniquement pour l’entendre. Si je ne la faisais pas, je mangerais une volée après le spectacle! »

Dans ta robe blanche

Paul Daraîche a toujours été très proche de sa famille d’origine. Il a d’ailleurs fait carrière pendant plusieurs années avec sa sœur, Julie, et sa nièce, Dani. Il a su recréer un clan tricoté serré avec sa deuxième épouse. « Pour mon mariage, j’avais écrit Dans ta robe blanche, une super belle chanson. Johanne est venue me chercher en enfer, confesse‑t-il. J’étais sur la poudre, dans ce temps-là. J’étais fini… J’ai fait 45 ans de bars. C’était rempli de bandits, de motards, de mafiosos. Je me suis fait prendre au piège. C’est à cette période que Johanne est arrivée : elle m’a sorti de l’enfer. Quand mon premier mariage s’est défait, ça m’a éloigné de mes enfants. Johanne m’a redonné le goût de recommencer. On a eu deux enfants ensemble. »

Paul traverse actuellement des moments difficiles sur le plan familial, car sa fille Katia, née aveugle, a été amputée d’une jambe au printemps dernier. « Elle s’est fait écraser par un autobus à l’âge de 16 ans, raconte son père, ému. On a essayé de la sauver, mais sa jambe gauche était irrécupérable. Pendant 36 ans, elle a été hospitalisée chaque année pendant 15 jours à cause de sa jambe. Malgré tout, elle est tellement forte… C’est elle qui nous encourage. Elle fait tout pour se rétablir, parce qu’elle fait partie du spectacle de la nouvelle famille Daraîche. Elle montera sur scène en fauteuil roulant, et c’est son chum qui l’accompagnera jusqu’au micro. Une chance qu’il est là! C’est un ange! »

« Quand elle est venue au monde, aveugle, ça m’a tué. Avec le temps, je me suis rendu compte qu’elle fonctionnait tellement bien que j’ai fini par l’accepter. Une chance, elle est super brillante. Elle est technicienne en braille à l’Institut Nazareth et Louis-Braille, qu’elle fréquentait quand elle était enfant. Elle traduit des livres. Elle fait aussi de la radio à Québec Country. Avec elle, on est habitués aux drames, mais c’est une tough, une vraie! Je n’aurais jamais eu le courage de traverser tout ce qu’elle a vécu. »

Paul Daraîche

Qu’est-ce qui t’a pris

Paul, qui a connu sa part d’épreuves, se considère tout de même chanceux dans la vie. Sur son album Ma maison favorite, la chanson Qu’est-ce qui t’a pris évoque des départs douloureux qui l’ont profondément touché. « Plusieurs personnes autour de moi se sont suicidées, explique-t-il, entre autres mon ancien bassiste et une amie de ma fille Émilie. C’est un ami qui a écrit cette chanson, mais quand je l’ai entendue, j’ai capoté. Ça m’a rappelé mes chums. Je ne la fais pas souvent en spectacle, car ça touche trop de monde. »

En 2018, cet artiste infatigable ressentait des symptômes alarmants : fatigue et essoufflement à l’effort. Il a dû subir une opération pour remplacer l’aorte et les valves de son cœur. « J’ai passé proche de mourir, c’est certain », reconnaît-il. Sans tabou, il aborde la question de sa propre fin. « Je viens de faire une toune, Quand mon heure viendra, de Daniel Léger. C’est magnifique! Moi, je suis serein. J’ai vécu au boutte! J’ai vraiment réalisé tous mes rêves. J’ai chanté avec les plus grandes stars internationales, qui étaient mes idoles quand j’étais enfant. J’ai chanté avec Aznavour à Paris, et Adamo vient encore de m’écrire une toune pour mon nouvel album. Quand je pense que j’ai commencé à apprendre la musique avec lui… »

Moi je ne pensais qu’à la musique

Paul Daraîche a passé une partie de sa jeunesse en Gaspésie, où il démontrait de bonnes aptitudes scolaires, mais son intérêt se portait déjà sur la musique. « La chanson Moi je ne pensais qu’à la musique, sur mon album Confidences, raconte justement ça, dit-il. À l’école, je ne pensais qu’à la musique. Comme j’étais premier de classe, je n’étudiais pas. En Gaspésie, à l’époque, il n’était pas question de longues études. Je suis arrivé à Montréal en 1956, à l’âge de 9 ans. On a capoté! Nous, on n’avait même pas de lumière de rue en Gaspésie à l’époque. Le soir, on se promenait dans le noir. La rue Sainte-Catherine et la plaza Saint-Hubert, dans ce temps-là, c’était comme Vegas. On se croyait dans un autre monde. »

« Quand j’ai eu 10 ans, mon père m’a acheté ma première guitare pour Noël. Je n’ai jamais arrêté depuis. J’ai appris en regardant des partitions. Aujourd’hui, je suis réalisateur, j’écris pour d’autres, et pourtant, je ne suis jamais allé à l’école. Je suis vraiment un autodidacte. Je me rappelle que mon père me disait : “Ça te prend une job : avec la maudite musique, tu vas crever de faim.” Mais je n’ai jamais eu de plan B. »

La route est longue

« Je suis parti en tournée le jour de mes 18 ans, poursuit-il, et je ne suis jamais revenu. Ça fait 60 ans! C’est une longue route. Sur mon nouvel album, Un dernier je t’aime, il y a justement une toune qui s’intitule La route est longue, écrite par Bourbon Gauthier. C’est mon 33e album en carrière, composé de treize chansons originales. Ça fait vingt‑trois ans que je n’avais pas fait ça, parce que tous les albums que j’ai sortis depuis étaient des duos. »

À 78 ans, Paul Daraîche reprend la route et se dit reconnaissant de voir sa carrière se prolonger et les projets se multiplier. « Après l’album, il y aura deux shows au Casino de Montréal et un show à Québec, dit-il. En septembre, mon fils Dan, qui est aussi mon batteur, lancera son premier album à Saint-Tite. Ensuite, nous enregistrerons l’album de La nouvelle famille Daraîche avec mes enfants Katia, Émilie et Dan, ainsi que Dani, la fille de Julie, décédée il y a trois ans. Et en janvier, nous partirons en tournée au Québec et au Nouveau-Brunswick. Comme moi, dit-il en souriant, mes enfants n’ont pas de plan B! »

On s’informe sur les projets de Paul Daraîche au pauldaraiche.com